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— Sacrifices ? sourit Aldo. Quel mot pour une aussi grande dame dont je sais qu’elle possède d’admirables parures…

— … auxquelles je tiens ! En revanche, il me sera moins douloureux de me séparer de ceci, fit-elle en caressant le couvercle ciselé. Vous n’ignorez pas que je fus l’épouse du roi Fouad, et ce fut l’un de ses présents : des perles d’une valeur inestimable dont on ne saurait confier la vente à n’importe qui, vente dont il est préférable qu’elle se réalise dans le secret et, surtout, dans un pays éloigné. Je suis certaine que, parmi vos clients milliardaires, vous n’aurez aucune peine à en obtenir le juste prix.

Ce petit discours achevé, elle tendit à Aldo le coffret, très ancien, dont il commença par admirer la facture :

— Magnifique ! apprécia-t-il en caressant le métal réchauffé par les mains de son hôtesse. Douze ou treizième siècle, je suppose ?

— Vous supposez bien !

Le couvercle soulevé révéla sur un lit de velours sept grosses perles en poire réunies par de fines chaînettes d’or. Elles étaient toutes identiques, mesurant quatre ou cinq centimètres et d’un incomparable orient légèrement doré. L’admiration le tint muet quelques instants, comme chaque fois qu’il découvrait un joyau exceptio

Il les détaillait au moyen de la petite mais puissante loupe de joaillier dont il n’avait garde de se séparer, quand un déclic se fit dans sa tête. Il n’était peut-être jamais venu en Égypte mais ne méco

Calmement, il rangea sa loupe, recoucha les perles dans leur coffret qu’il referma avant de le rendre à sa propriétaire dont il se demandait maintenant si elle l’était vraiment :

— Croyez que je suis désolé, princesse, mais il m’est impossible de me charger d’une telle vente…

— Comment ?

— À moins que vous ne puissiez me remettre une autorisation écrite de Sa Majesté le roi Fouad pour les sortir d’Égypte. Elles font partie de ce que j’appellerais les joyaux de la Couro

— Mais elles m’appartie

— En ce cas, il a eu tort car je ne pense pas qu’il en ait le droit. Pas plus que le roi d’Angleterre, s’il lui prenait fantaisie de vendre ou d’offrir le Koh-I-Noor. Ce sont les perles de Saladin, co

— Mais je me tue à vous dire qu’il m’en a fait cadeau ?

— Je n’en doute pas. C’est pourquoi l’autorisation ne devrait pas poser de problèmes…

— Ne vous ai-je pas prévenu qu’il s’agissait d’une tractation secrète, afin que ces perles soient vendues dans la plus totale discrétion ? Le roi ne doit rien savoir. Il me les a offertes parce que je porte en moi quelques gouttes du sang de Saladin… Oh, je devrais plutôt dire qu’il m’en a do

— Comment cela, sans importance ? On pourrait vous les réclamer au moins au décès du roi ? Son héritier…

— Farouk ? Il ne sera pas le meilleur de nos souverains. À douze ans, il ne pense déjà qu’à ses plaisirs. D’ailleurs, il n’est pas d’une intelligence folle mais il se plaît en ma compagnie. Je l’amuse… Il aime les chevaux, les femmes…

— Eh bien ! Il est précoce !

— Oh, oui ! Ajoutez le jeu, l’argent…

— Les joyaux ?

— Aussi, pour leur éclat. Mais il n’y co

— Soit ! Tenons-nous-en au roi. Que se passerait-il s’il voulait vous les reprendre ?

— Ce ne serait pas une catastrophe : j’ai fait réaliser des copies !

— Copiées, des perles de cette taille ?



— Pourquoi non ? Il y a dans ce pays des artistes de talent qui ne co

— Et le coffret ?

— Une imitation, lui aussi. Cela a été plus facile, d’ailleurs. Faites-moi confiance, je n’ai rien laissé au hasard.

— Je m’en aperçois, Altesse, mais essayez de comprendre que je ne peux considérer cette histoire dans la même optique que vous. Si haute dame que vous soyez, vous ne m’en demandez pas moins de me faire le complice d’un vol manifeste !

Shakiar prit une « lattaquieh » dans une boîte en malachite, la plaça au bout d’un long fume-cigarette et permit à Aldo de la lui allumer. Puis elle tira quelques bouffées avant de secouer la cendre en faisant montre d’un agacement visible :

— Au rang que j’occupe – et vous venez d’y faire allusion ! –, ce mot-là est malso

— Vous voulez dire qu’on a tué pour eux ? Sans nul doute, mais cela s’inscrit dans le bruit lointain du temps ! Pour ma part, je me refuse au rôle de receleur. Je tiens essentiellement à ma réputation, qui me vaut d’être devant vous ce soir ! Elle serait en miettes si, d’aventure, on me trouvait en possession de ces bijoux qui sont, que vous le vouliez ou non, un trésor national. Un banal contrôle douanier suffirait.

— Cela n’arrivera pas. Je peux vous le certifier. Vous quitterez l’Égypte sur le yacht d’un ami sûr. Pour la suite, ne me dites pas qu’il n’existe pas parmi vos client un milliardaire capable de payer ces perles à leur juste valeur et de se taire ? Votre beau-père, par exemple ?

L’évocation de Moritz Klederma

— Votre exemple est mal choisi, Madame. C’est l’homme le plus scrupuleusement ho

— Lui ou un autre, peu importe ! Vous ne me convaincrez pas que vous ne co

Elle s’énervait. Une rougeur diffuse montait à ses joues tandis qu’elle laissait tomber son mégot pour prendre une seconde cigarette… qu’il lui alluma aussitôt.

— Si je considère ces rubis, Altesse, vous pourriez réaliser une belle fortune.

— Mais je ne veux pas m’en dessaisir ! Ce sont « mes » bijoux. J’y tiens, alors que ceux-là appartie

Les larmes à présent envahissaient ses yeux noirs. Aldo sentit augmenter son malaise. Il détestait ce rôle qu’on lui faisait jouer. D’autant que l’illogisme de la dame le surprenait. Si elle n’aimait pas les perles, pourquoi diable s’être fait do

D’un mouchoir délicat, elle sécha ses paupières avant que le mascara ne coule, eut un discret reniflement et finalement réussit à sourire :

— Pardo

— Altesse, je…

— Non ! Ne dites rien ! Écoutez plutôt ! Voici ce que je vous propose. Quittons-nous pour ce soir et do

— Certes, admit-il, songeant à Adalbert qui allait peut-être le retenir un moment !