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— Seigneur ! murmura Adalbert. Comment ce joyau si féminin a-t-il atterri sur cette poitrine résolument virile ? Toujours la stupide vente de 1887 ?

— Bien entendu ! Et celui-là, pas question de le récupérer ! Il disparaît presque au milieu de cette débauche de diamants !

À demi aveuglés, les trois hommes accueillirent avec plaisir l’entrée en scène du maharadjah de Bikaner et de ses fils :

— Mon sauveur ! soupira Croisset. Admirez l’élégante simplicité de ces princes du désert ! Avec leurs ors brunis et leur pourpre assourdie, ils ressemblent à des coqs de bruyère. Ou aux dieux de l’automne ! En vérité je les trouve superbes ! Et quelle élégance !

— Je partage votre avis ! Le maharadjah de Patiala est éblouissant, mais j’avoue un faible pour ceux-là !

Les deux hommes causèrent quelques instants pendant ce qui ressemblait à un entracte. En dépit de sa mauvaise mine l’écrivain était le charme même et sa conversation, pleine d’humour, un vrai régal. Mais soudain il s’exclama, tandis qu’un silence s’établissait :

— Mon Dieu ! Celui-là me fait froid dans le dos !

C’était, bien entendu, Alwar qui faisait son apparition.

« De petits lustres de diamant brillent à ses oreilles. Un sourire ironique et féroce éclaire son pur visage de barbare. Pas de turban mais une toque bleue cloutée d’étoiles et une robe nocturne semée d’astres. Des pierres rouges et vertes bossellent ses doigts gantés. Il émane de lui comme une sombre lumière (17)… »

D’un pas lent, quasi sole

— Il te cherche, chuchota Adalbert. Il doit déjà savoir que tu n’as pas renoncé à venir…

— Qu’il cherche ! fit Aldo avec un mouvement d’épaules dédaigneux. Il y a peu de chance qu’il me reco

Il n’avait pas fini de parler que les inquiétantes prunelles se fixaient sur lui. Au sourire qui s’accentua Morosini comprit qu’il était démasqué, pourtant Alwar ne fit pas la moindre tentative d’approche. Pendant ce temps d’autres princes faisaient des entrées plus ou moins fastueuses, suivies avec une attention qui se relâchait. Un peu comme si, dans un feu d’artifice, on avait tiré le bouquet avant les fusées de moindre importance. Ce qui ne signifiait pas que ces princes n’étaient pas tous somptueusement parés mais, même pour Aldo, il y en avait un peu trop et son regard se fatiguait… Vint le dîner.

Il était servi dans le Durbar-hall, une immense salle rectangulaire entourée en surplomb d’une galerie interrompue par des moucharabiehs. L’ensemble ruisselait de lumière sur les très longues tables servies avec tout l’appareil que devaient avoir les dîners de Versailles. Le maharadjah restant fidèle à ses amours pour la France, d’inestimables pièces d’orfèvrerie les jalo

Le festin fut, comme il se devait, long et sole

Le maharadjah s’approcha alors de ses hôtes français pour recevoir leurs félicitations et s’offrir le plaisir de parler leur langue un instant mais, soudain, une voix trop co

— Je ne comprends pas, disait-elle, comment mon frère Jagad Jit a pu convier à une si grande fête un homme sans ho





L’aimable visage du prince se ferma :

— Ce que je comprends mal, moi, c’est que sous mon toit tu oses porter une aussi grave accusation. Aussi je te prie de t’éloigner. Je n’en entendrai pas davantage.

— Avec votre permission, Monseigneur, je veux moi en savoir un peu plus. De quoi suis-je accusé ?

— De m’avoir volé. Cet homme est venu chez moi apporter un joyau dont j’avais, en Europe, payé la moitié. Je l’ai reçu comme un frère et cependant, en partant, il a emporté l’inestimable perle que j’avais acquise. Il est peut-être prince mais ce n’est qu’un marchand indélicat et…

Il n’acheva pas la phrase : la gifle retentissante que lui appliqua l’accusé lui coupa la parole et même, un instant, le souffle.

— Vous en avez menti et vous allez m’en rendre compte sur l’heure ! Monseigneur, ajouta-t-il à l’attention de son hôte, j’ai horreur de troubler l’éclat d’une si belle fête et d’une si noble maison mais, après avoir tenté de m’assassiner, cet homme m’a insulté et je suis en droit de demander réparation… par les armes !

— Le ridicule duel occidental, où l’on s’égratigne avec des épées juste bo

Aldo allait répliquer mais le maharadjah de Kapurthala s’interposait avec une froide autorité, après s’être assuré d’un coup d’œil que l’altercation était presque passée inaperçue de ses invités captivés par la féerie du parc embrasé :

— On ne fera rien de tout cela ! Vous êtes dans ma maison et dans mes États, où les lois de l’hospitalité vous protègent mais aussi vous contraignent l’un et l’autre. Pas de duel… et pas de fouille offensante !

— … et bien inutile ! fit Morosini. La perle est bien chez moi : ce misérable perso

— J’apporte aussi mon témoignage, si Votre Altesse en exprime le désir, ajouta Adalbert. Il est bien dommage que le Vice-Roi soit reparti et, avec lui, le général Hackett et le major Hopkins ! Ils pourraient dire comment le prince Morosini a réussi, grâce à eux, à quitter Alwar autrement que dans un cercueil !

Un léger sourire reparut sur les lèvres du maharadjah :

— Soyez sans crainte, cher ami ! Je suis moins ignorant que le seigneur d’Alwar l’imagine. Lord Willingdon m’a appris certaines choses. À présent faites-moi tous la grâce de revenir à cette fête !

Aldo s’inclina mais Alwar, furieux, quitta la terrasse sans ajouter un mot… Adalbert le regarda disparaître avec la souple rapidité d’un fauve dans la jungle dorée qui les entourait. Il ne remarqua pas un homme habillé aux couleurs du maharadjah de Patiala, barbu et basané, dont les paupières bistre dissimulaient à demi des yeux bleu clair et qui s’esquiva discrètement sur ses traces…

— Que crois-tu qu’il va faire ? demanda-t-il un moment plus tard à son ami tandis que, la soirée terminée, ils regagnaient leur appartement. Rentrer chez lui ?

— Non, je ne pense pas. Pas avant, du moins, la date fixée pour son départ, c’est-à-dire dans quarante-huit heures. N’oublie pas que demain est le grand jour, celui du jubilé, où notre prince va recevoir l’hommage de son peuple et celui de ses pairs. Alwar ne peut s’en aller sans perdre la face.