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            La poisse !

            Elle s’installa et plissa les yeux pour mieux détailler le nouveau venu. Un homme d’une cinquantaine d’a

            – Tu m’entends, tête de blatte ?

            En quelques phrases, Emma mit Romuald au courant de la situation.

            – Bon sang ! C’est à lui qu’elle va remettre le sac ! Il faut absolument que j’entende ce qu’ils se disent !

            – Vous n’avez qu’à vous rapprocher, répondit Romuald à l’autre bout de la ligne.

            Elle s’énerva.

            – T’as pas la lumière à tous les étages, toi ! Je t’ai expliqué que je ne POUVAIS pas ! Et puis Kate m’a déjà croisée dimanche et hier matin. Elle va finir par me repérer.

            – OK, vous énervez pas… s’offusqua l’adolescent.

            – Romuald, ce n’est pas le moment de jouer les ados boudeurs, il faut que tu m’aides ! Ils se disent beaucoup de choses, là. Si tu as une idée, c’est maintenant !

            L’adolescent laissa passer trois secondes puis s’écria :

            – Votre téléphone ! Posez-le sur le sol et projetez-le dans leur direction. Je vais les enregistrer.

            Elle secoua la tête.

            – Il te manque vraiment une vis ! siffla-t-elle entre ses dents. Comment veux-tu que ça marche ?

            Anxieuse, elle se rongea un ongle. Mais, en désespoir de cause, elle suivit le conseil du geek. Elle déposa son portable sur le parquet en bois blond, faisant mine de renouer ses lacets et, avec son pied, le propulsa à la manière d’un palet.

            Le cellulaire glissa sur les planches vitrifiées, passa sous les bancs et les jambes pendantes, puis s’immobilisa sous la grande table où Kate déjeunait avec l’inco

            La chance du débutant…

            Tendue et crispée sur sa chaise, Emma termina en deux gorgées sa bouteille de thé fermenté en adressant une prière muette pour que perso

            Elle se leva à son tour, récupéra discrètement son appareil sous les yeux interloqués des autres occupants de la table, et sortit dans leur sillage.

            *

            Emma quitta le supermarché en trombe.

            – Tu as compris ce qu’ils disaient, Romuald ?

            – Non, pas vraiment, s’excusa l’adolescent. Leur conversation se perdait dans le brouhaha de la foule. Il faut que je nettoie l’enregistrement.

            – Magne-toi, alors ! ordo

            Tandis que la chirurgie

            Elle les avait observés, lui et Kate, pendant toute leur rencontre, et était certaine qu’il n’y avait pas eu d’échange : l’homme avait pris l’argent, sans rien do

            Qui est ce type ? Qu’avait-il promis à Kate contre tout ce fric ?





            L’homme longea Cambridge Street sur plusieurs centaines de mètres. Emma ne le quitta pas d’une semelle, tout en restant à distance raiso

            En arrivant à la station Bowdoin, Emma crut que l’homme allait prendre le métro, mais, à la place, il traversa la rue et monta dans le bus n° 18. Emma réussit à grimper elle aussi in extremis, utilisant son « LinkPass », la carte de transport qu’elle avait achetée la veille en rentrant de son rendez-vous avec Joyce Wilkinson.

            Tandis que l’autobus démarrait, elle trouva une place isolée, trois sièges derrière l’homme qu’elle pistait. Il resta impassible pendant tout le trajet, regardant fixement à travers la vitre le paysage urbain qui défilait devant ses yeux.

            L’autocar effectua un grand arc de cercle pour rejoindre Park Street. Il longea le Boston Common et le Public Garden par le nord, puis fila vers l’ouest sur Commonwealth Avenue. Il avait effectué plus de un kilomètre sur la large artère plantée d’ormes et de châtaigniers, lorsque l’homme se leva et se dirigea vers la porte arrière du bus.

            À l’arrêt de Gloucester Street, Emma le vit descendre et profita du mouvement de foule pour quitter à son tour l’autobus sans être repérée. Elle lui emboîta le pas, marchant une centaine de mètres vers le sud pour rejoindre Boylston Street.

            La rue de Back Bay où se trouvent les hôtels de luxe…

            L’homme entra dans le hall du St. Francis, dont la façade de verre et de brique combinait le luxe branché et le charme victorien des constructions bostonie

            – Le même que le mien, dit-elle pour se justifier.

            Il la regarda sans lui répondre, mais en la détaillant des pieds à la tête.

            Cette fois, je suis grillée…

            La capsule de verre s’ouvrit sur un couloir feutré. L’homme n’eut même pas la galanterie de lui céder le passage. Il ne s’attarda pas et prit à droite. Emma fit quelques pas dans la direction opposée, et se retourna une demi-seconde avant que la porte de la chambre ne se referme. Elle en releva le numéro et prit l’ascenseur jusqu’au niveau du lobby.

            C’est au moment précis où les portes se fermèrent qu’elle eut l’idée d’un stratagème pour découvrir l’identité de « l’homme mystère ».

            *

            La salle de restaurant du St. Francis était un véritable écrin, meublé dans un style résolument moderne. Tous les éléments du décor déclinaient une palette de tonalités crème et argenté, depuis les paravents en satin, aux quatre coins de la pièce, jusqu’aux broderies métalliques qui pendaient aux tringles à rideaux. Même le lustre monumental, paré de cristaux taillés, avait des reflets ivoire.

            – Bienvenue, madame, avez-vous une réservation ? s’enquit le maître d’hôtel.

            – Je ne suis pas venue pour déjeuner. J’ai une communication urgente à adresser à votre sommelier, Mickaël Bouchard.

            – Veuillez patienter, je vous prie.

            Emma attendit moins d’une minute avant que le jeune sommelier vie

            – Lovenstein ? Qu’est-ce que tu fais ici ? demanda son collègue québécois.

            Ils n’étaient pas amis, mais ils se rencontraient souvent au cours de séminaires, de dégustations ou de concours.

            – Salut, Mickaël. J’ai besoin de ton aide.

            – Je suis en plein service, là. Tu sais ce que c’est. On va prendre un verre après ? proposa-t-il.

            Elle se rapprocha de lui et insista :