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Refusant de s’attarder sur une pensée aussi déprimante, Aldo regagna l’antichambre. Adalbert l’y suivit :

— Écoute, dit-il, je suis désolé de te recevoir de la sorte mais je suis pris par une… importante affaire et je n’ai pas le moindre temps à te consacrer. Il faut comprendre ! On se reverra… plus tard et alors je t’expliquerai…

— Tu n’expliqueras rien parce que c’est moi qui alors n’aurai peut-être plus de temps à t’accorder, lâcha Morosini incapable, sous peine d’étouffer, de contenir plus longtemps sa colère. Je te souhaite une excellente soirée !

— Dis-moi au moins comment vont Lisa et les enfants ?

— Le mieux du monde ! Bonsoir !

En prenant son chapeau et ses gants des mains de Théobald, Morosini rencontra son regard et ce regard empreint d’une lourde tristesse, ce regard qui cherchait à lui transmettre un message lui rappela quelque chose. Théobald avait le même quand, à leur retour du périple à la recherche des émeraudes du Prophète, Adalbert s’était fiancé avec la pseudo-Hilary Dawson et que, rue Jouffroy, on parlait mariage. Un mariage qui représentait aux yeux du serviteur modèle la fin d’une existence, pleine d’imprévus sans doute, mais harmonieusement réglée dans ses détails quotidiens. Le simple fait de cuisiner pour une Anglaise au goût irrémédiablement dépravé le rendait malade. Ce fut pour Aldo un trait de lumière : cette débauche de fleurs, la mauvaise humeur d’Adalbert et son désir de se débarrasser de lui s’expliquaient tout naturellement s’il attendait une femme. Cependant quelque chose clochait : qu’est-ce que Warren venait faire là-dedans ? Aldo que le temps ne pressait pas résolut d’en savoir un peu plus.

Revenu dans Cheyne Walk, la promenade qui longeait la Tamise, il partit d’un pas tranquille comme s’il cherchait un taxi, gagna l’abri des arbres, s’éloigna assez pour n’être plus en vue des fenêtres de la maison, fit un tour et revint s’abriter derrière le tronc le plus commode pour observer ce qui allait se passer. D’abord la nuit tomba puis il vit arriver Warren en smoking sous un ample manteau. Enfin, après un laps de temps qui lui parut interminable une longue Rolls-Royce noire conduite évidemment par un chauffeur en livrée s’arrêta : une jeune femme enveloppée de chinchilla – une frileuse sans doute car on était au printemps et il ne faisait pas froid ! – en descendit. À la lumière d’un réverbère, Aldo put voir qu’elle avait de magnifiques cheveux sombres dans lesquels une aigrette blanche était plantée fixée par un étroit bandeau clouté de diamants. D’autres diamants brillaient à ses oreilles mais elle était de celles qui n’ont pas besoin d’ornements pour rehausser leur beauté. Sous la lumière froide du réverbère cette femme lui parut ravissante et il eut l’impression quelle ne lui était pas inco

Quand la belle inco

Aldo admettait volontiers que le meilleur ami en question n’avait pas débordé d’enthousiasme lorsqu’à Istamboul, il avait vu débarquer de l’Orient-Express un Adalbert épanoui escortant une blonde Anglaise que l’on supposait s’appeler Hilary Dawson. Il était resté courtois parce que c’était chez lui une seconde nature mais ne s’était guère do

Une fois casé dans un taxi qui sentait la pipe froide, il fit son examen de conscience et s’adressa des reproches. De quel droit prétendait-il régir la vie sentimentale d’Adalbert ? Celui-ci avait bien été obligé d’en passer par les fluctuations de la sie

On en était à ce point quand la voiture s’arrêta devant le Ritz mais avant que le voiturier galo

— Retournons à Cheyne Walk !

— Si c’est pour revenir ensuite ici, je préfère que vous preniez un de mes confrères, sir. Je termine dans une demi-heure.

— Dans ce cas…

Aldo paya la course, descendit presque sur les pieds du voiturier qui avait entendu l’échange de paroles :

— Un autre taxi, sir ?





— Pas maintenant, merci !

Habitué aux caprices des clients, l’homme n’insista pas. Aldo rentra dans l’hôtel et fila droit au bar. Il venait de penser à un moyen commode d’exécuter l’idée qui lui était venue mais pour ce faire il avait besoin d’une fine à l’eau pour se remettre de ses émotions et de l’a

— Vous souvenez-vous de moi ? Prince Morosini ?

— On n’oublie pas facilement un client comme vous, sir. Vous avez besoin de moi ?

— Tout de suite si vous êtes libre. Venez me prendre au Ritz !

Quelques minutes plus tard, Harry Finch arrêtait son taxi devant le palace.

— Ça fait plaisir de vous revoir, votre Altesse s’écria-t-il avec une bo

— Laissez l’Altesse de côté ! Je n’y ai pas droit ! Sir suffira.

— Comme vous voudrez. Alors où va-t-on ce soir ? White Chapel, Lime House ? Wapping ? proposa Finch à la manière d’une carte de restaurant.

— Chelsea, si vous le voulez bien. Et en particulier Cheyne Walk.

— Ça change en effet !

— Que voulez-vous on ne peut pas toujours fréquenter les bas-fonds. On finit par se lasser !

— Ce n’est pas une critique. Il arrive qu’on puisse s’amuser autant dans les beaux quartiers…

Le taxi démarra allègrement do

— Et maintenant, on attend ! conclut-il quand Finch eut trouvé l’emplacement idéal.

— Jusqu’à quand ?

— Que la voiture démarre. Il faudra la suivre. Je veux savoir où elle se rendra.