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Je ne veux pas laisser croire qu'il mît une ostentation quelconque à ses aventures. Il se bornait à ne pas me les cacher, plus exactement: à ne rien me dire de convenable et de faux pour justifier la fréquence des déjeuners de telle amie à la maison ou son installation complète... heureusement provisoire! De toute façon, je n'aurais pu ignorer longtemps la nature de ses relations avec ses «invitées» et il tenait sans doute à garder ma confiance d'autant plus qu'il évitait ainsi des efforts pénibles d'imagination. C'était un excellent calcul. Son seul défaut fut de m'inspirer quelque temps un cynisme désabusé sur les choses de l'amour qui, vu mon âge et mon expérience, devait paraître plus réjouissant qu'impressio
le lendemain matin, je fus réveillée par un rayon de soleil oblique et chaud, qui inonda mon lit et mit fin aux rêves étranges et un peu confus où je me débattais. Dans un demi-sommeil, j'essayai d'écarter de mon visage, avec la main, cette chaleur insistante, puis y renonçai. Il était dix heures. Je descendis en pyjama sur la terrasse et y retrouvai A
– Je préfère boire le matin parce que...
– Vous devez prendre trois kilos pour être présentable. Vous avez la joue creuse et on voit vos côtes. Allez donc chercher des tartines.»
Je la suppliai de ne pas m'imposer de tartines et elle allait me démontrer que c'était indispensable lorsque mon père apparut dans sa somptueuse robe de chambre à pois.
«Quel charmant spectacle, dit-il; deux petites filles brunes au soleil en train de parler tartines.
– Il n'y a qu'une petite fille, hélas! dit A
Mon père se pencha et lui prit la main. Toujours aussi rosse», dit-il tendrement, et je vis les paupières d'A
J'en profitai pour m'esquiver. Dans l'escalier, je croisai Elsa. Visiblement, elle sortait du lit, les paupières gonflées, les lèvres pâles dans son visage cramoisi par les coups de soleil. Je faillis l'arrêter, lui dire qu'A
Je pris mon maillot de bain et courus à la crique. A ma surprise, Cyril y était déjà, assis sur son bateau. Il vint à ma rencontre, l'air grave, et il me prit les mains.
« Je voudrais vous demander pardon pour hier, dit-il.
– C'était ma faute», dis-je.
Je ne me sentais absolument pas gênée et son air sole
«Je m'en veux beaucoup, reprit-il en poussant le bateau à la mer.
– Il n'y a pas de quoi, dis-je allègrement.
– Si!»
J'étais déjà dans le canot. Il était debout avec de l'eau jusqu'à mi-jambes, appuyé des deux mains au plat-bord comme à la barre d'un tribunal. Je compris qu'il ne monterait pas avant d'avoir parlé et le regardai avec toute l'attention nécessaire. Je co
« Ne riez pas, dit-il. Je m'en suis voulu hier soir, vous savez. Rien ne vous défend contre moi; votre père, cette femme, l'exemple... Je serais le dernier des salauds, ce serait la même chose; vous pourriez me croire aussi bien...»
II n'était même pas ridicule. Je sentais qu'il était bon et prêt à m'aimer; que j'aimerais l'aimer. Je mis mes bras autour de son cou, ma joue contre la sie
«Vous êtes gentil, Cyril, murmurai-je. Vous allez être un frère pour moi.»
II replia ses bras autour de moi avec une petite exclamation de colère et m'arracha doucement du bateau. Il me tenait serrée contre lui, soulevée, la tête sur son épaule. En ce moment-là, je l'aimais. Dans la lumière du matin, il était aussi doré, aussi gentil, aussi doux que moi, il me protégeait. Quand sabouche chercha la mie
A onze heures et demie, Cyril partit et mon père et ses femmes apparurent dans le chemin de chèvres. Il marchait entre les deux, les soutenant, leur tendant successivement la main avec une bo
«Cécile, pourquoi vous levez-vous si tôt ici? A Paris, vous étiez au lit jusqu'à midi.
– J'avais du travail, dis-je. Ça me coupait les jambes.»
Elle ne sourit pas: elle ne souriait que quand elle en avait envie, jamais par décence, comme tout le monde.
«Et votre examen?
– Loupé! dis-je avec entrain. Bien loupé!
– Il faut que vous l'ayez en octobre, absolument.
– Pourquoi? intervint mon père. Je n'ai jamais eu de diplôme, moi. Et je mène une vie fastueuse.
– Vous aviez une certaine fortune au départ, rappela A
– Ma fille trouvera toujours des hommes pour la faire vivre», dit mon père noblement.
Elsa se mit à rire et s'arrêta devant nos trois regards.
«II faut qu'elle travaille, ces vacances», dit A
J'envoyai un regard désespéré à mon père. Il me répondit par un petit sourire gêné. Je me vis devant des pages de Bergson avec ces lignes noires qui me sautaient aux yeux et le rire de Cyril en bas... Cette idée m'épouvanta. Je me traînai jusqu'à A
«A
Elle me regarda avec fixité un instant, puis sourit mystérieusement en détournant la tète.
«Je devrais vous faire «ça»... même par ces chaleurs, comme vous dites. Vous ne m'en voudriez que pendant deux jours, comme je vous co
– Il y a des choses auxquelles on ne se fait pas», dis-je sans rire.
Elle me lança un coup d'œil amusé et insolent et je me recouchai dans le sable, pleine d'inquiétudes. Elsa pérorait sur les festivités de la côte. Mais mon père ne l'écoutait pas: placé au sommet du triangle que faisaient leurs corps, il lançait au profil renversé d'A
ce qui m'éto
Un jour, cependant, elle dut comprendre, intercepter un regard de mon père; je la vis avant le déjeuner murmurer quelque chose dans son oreille: un instant, il eut l'air contrarié, éto
«Vous venez, Raymond?»