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            Putain…

            Envahie par la peur, elle ferma les yeux et joignit ses mains en triangle sous son menton.

            Comment en était-elle arrivée là ? Il y a cinq jours, elle avait simplement répondu au mail d’un professeur de philo dont elle était tombée sous le charme. Tout ce qu’elle voulait, c’était se trouver un mec ! Et cela l’avait conduite à mettre le doigt dans un engrenage dévastateur qui la dépassait complètement. Derrière les apparences de la vie bien rangée de Matthew et de Kate, elle avait découvert une réalité faite de mensonges et de dangereux secrets. Jusqu’à présent, elle avait eu de la chance, mais plus elle progressait dans ses investigations, plus elle devinait que le danger la guettait.

            – Tout ça ne nous avance pas vraiment, remarqua Romuald. Kate a dû prendre des risques énormes pour se procurer ces documents. Or tout ce que nous savons d’elle indique que ce n’est pas une femme vénale. Le fric n’est pas son moteur, c’est un moyen pour se procurer quelque chose d’autre.

            – Quelque chose qui coûte un demi-million de dollars… murmura Emma. Ce que nous devons trouver, c’est ce que Kate va faire de cet argent.

            Emma avait à peine terminé sa phrase que Romuald attrapait ses lunettes.

            – Je crois que nous allons le savoir tout de suite, s’exclama-t-il en pointant l’un des écrans.

            Il était près de treize heures. Kate avait terminé ses deux opérations.

            Leurs yeux passaient d’un écran à l’autre pour suivre la chirurgie

            – J’y vais ! s’écria Emma en enfilant son blouson.

            – Mais…

            Elle attrapa son sac à dos, son téléphone et bondit hors de la chambre.

            – Ne la quitte pas des yeux ! ordo

            *

            Plus vite !

            Emma courait à grandes enjambées pour rejoindre l’hôpital à pied. En sortant de l’hôtel, elle avait pris à droite pour attraper Charles Street, l’une des grandes artères de la cité, qui séparait le Boston Common et le Public Garden, les deux espaces verts de la ville. Le froid l’avait saisie dès les premières secondes. Elle avançait face au vent, qui lui brûlait le visage. À chaque inspiration, ses narines, sa trachée, ses bronches lui do

            Elle continua sur plus de deux cents mètres en accélérant encore ses foulées. Dans l’espoir de gagner du temps, elle tourna à droite et s’enfonça dans le parc pour remonter en diagonale vers l’est. Elle était à la peine. Tous ses muscles lui faisaient mal. Ses poumons réclamaient un oxygène qu’elle ne parvenait plus à leur fournir. Pour ne rien arranger, les semelles de ses bottines étaient glissantes et son jean slim entravait sa course. Son sac à dos surtout était lourd et, à chaque mouvement, la coque de l’ordinateur venait lui percuter le bas des reins.

            Plus vite !

            En débouchant sur Joy Street, il lui fallut quelques secondes pour se repérer. Elle voulut repartir de plus belle, mais elle était à bout de souffle. La tête lui tournait, le froid lui piquait les yeux et sa poitrine était en feu. Chancelante, elle trébucha contre la bordure du trottoir.

            Ne t’arrête pas ! Pas maintenant…

            Au bord de la rupture, malgré la douleur aiguë qui irradiait sa cage thoracique, elle réussit à reprendre sa course. Elle savait que si elle faisait une halte ici, elle ne retrouverait pas Kate à temps.

            Les trois cents mètres qui la séparaient de l’entrée de l’hôpital furent les plus difficiles. En arrivant sur Cambridge Street, elle dégaina son téléphone. Elle avait envie de vomir. Un vertige troublait sa vue.

            – Où est-elle, Romuald ? cria-t-elle en collant le cellulaire à son oreille.





            Elle toussait. Elle aurait voulu s’allonger sur le trottoir.

            – Je l’ai perdue ! se désola l’adolescent. Kate a quitté l’enceinte de l’hôpital. Elle n’est plus dans le champ des caméras !

            – Merde ! Elle est sortie par où ?

            – Blossom Street, au niveau de l’Holiday I

            Emma jeta un regard circulaire. Elle voyait le début de la rue, à même pas cent mètres. Kate était toute proche. Elle le sentait.

            – Elle est habillée comment ?

            – Elle a gardé sa blouse et elle a pris son imperméable.

            Hors d’haleine, les mains posées sur ses genoux, Emma reprenait sa respiration, tandis que des volutes de buée s’échappaient de ses lèvres.

            Une blouse, un imperméable mastic…

            Elle essaya de repérer ces vêtements parmi les piétons qui se bousculaient sur le trottoir, mais, à cette heure de la journée, une nuée de médecins, d’infirmières et d’aides-soignants prenaient leur pause-déjeuner dans les restaurants et les fast-foods des alentours.

            Blouses blanches, « pyjamas » verdâtres, uniformes saumon…

            Elle essuya les gouttelettes de sueur qui s’accumulaient devant ses yeux. Soudain, l’espace d’un battement de paupières, elle aperçut un point rouge cinquante mètres devant elle, dans la cohue qui convergeait vers le Whole Foods Market.

            Le sac de sport…

            L’excitation gomma presque instantanément la fatigue et Emma mobilisa ses dernières forces pour rejoindre l’hypermarché.

            – Reste en ligne, tête de blatte ! J’ai retrouvé Kate !

            *

            Emma fit irruption dans la grande surface et se dirigea vers la chirurgie

            Arrivée à quelques mètres de la chirurgie

            Elle suivit ensuite Kate dans la longue salle de restauration rapide où les clients pouvaient déguster leur lunch tout en regardant l’animation de la rue à travers une grande baie vitrée.

            La pièce était bondée. On se bousculait et on jouait des coudes pour trouver une place assise sur l’une des tables collectives agrémentées de bancs en bois.

            L’ambiance était celle d’une cantine haut de gamme. Les gens se levaient et allaient eux-mêmes faire réchauffer leurs plats dans un des micro-ondes mis à leur disposition avec une convivialité un peu surjouée. Ici, néanmoins, le temps était précieux. On mangeait vite : un en-cas sur le pouce dans un brouhaha sympathique avant de retourner travailler à l’hôpital ou dans les bureaux du West End. L’endroit idéal pour passer inaperçu.

            En regardant Kate se faufiler entre les tables, Emma comprit qu’elle avait rendez-vous. La chirurgie