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— Moi aussi j’ai fait mon voyage de noces en Palestine, émit Morosini. Et je n’en ai pas gardé un excellent souvenir…

— Eh bien, moi non plus ! Nous sommes allés de problèmes en catastrophes : d’abord en arrivant au Caire j’ai attrapé la jaunisse et ma femme a manqué de peu la piqûre d’un scorpion. À Jérusalem nous avons failli être étouffés par la foule qui envahissait la cathédrale orthodoxe pour nous voir. Nous n’en sommes sortis indemnes que grâce à un jeune diacre et à une petite porte : la grande, elle, avait été enfoncée.

— Ils vous en voulaient ?

— Nullement. C’était paraît-il de la sympathie. Nous faisons toujours recette quand nous voyageons, ajouta Félix avec un sourire amer. Sans doute nous trouve-t-on extrêmement exotiques ! Bref, en dehors de la nuit de Pâques vécue là-bas et de ma rencontre avec Tesphé, mon serviteur abyssin que j’ai trouvé à la mission, j’étais plutôt content de partir. Nous sommes allés ensuite en Italie. Or le lendemain de notre arrivée à Florence nous avons rencontré un jeune aristocrate italien que je co

— La princesse portait la perle à ce dîner ?

— Elle la mettait tous les soirs et Bambino – je l’avais baptisé ainsi à cause de son aspect juvénile ! – l’avait beaucoup admirée et longuement maniée. Il aimait assez Napoléon, lui ! Mais ce n’est pas tout : trois jours plus tard, en sortant de la villa Hadriana, Irina a manqué être tuée par la balle d’un terroriste poursuivi par la police, après quoi j’ai failli la perdre en visitant les catacombes de sainte Calixte : elle s’était attardée à lire une inscription.

— Curieuse série de coïncidences, en effet ! Vous êtes rentrés en Russie ensuite ?

— Nous sommes passés d’abord par Paris pour y prendre les parures que j’avais demandé à Chaumet de composer avec diverses collections de pierres, et j’ai supplié Irina de se séparer de la maudite perle mais elle n’a jamais voulu. Elle s’est contentée de promettre de ne plus la porter. Pour plus de sûreté je lui ai fait reprendre sa place dans le fameux devant de corsage parfaitement importable sur les robes actuelles…

— … et quand vous avez quitté Saint-Pétersbourg, vous vous êtes bien gardé d’aller l’y rechercher.

— Vous avez tout compris ! Aussi j’espère que vous comprendrez mieux que je n’aie pas la moindre envie de reprendre ce… désastreux colifichet ! Je ne veux même pas y toucher. Reprenez-le, vendez-le, faites-en ce que vous voulez ! Moi, je n’en veux plus et je bénis le Ciel que mon épouse soit à Londres !

Abasourdi, Morosini considérait tour à tour la grosse perle qui reposait doucement dans la lumière de l’après-midi avec son auréole scintillante et l’homme qui, debout à quelques pas, dardait sur elle un regard plein d’aversion.

— Vous m’embarrassez beaucoup ! dit-il enfin. Ne pourriez-vous la ranger dans un coffre et ensuite la mettre en vente ? Par exemple au profit de tous ces réfugiés dont je sais que vous vous occupez ou de la maison de retraite de la princesse Metchersky à Sainte-Geneviève-des-Bois ? Sans compter mon petit protégé !

— La sainte compassion parle par votre bouche, mon cher prince, et je ne vois aucun inconvénient à ce qu’elle soit vendue. Mais pas par moi ! Et je ne veux surtout pas que l’on parle de nous ! Alors vous vous en chargez ! Après tout, n’est-ce pas votre métier ?

L’impertinence nouvelle du ton n’échappa pas à Morosini. Encore un qui le prenait pour un boutiquier sans daigner considérer que sa somptueuse maison d’antiquité avait tout de même plus d’allure qu’un restaurant ou même une maison de couture. Il allait répondre avec un rien d’insolence quand la porte s’ouvrit pour libérer un tourbillon de renard noir dégageant un parfum complexe et envoûtant évoquant à la fois les jardins de roses d’Ispahan après la pluie et le mystère des sanctuaires lointains où brûlaient la myrrhe et le bois de santal. Un parfum un peu trop violent pour le nez sensible d’Aldo, mais qui ne devait pas manquer d’efficacité. En même temps une voix douce au timbre un peu voilé lançait à travers la pièce :

— Félix très cher ! Pardo

Sans faire attention au visiteur, la jeune femme se précipita vers Youssoupoff les deux mains tendues. Aldo put seulement constater qu’elle était d’une singulière beauté. Sous une minuscule toque de fourrure agrafée d’une broche de saphirs pâles, ses cheveux d’un noir profond, coiffés très haut – elle devait dédaigner avec juste raison la mode des cheveux trop courts ! –, dégageaient un profil d’une pureté absolue mais elle avait surtout des yeux clairs, d’un bleu incomparable, qui brillaient entre des cils incroyablement longs et épais. Mais, si elle ne sacrifiait pas à la mode capillaire, elle devait suivre de près les caprices des couturiers car le manteau court, porté avec une désinvolture pleine de grâce, dévoilait des jambes ravissantes.



Cependant le mouvement impétueux qui la poussait vers son hôte venait de se briser devant le joyau toujours étalé sur son mouchoir de soie.

— Mais quelle merveille !… Où avez-vous trouvé cette perle incroyable ? La plus grosse que j’aie jamais vue ! Quelle beauté ! Quelle…

Ses mains gantées de suède noire allaient s’emparer de la « Régente » quand Youssoupoff les arrêta et les maintint fermement dans les sie

— N’y touchez surtout pas, Tania ! Il ne faut pas !

— Pourquoi ? gémit-elle comme s’il lui faisait mal.

— Elle ne porte pas chance. En outre, elle appartient au prince Morosini que voici et que j’ai le plaisir de vous présenter. La comtesse Tania Abrasimoff, cher ami !

Aldo s’inclina sur la main qu’on lui tendait sans lui accorder même un regard. Les longs yeux bleus semblaient ne pouvoir se détacher de la perle. Sur ce visage admirable, un rien asiatique, Morosini retrouva sans plaisir l’expression de faim presque douloureuse qu’il avait pu lire jadis sur le visage de Mary Saint-Alban (5). La belle Anglaise était blonde avec des yeux gris et cette Reine de la Nuit était son contraire. Pourtant elles arrivaient à se rejoindre, à se ressembler…

Cependant Youssoupoff, un peu inquiet, intervenait :

— Je ne veux pas vous retenir plus longtemps, prince ! Reprenez votre bien, ajouta-t-il en appuyant sur le possessif, et quittons-nous ! Mais je serai heureux de vous revoir un jour prochain ! Attendez-moi un instant, Tania ! Je raccompagne notre ami !

Impossible de s’attarder plus longtemps. Aldo rempocha la perle, salua la comtesse et sortit du salon raccompagné jusqu’au vestibule par son hôte. Celui-ci lui serra la main avec une sorte de hâte et rejoignit sa belle visiteuse tandis que Tesphé restituait à Aldo son alpaga noir, son chapeau et ses gants en lui demandant s’il désirait un taxi. Morosini lui répondit qu’il en avait un mais qu’il accepterait volontiers un a

Un moment plus tard, il quittait la rue Gutenberg à destination du boulevard Haussma

Pourtant, en sortant de chez Youssoupoff, Morosini avait hésité un instant à do