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Chaque jour, les sensations des époux étaient à peu près les mêmes. Pendant la journée, lorsqu’ils ne se trouvaient pas face à face, ils goûtaient des heures délicieuses de repos; le soir, dès qu’ils étaient réunis, un malaise poignant les envahissait.

C’étaient d’ailleurs de calmes soirées. Thérèse et Laurent, qui frisso

À ces soirées intimes, ils préférèrent bientôt de beaucoup les soirées du jeudi. Quand ils étaient seuls avec Mme Raquin, ils ne pouvaient s’étourdir; le mince filet de voix de leur tante, sa gaieté attendrie n’étouffaient pas les cris qui les déchiraient. Ils sentaient venir l’heure du coucher, ils frémissaient lorsque, par hasard, ils rencontraient du regard la porte de leur chambre; l’attente de l’instant où ils seraient seuls devenait de plus en plus cruelle, à mesure que la soirée avançait. Le jeudi, au contraire, ils se grisaient de sottise, ils oubliaient mutuellement leur présence, ils souffraient moins. Thérèse elle-même finit par souhaiter ardemment les jours de réception. Si Michaud et Grivet n’étaient pas venus, elle serait allée les chercher. Lorsqu’il y avait des étrangers dans la salle à manger, entre elle et Laurent, elle se sentait plus calme; elle aurait voulu qu’il y eût toujours là des invités, du bruit, quelque chose qui l’étourdît et l’isolât. Devant le monde, elle montrait une sorte de gaieté nerveuse. Laurent retrouvait, lui aussi, ses grosses plaisanteries de paysan, ses rires gras, ses farces d’ancien rapin. Jamais les réceptions n’avaient été si gaies ni si bruyantes.

C’est ainsi qu’une fois par semaine, Laurent et Thérèse pouvaient rester face à face sans frisso

Bientôt une crainte les prit. La paralysie gagnait peu à peu Mme Raquin, et ils prévirent le jour où elle serait clouée dans son fauteuil, impotente et hébétée. La pauvre vieille commençait à balbutier des lambeaux de phrase qui se cousaient mal les uns aux autres; sa voix faiblissait, ses membres se mouraient un à un. Elle devenait une chose. Thérèse et Laurent voyaient avec effroi s’en aller cet être qui les séparait encore et dont la voix les tirait de leurs mauvais rêves. Quand l’intelligence aurait abando



Tous leurs efforts tendirent à conserver à Mme Raquin une santé qui leur était si précieuse. Ils firent venir des médecins, ils furent aux petits soins auprès d’elle, ils trouvèrent même dans ce métier de garde-malade un oubli, un apaisement qui les engagea à redoubler de zèle. Ils ne voulaient pas perdre un tiers qui leur rendait ses soirées supportables; ils ne voulaient pas que la salle à manger, que la maison tout entière devînt un lieu cruel et sinistre comme leur chambre. Mme Raquin fut singulièrement touchée des soins empressés qu’ils lui prodiguaient; elle s’applaudissait, avec des larmes, de les avoir unis et de leur avoir abando

Cependant Thérèse et Laurent menaient leur double existence. Il y avait en chacun d’eux comme deux êtres bien distincts: un être nerveux et épouvanté qui frisso

Perso

«Sont-ils heureux, ces amoureux-là! disait souvent le vieux Michaud. Ils ne causent guère, mais ils n’en pensent pas moins. Je parie qu’ils se dévorent de caresses, quand nous ne sommes plus là.»

Telle était l’opinion de toute la société. Il arriva que Thérèse et Laurent furent do