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Comme il l’espérait, Maître Lair-Dubreuil le reçut à bras ouverts, si cette expression joviale pouvait convenir à un homme discret et peu communicatif dans la vie courante. Mais c’était en général le lot des joyaux historiques de faire sortir de leur réserve les perso
— La « Régente » ?… Vous m’apportez la « Régente » ? s’écria le distingué commissaire-priseur quand, une fois installé dans son cabinet assourdi par des portes capito
— Jugez vous-même !
Une fois de plus la grande perle quitta sa poche mais cette fois des doigts dévotieux la recueillirent pour la transporter sous la puissante lampe électrique posée sur le bureau et que Lair-Dubreuil venait d’allumer. Pendant quelques instants un profond silence régna dans la pièce austère mais luxueuse par la vertu d’objets et de tableaux qui auraient fait ho
Enfin le commissaire-priseur éteignit sa lampe et, sans lâcher la perle, se réinstalla à son bureau.
— Je n’imaginais pas la revoir un jour, soupira-t-il en la faisant tourner entre ses doigts. Voyez-vous, prince, j’étais adolescent lors de la lamentable vente des Joyaux de la Couro
— En aucune façon ! Vous n’imaginez pas, mon cher maître, à quel point nous nous ressemblons. La seule différence est que vous semblez cultiver un faible pour les perles ?
Le commissaire-priseur rougit comme une jeune fille à sa première déclaration d’amour :
— Je les adore… Pas vous ?
— Mon penchant irait plutôt aux pierres. Diamants et émeraudes surtout, qui peuvent me mettre en transes ! Cela dit, il est impossible d’être indifférent aux perles. Et à ce propos, sauriez-vous me dire pourquoi celle-ci s’appelle la « Régente » ? Historiquement parlant, cela n’a aucun sens...
— Hé si, il y a un sens. Et qui remonte bien avant ce jour du 28 novembre 1811 où elle est passée des mains de Nitot dans celles de l’Empereur mais je crois bien qu’à part moi perso
— Voilà, en effet, une explication satisfaisante. Ce qui l’est moins, c’est qu’A
— Les circonstances ne s’y prêtaient guère. Le deuil de Cour n’était pas la période idéale pour étaler cette nouveauté. En outre la grande faveur de Beaufort s’est trouvée soufflée comme une chandelle par les soins du cardinal Mazarin. Le duc s’est même retrouvé priso
— Vous pensez que la reine n’a pas osé arborer un joyau qu’elle tenait de l’homme abando
— Je le pense. D’autant que Mazarin, dont le flair pour dénicher les trésors en aurait remontré au meilleur limier, a dû lui faire entendre que ce ne serait pas convenable puisque la Cour était persuadée que Beaufort était son amant. Mais il a fait mieux. Après les troubles de la Fronde, jouant d’une jalousie plus ou moins réelle et de la qualité d’époux secret qu’elle avait eu la sottise de lui laisser prendre, il s’est fait do
— C’est assez dans sa logique de rapace mais, en ce cas, on aurait dû retrouver la perle dans son héritage ?
— Non. Elle venait de Beaufort et il haïssait Beaufort, en qui il voyait la cause de tous ses maux. Il n’avait pas envie de la garder et il en a fait présent à l’une de ses nièces…
— Une des Mazarinettes ? Laquelle ?
— La plus belle et la seule blonde : A
— Pourquoi l’avoir do
Maître Lair-Dubreuil se renversa dans son fauteuil pour envoyer au plafond de son cabinet un regard empli d’une sorte de rêve heureux :
— Co
— Non. Je ne vois pas…
— Il représente la jeune princesse de Conti – elle n’a d’ailleurs pas eu le temps de vieillir car elle est morte à trente-cinq ans ! – littéralement couverte de perles et pas des petites. La plus grande partie de sa chevelure est empriso
— La « Régente » est du nombre ?
— Non. Elle ne voulait pas la porter tant qu’A
— On la lui avait volée ?
— Non, mais en 1662 la France a co
— Belle histoire ! apprécia Morosini. Mais comment le savez-vous ? Le maréchal d’Estrées ne devait plus être de ce monde ?
— Le maréchal d’Estrées est mort à quatre-vingt-dix-sept ans en 1670. Quand la princesse a vendu ses trésors il n’en avait que quatre-vingt-neuf et jusqu’à cette dispersion il s’est arrangé pour ne jamais perdre de vue une perle qu’il ne se consolait pas d’avoir do