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JULIETTE BENZONI

LES JOYAUX DE LA SORCIÈRE

Roman

Plon

À Yagel et Patrick de Bourgues

Un affectueux clin d’œil…

PREMIERE PARTIE

LA CHASSE EST OUVERTE !

CHAPITRE I

LE « BOLDINI »

— In-croyable !

En dépit de son habituelle maîtrise Aldo Morosini venait de lâcher une exclamation de stupeur devant ce qu’une porte ouverte lui permettait de découvrir au beau milieu d’un modeste salon écrasé par sa splendeur : un grand portrait de femme dont il identifia l’auteur au premier coup d’œil, le merveilleux Giova

Avançant de deux pas dans la pièce, Morosini admira sans réserve la longue et maigre silhouette enveloppée d’une brume de dentelle noire détachée sur un fond qui eût été obscur sans les ors esquissés et les reflets d’une console Régence surmontée d’un miroir. Toutes ces ombres servaient d’écrin à un visage magnifique malgré la griffe du temps avec de profonds yeux noirs, de hautes pommettes et une mâchoire encore nettement dessinée. Sous le diadème de cheveux d’un blanc argenté l’expression en était à la fois hautaine et ironique et il n’y avait pas à se tromper sur la lueur de défi animant les sombres prunelles. Cette inco



— Eh bien qu’en pensez-vous ?

Une voix mécontente tirait de sa contemplation le prince-antiquaire qui était aussi l’expert en joyaux le plus célèbre d’Europe. Elle appartenait au locataire de l’appartement « bourgeois » de la rue de Lyon, proche de la gare du même nom, où Morosini s’était rendu pour faire plaisir à une vieille amie. Perchée et autoritaire, elle convenait en tous points à Evrard Dostel, aristocrate tellement entiché d’idées nouvelles qu’il avait fait souder sa particule à son nom en gommant une apostrophe absolument hors de saison selon lui. Ce qui ne l’empêchait pas de régner par la terreur sur les employés de bureau dont il était le chef au Ministère des Pensions. Il sanglait étroitement dans une sorte de jaquette noire et un pantalon rayé une longue et maigre silhouette surmontée d’une tête à cheveux griso

Bien qu’il eût à peu près le même âge – la quarantaine largement dépassée – il offrait avec son visiteur un contraste frappant. Grand, mince et désinvolte dans son costume prince-de-Galles coupé à Londres, ses épais cheveux bruns touchés d’argent seyaient à merveille à sa peau bronzée tendue sur une ossature arrogante, à son sourire indolent et à ses yeux volontiers moqueurs d’un bleu clair tirant sur le vert dans les moments de colère. Ce qui n’était pas si rare : en bon Vénitien, Aldo Morosini avait le sang chaud et l’oreille chatouilleuse.

Après un temps de silence contemplatif, il répondit à la question que son hôte lui posait par une autre question, selon une habitude qui lui était venue avec le temps en s’avisant qu’elle lui permettait de prolonger sa réflexion :

— Si j’ai bien compris ce que m’a dit Mademoiselle du Plan-Crépin, cette dame était votre tante ?

Le chef de bureau étira ses lèvres comme s’il venait d’avaler une potion amère.

— Oui. La baro

Morosini fronça le sourcil. Le nom ne lui était pas inco

— Chez nous on ne traite pas une prima do

— Il était très riche, vous savez et si j’admets qu’il était plutôt bien de sa perso

— Votre oncle est mort depuis longtemps ?

— Trois ans et naturellement, elle a hérité ce qui restait de la fortune. Moi je n’ai eu droit à rien et je n’ai jamais revu cette femme depuis les funérailles au Père-Lachaise où il y avait peu de monde. Tout ce que j’en ai su est qu’elle vivait quasiment cloîtrée dans son appartement de la rue de la Faisanderie avec deux domestiques. Dont elle a fait les légataires de ce qu’elle laissait et que je n’aurais jamais pu évaluer mais j’y arriverai bien car je compte attaquer le testament…