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Chapitre 25

Au bout de quatre mois, Laurent songea à retirer les bénéfices qu’il s’était promis de son mariage. Il aurait abando

Un soir, il a

Il fut donc décidé que l’artiste louerait un atelier et qu’il toucherait cent francs par mois pour les divers frais qu’il aurait à faire. Le budget de la famille fut ainsi réglé: les bénéfices réalisés dans le commerce de mercerie payeraient le loyer de la boutique et de l’appartement, et suffiraient presque aux dépenses journalières du ménage; Laurent prendrait le loyer de son atelier et ses cent francs par mois sur les deux mille et quelques cents francs de rente; le reste de ces rentes serait appliqué aux besoins communs. De cette façon, on n’entamerait pas le capital. Thérèse se tranquillisa un peu. Elle fit jurer à son mari de ne jamais dépasser la somme qui lui était allouée. D’ailleurs, elle se disait que Laurent ne pouvait s’emparer des quarante mille francs sans avoir sa signature, et elle se promettait bien de ne signer aucun papier.

Dès le lendemain, Laurent loua, vers le bas de la rue Mazarine, un petit atelier qu’il convoitait depuis un mois. Il ne voulait pas quitter son emploi sans avoir un refuge pour passer tranquillement ses journées, loin de Thérèse. Au bout de la quinzaine, il fit ses adieux à ses collègues. Grivet fut stupéfait de son départ. Un jeune homme, disait-il, qui avait devant lui un si bel avenir, un jeune homme qui en était arrivé, en quatre a

Enfin l’artiste s’installa dans son atelier. Cet atelier était une sorte de grenier carré, long et large d’environ cinq ou six mètres; le plafond s’inclinait brusquement, en pente raide, percé d’une large fenêtre qui laissait tomber une lumière blanche et crue sur le plancher et sur les murs noirâtres. Les bruits de la rue ne montaient pas jusqu’à ces hauteurs. La pièce, silencieuse, blafarde, s’ouvrant en haut sur le ciel, ressemblait à un trou, à un caveau creusé dans une argile grise. Laurent meubla ce caveau tant bien que mal; il y apporta deux chaises dépaillées, une table qu’il appuya contre un mur pour qu’elle ne se laissât pas glisser à terre, un vieux buffet de cuisine, sa boîte à couleurs et son ancien chevalet; tout le luxe du lieu consista en un vaste divan qu’il acheta trente francs chez un brocanteur.

Il resta quinze jours sans songer seulement à toucher à ses pinceaux. Il arrivait entre huit et neuf heures, fumait, se couchait sur le divan, attendait midi, heureux d’être au matin et d’avoir encore devant lui de longues heures de jour. À midi, il allait déjeuner, puis il se hâtait de revenir, pour être seul, pour ne plus voir le visage pâle de Thérèse. Alors il digérait, il dormait, il se vautrait jusqu’au soir. Son atelier était un lieu de paix où il ne tremblait pas. Un jour sa femme lui demanda à visiter son cher refuge. Il refusa, et comme, malgré son refus, elle vint frapper à sa porte, il n’ouvrit pas; il lui dit le soir qu’il avait passé la journée au musée du Louvre. Il craignait que Thérèse n’introduisît avec elle le spectre de Camille.

L’oisiveté finit par lui peser. Il acheta une toile et des couleurs, il se mit à l’œuvre. N’ayant pas assez d’argent pour payer des modèles, il résolut de peindre au gré de sa fantaisie, sans se soucier de la nature. Il entreprit une tête d’homme.



D’ailleurs, il ne se cloîtra plus autant; il travailla pendant deux ou trois heures chaque matin et employa ses après-midi à flâner ici et là, dans Paris et dans la banlieue. Ce fut en rentrant d’une de ces longues promenades qu’il rencontra, devant l’Institut, son ancien ami de collège, qui avait obtenu un joli succès de camaraderie au dernier Salon.

«Comment, c’est toi! s’écria le peintre. Ah! mon pauvre Laurent, je ne t’aurais jamais reco

– Je me suis marié, répondit Laurent d’un ton embarrassé.

– Marié, toi! Ça ne m’éto

– J’ai loué un petit atelier; je peins un peu, le matin.»

Laurent conta son mariage en quelques mots; puis il exposa ses projets d’avenir d’une voix fiévreuse. Son ami le regardait d’un air éto

«Mais tu deviens joli garçon, ne put s’empêcher de s’écrier l’artiste, tu as une tenue d’ambassadeur. C’est du dernier chic. À quelle école es-tu donc?»

L’examen qu’il subissait pesait beaucoup à Laurent. Il n’osait s’éloigner d’une façon brusque.

«Veux-tu monter un instant à mon atelier, demanda-t-il enfin à son ami, qui ne le quittait pas.

– Volontiers», répondit celui-ci.

Le peintre, ne se rendant pas compte des changements qu’il observait, était désireux de visiter l’atelier de son ancien camarade. Certes, il ne montait pas cinq étages pour voir les nouvelles œuvres de Laurent, qui allaient sûrement lui do