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La ville s’étendait sur plusieurs hectares et do

Au cœur d’une place ouverte sur le Nil, la vaste terrasse du Shepheard’s offrait une vue sur les deux îles, Roda et Gesireh. Toujours pleine, elle était l’un des lieux favoris où se retrouvaient les touristes riches, la gentry brita

Dans l’immense hall aux colo

— C’est vous, je crois, qui gardez le courrier de M. Vidal-Pellicorne, l’éminent archéologue ?

Le rose mais sole

— Jusqu’à hier, en effet, Excellence…

— Et plus maintenant ? Pourquoi ?

— Mais… parce que M. Vidal-Pellicorne nous honore de sa présence !

— Eh bien, dites-moi, cela n’a pas l’air de vous combler de joie !

— D’habitude… c’est un si bon client, mais… Puis-je me permettre de demander ce qu’il est pour Monsieur le prince ? Une simple relation ou un ami ?

— Un ami, voyons ! Et le meilleur qui soit ! Qu’est-ce qui lui arrive ?

— Alors j’oserais conseiller une visite au bar.

— Il y est ?

— J’irais jusqu’à dire qu’il l’occupe. Hier soir, il y est resté jusqu’à la fermeture et aujourd’hui…

— N’en dites pas plus, j’y vais ! Faites monter mes bagages, ajouta-t-il en glissant un billet dans la main du groom.

Il se dirigea vers la longue pièce dont il pouvait apercevoir le comptoir d’acajou orné de têtes pharaoniques en bronze. En y pénétrant, il vit avec satisfaction que la pièce était pratiquement déserte et n’eut donc aucune peine à repérer son ami. Adalbert était assis – effondré serait plus juste ! – dans un fauteuil de velours jaune devant une table basse et un verre de whisky à moitié plein ou à moitié vide, selon l’état d’âme avec lequel on le considérait. Ce n’était certainement pas le premier. Un coup d’œil suffisait pour constater que l’archéologue était plus qu’à moitié ivre.

Aldo se dirigeait à sa rencontre, quand Adalbert, prostré apparemment dans une profonde réflexion, prit son verre, le vida, puis, le brandissant à bout de bras, exigea :

— Un autre, barman !

— Je dirais plutôt un café… et corsé ! corrigea Aldo en se laissant tomber dans le fauteuil voisin.

Adalbert releva le menton et fixa l’arrivant d’un regard tellement trouble qu’il ne devait pas lui permettre de distinguer grand-chose. D’ailleurs, il ne le reco

— De… de quoi j’me mêle ? Moi, j’veux boire…

— Si tu ne sais même plus qui je suis, c’est que tu as déjà beaucoup trop bu ! Il vient, ce café, barman ?

— Si Monsieur le permet, j’oserai avancer que le résultat va être désastreux. Nous risquons des… des nausées.

Aldo se mit à rire :



— Et vous craignez pour votre velours bouton d’or et vos tapis ? Après tout, vous avez peut-être raison. Trouvez-moi deux valets solides et faites suivre non pas un café mais une pleine cafetière. Nous allons le remonter chez lui…

— Tout de suite ! fit l’homme en s’élançant. Je vais devoir à Monsieur une grande reco

— Ne me dites pas que c’est votre premier poivrot ? Avec ce qui défile ici d’officiers anglais ne carburant qu’au whisky ?

Deux minutes plus tard, le renfort demandé répondait à l’appel. On emporta Vidal-Pellicorne qui n’offrit qu’une faible résistance. Il n’en était fort heureusement qu’à la période bénigne de l’ivresse, celle où l’on a tendance à parer le monde entier des couleurs les plus tendres. Les yeux mi-clos, il souriait avec aménité aux deux colosses nubiens qui l’étayaient dans l’ascenseur et se laissa conduire dans la salle de bains sans opposer de résistance, mais se mit à beugler quand l’eau froide de la douche sous laquelle on le poussait s’abattit sur sa tête. Imperturbables, les trois hommes l’y maintinrent le temps nécessaire en dépit de ses vociférations, après quoi, on le boucho

— Mais qu’est-ce qui vous a pris de me tremper de la sorte ? Vous n’êtes pas un peu malades ? Sortez ! Vous m’entendez ? Sortez de chez moi !

— Ils vont sortir, le calma Aldo en s’inscrivant dans son champ de vision, une tasse de café à la main. Mais moi, je reste ! Comment te sens-tu ?

Cette fois, on l’avait reco

— Toi ? Mais qu’est-ce que tu fais ici ?

— Bois ça ! On causera après !

Adalbert avala docilement le liquide et même en redemanda. Pendant ce temps, les Nubiens remettaient de l’ordre avant de disparaître, nantis d’un généreux pourboire. Assis sur le bras d’un fauteuil, une cigarette entre les doigts, Aldo attendait.

Quand Adalbert en eut fini et se laissa aller sur ses oreillers en exhalant un soupir de satisfaction, il entama le dialogue :

— Si tu me disais où tu en es ? J’arrive ici avec l’espoir – bien mince puisque apparemment tu te cachais ! – d’avoir de tes nouvelles et, au lieu d’apprendre que tu étais en train de manier fébrilement la pioche et la pelle, appâté par la trouvaille de ta vie, je te retrouve aux prises avec une cuite monumentale dans un bar d’hôtel. Alors je te le demande : que t’est-il arrivé ?

Récupérant ses soucis en même temps que sa lucidité, l’œil bleu de l’archéologue s’assombrit :

— Je me suis fait avoir comme un bleu !

— Comment cela ? J’ai téléphoné chez toi il y a quelques jours et Théobald m’a confié que tu avais fait une « trouvaille » tellement importante que tu refusais d’en révéler l’endroit même à lui et que tu te faisais envoyer ton courrier au Shepheard’s.

— Tu avais besoin de moi ?

— Réponds d’abord ! On parlera de moi après !

— C’est vrai, concéda Adalbert tristement. J’étais persuadé d’avoir fait une découverte aussi sensatio

— Ce pauvre Tout-Ank-Amon ! Tu ne l’as jamais digéré, celui-là ? le taquina Aldo.

— Non, tu as raison. Il m’a do

— Et la suite : de tous ceux qui ont travaillé sur le site, il ne reste pas pléthore…

— La fameuse malédiction inscrite à l’entrée du tombeau et qui menaçait de frapper quiconque troublerait le sommeil de Pharaon ? Il est évident qu’il y a eu des coïncidences troublantes, que lord Carnarvon n’a pas joui longtemps de son triomphe, mais Carter, lui, l’initiateur, est toujours bien vivant !