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Rentré chez lui, il alla trouver Théobald qui épluchait des légumes à destination d’un pot-au-feu.

— Toi qui sais tout, est-ce que tu co

— Ben… oui. Monsieur aussi, je suppose ?

— Cela n’a jamais été ma tasse de thé. Dis un peu pour voir !

Théobald leva les yeux au plafond pour y puiser l’inspiration et commença à réciter :

— … Il y a le Casino de Paris… l’Olympia… le Bataclan… les Folies-Bergère… le Moulin-Rouge… le…

— Attends ! C’étaient des folies mais elles n’étaient pas bergères…

— Ah ! Ça devient plus difficile. Je vous ai cité, je crois, le dessus du panier. Après il y a le tout venant que je co

— Excellente idée ! Heureusement que je t’ai. Je pense que je commence à me rouiller.

— Une impression fugitive, Monsieur !

Un moment plus tard, Adalbert avait trouvé ce qu’il cherchait : les Folies-Rochechouart, et se promit d’y aller le soir.

Situé dans la rue du même nom, qui depuis qu’elle existait avait vu éclore une quinzaine de cabarets, le théâtre des Folies-Rochechouart, s’il n’égalait pas les établissements cossus évoqués par Théobald, n’en offrait pas moins des spectacles ho

Sachant que la jeune femme – vedettariat oblige ! – passait en seconde partie du spectacle, Adalbert arriva à l’entracte et réussit à trouver une bo

En dépit des longues jambes et de la silhouette agréable, Adalbert ne la trouva pas belle : le maquillage trop poussé accentuait la lourdeur des traits. Elle chanta et dansa pas plus mal qu’une autre, mais pas mieux non plus, ne justifiant guère le to

Tous ces hommes au regard allumé qui l’ovatio

Il constata vite que sa déception serait partagée. Lorsque Marie parut, chapeautée et vêtue de son manteau garni de singe, les deux gaillards qui l’accompagnaient n’eurent guère de peine à repousser les amateurs trop pressants. La jeune femme passa au milieu d’eux en distribuant sourires et baisers du bout des doigts dans la meilleure tradition hollywoodie

— Ça se complique ! murmura Adalbert qui soliloquait volontiers lorsque quelque chose n’allait pas.

Cependant, Dieu était avec lui car il avisa aussi tôt un taxi qui passait au ralenti et se précipita dedans :

— Suivez cette voiture ! ordo

— Allons, bon ! Ça recommence ? émit le chauffeur en tournant vers son client un visage barbu qu’Aldo eût identifié sans peine.

— Quoi, ça recommence ? Filez, vous dis-je !

— J’entends par là que ce n’est pas la première fois qu’on me fait pister la fille Raspoutine. Vous allez être déçu, d’ailleurs ! Elle ne va pas loin. On va juste faire un petit tour avant de la déposer chez elle. Alors je peux vous do

— Ma foi non, j’aime autant faire cette promenade avec vous. Est-ce que par hasard vous ne seriez pas le colonel Karloff ?





— Vous me co

— Je n’ai pas encore cet ho

— Vous voulez dire ce pauvre Morosini ?

— Eh oui ! soupira Adalbert en pensant que cette épithète déprimante allait bien mal au descendant des doges de Venise. Ne me dites pas que vous le prenez pour un assassin, vous aussi. Sinon, vous me do

Le colonel-taxi haussa les épaules :

— Il faut être aussi idiot que la police pour croire même un instant que ce vrai gentilhomme a pu se vautrer dans le sang de la malheureuse Tania. Même moi qui ne le co

— C’est bien mon avis, mais cette disparition n’a pas l’air de les inquiéter beaucoup. C’est pourquoi il faut que je parle à cette Marie Raspoutine. Elle peut-être quelque chose à m’apprendre. Mais que faites-vous ?

En effet, Karloff venait de tourner carrément dans le boulevard sans plus s’occuper de la voiture qui s’en allait, elle, dans une autre direction. Et même, après quelques dizaines de mètres, il se rangea et s’arrêta. Puis il se retourna :

— Je vous économise de l’argent. Inutile de risquer de se faire repérer : il n’y a qu’à les attendre.

Puis désignant l’immeuble à porte étroite qui se situait après la cordo

— La Raspoutine… ou plutôt la femme Solovieff puisque c’est son nom d’épouse, habite là !

Adalbert n’insista pas : ce bonhomme paraissait sûr de son affaire. Tirant alors un étui à cigares de sa poche, il en offrit un qui fut accepté avec un plaisir visible :

— Ah, des « Londrès » ! Il y a longtemps que je n’en ai vu !

Laissant la glace de séparation ouverte, on se mit à fumer chacun dans son coin, l’un avec béatitude l’autre avec une nervosité croissante. On attendit ainsi un bon quart d’heure et Adalbert commençait à s’inquiéter quand la voiture reparut, s’arrêta devant la maison indiquée. L’un des deux hommes en descendit, fit sortir la jeune femme et l’entraîna dans l’immeuble dont la porte se referma sur eux.

— Il habite avec elle ? demanda Adalbert.

— Oui. Je ne sais pas si c’est son amant ou un simple garde du corps, mais il va rester la nuit entière. Et vous avez vu les dimensions du gars ?

— Ce n’est pas ça qui me tourmente : simplement il est difficile de parler calmement en s’administrant des coups de poing. Il doit bien y avoir un moyen de la voir seule ?

— Dans la journée, elle vit comme tout le monde, je crois. C’est seulement la nuit qu’on la garde pour éviter sans doute qu’elle ne tombe dans des mains… dangereuses. Que faisons-nous ?

La voiture, en effet, redémarrait :

— On va suivre cette charrette ! Le conducteur doit faire partie de la bande. Autant savoir où il va…

— C’est comme si c’était fait !

Et on repartit à travers les rues du Paris nocturne. Chemin faisant, on causa.

— Comment se fait-il que je vous aie trouvé devant les Folies-Rochechouart et que vous en sachiez si long sur Marie Raspoutine ?