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Lisa accueillit l’invitation avec un sourire qui cachait un certain soulagement. Depuis que l’on attendait Alwar, Aldo devenait nerveux et Adalbert presque autant que lui. La sachant à l’abri, ils se sentiraient mieux l’un et l’autre et, surtout, ils auraient les coudées franches et les mains libres pour faire face à l’e

— Après tout, nous ne nous quittons pas vraiment et ce n’est que pour peu de jours. Et puis c’est peut-être amusant de vivre au zénana… à condition toutefois que cela ne te souffle pas l’idée d’en installer un chez nous…

— Tu veux ma mort ? fit Aldo en l’embrassant d’une façon fort peu conjugale. Avec toi, Amélia, Lydia et nos autres dévouées servantes, je trouve qu’il y a déjà bien assez de femmes à la maison !

— Goujat !

Et elle suivit en riant les serviteurs qui venaient chercher ses bagages...

Délivrés de ce souci, il ne restait qu’à attendre l’inévitable affrontement. Il eut lieu le soir même…

Le palais, cette nuit, revêtait une livrée magique. Des milliers de petites flammes courtes dansant dans des coupes de verre rose et or illuminaient, à la mode indie

— Il doit penser qu’ainsi on se perdra dans la foule, conclut Adalbert en prenant des poses devant la glace. Heureusement que nous avons tous deux la peau suffisamment ta

Évidemment, ils étaient plus grands que la moye

— J’ai l’impression de m’être écrasé une fraise sur la tête, grommela Adalbert. Même ma mèche ne peut pas retomber…

— Moi je trouve que nous sommes très bien ! fit Aldo avec satisfaction. Et c’est plus agréable à porter qu’un plastron glacé et un col à coins cassés ! Surtout dans ce pays !

— Oh toi, bien sûr, tu aurais de l’allure sous les guenilles d’un mendiant ! Tout ce que j’espère, c’est ne faire rigoler perso

À l’entrée des salons, ils rencontrèrent le seul Français qui soit resté à Kapurthala. Les liens étroits de M. de Croisset avec la famille princière et le fait qu’il commençait là un long périple à travers les Indes expliquaient sa présence. Il portait exactement la même robe dorée qu’eux, mais son long, aristocratique et pâle visage – il relevait d’une maladie – s’accommodait assez bien d’un turban rajpoute à pan flottant dans les mêmes nuances que sa robe.

— Votre turban, remarqua Morosini, fait beaucoup plus vrai que les nôtres ! On voit que vous êtes un invité privilégié.

— Ce n’est pas cela du tout ! J’ai reçu moi aussi cette chose rouge mais, grâce à Dieu, le second fils du maharadjah de Bikaner m’a sauvé la vie en me posant lui-même le turban, expliqua-t-il en riant. Évidemment j’ai l’impression d’être coiffé d’une poule faisane, mais si vous m’aviez vu avant !

Tout en parlant il se tâtait les flancs d’un air anxieux.

— Vous cherchez quelque chose ? demanda Adalbert.

— Mes cigarettes ! Je sais qu’elles sont là-dedans mais je n’ai pas encore réussi à repérer dans quelle poche intérieure je les ai mises… Au fait, la princesse Morosini n’est pas avec vous ce soir ? Elle n’est pas souffrante, j’espère ?

— Non, je vous remercie. Elle est chez la princesse Brinda qui veut la garder près d’elle le temps des fêtes. Elle aussi, je pense, va être costumée…



— Seulement elle est beaucoup mieux réussie que nous, messieurs ! La voici !

Les dames en effet faisaient leur apparition et Aldo sourit de tout son cœur à sa ravissante épouse. Auprès de la princesse Brinda, sari corail clair tissé d’or sous une magnifique parure de rubis – elle portait les bracelets volés naguère par le défunt Agalar ! –, Lisa rayo

— Eh bien, commenta Adalbert avec un sifflement admiratif. Je ne te savais pas si fastueux !

— Du calme ! Cette parure n’est pas la sie

Les trois hommes allèrent saluer Brinda et ses compagnes puis s’installèrent dans un angle de fenêtre pour ne rien perdre de l’arrivée des princes. Les premiers furent, bien entendu, le maître de maison suivi de son fils aîné et de son gendre, le jeune rajah de Bundi. Chacun s’inclina sur leur passage. Pour la première fois, Jagad Jit Singh arborait à son turban blanc l’admirable ornement commandé tout spécialement pour la circonstance au joaillier Chaumet : autour d’une énorme émeraude de 177,40 carats fusaient une flèche, d’autres pierres dégradées et deux virgules latérales à peine moins importantes. Même pour les Indes, le joyau était exceptio

— Il me semble que j’assiste à la « couturière » d’une féerie ! murmura Francis de Croisset qui, en homme de théâtre, savait de quoi il parlait. Je vais essayer de les baptiser. Oh ! voici l’Aurore sur la neige ! Cela fait penser à l’aube sur les glaces de l’Himalaya…

C’était en effet le maharadjah de Cachemire, précédé de ses aides de camp vêtus dans des tons pastel allant du rose pâle au mauve. Lui-même ne portait que des perles, en telle quantité que l’on ne distinguait pas la teinte de son vêtement. Pas une pierre ! Rien que des perles, et jamais Morosini n’en avait vu tant à la fois.

— Tu pourrais peut-être lui montrer la tie

— Pourquoi pas, après tout ? Mais attendons la suite…

Le nabab de Palanpur n’inspira pas l’écrivain : il portait de belles émeraudes sans doute, mais il y en avait tant d’autres ! En revanche, le suivant lui arracha un petit sifflement discret :

— Celui-là a l’air d’un sorcier impérial ! Regardez cette ca

Celui qui vint ensuite arracha aux trois hommes le même « oh ! » admiratif. Le maharadjah de Patiala, l’un des deux ou trois plus riches souverains des Indes :

— Il ressemble au Roi de pique et à François Ier ! souffla Croisset.

Très grand et le visage cerné d’une barbe noire retenue en éventail par un filet invisible, il semblait tout entier habillé de diamants. Il lui en coulait de partout, jusque sur les yeux. Mais là Morosini savait à qui il avait affaire et n’eut aucune peine à reco

— Regardez, messieurs ! Vous voyez au cou de ce prince une merveille bien de chez nous : les larmes de diamant offertes par Napoléon III à l’impératrice Eugénie au moment de la naissance du Prince impérial…