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Sara continuait ses soins à Catherine. Ils consistaient en boissons rafraîchissantes, en drogues bizarres qu'elle lui faisait prendre pour faire revenir les forces et sur la composition desquelles, la bohémie

Peu à peu d'ailleurs, Catherine et même Jacquette s'accoutumaient à la présence de la femme au teint sombre. Barnabé leur en avait conté l'histoire. Sara était née dans l'île de Chypre au milieu de l'une des tribus zinganas établies dans l'île. Mais toute jeune, elle avait été prise par les Turcs, vendue au marché de Candie à un marchand vénitien qui l'avait ramenée chez lui. À Venise, Sara était demeurée une dizaine d'a

Il l'avait emmenée chez lui, dans sa tanière de la Cour Saint-Sauveur.

Depuis, elle lui servait de ménagère. Sara-la-Noire, outre ses talents de guérisseuse, toujours précieux chez les gueux, savait lire l'avenir dans les mains. Cela lui valait d'être parfois appelée, en grand secret, dans quelque noble demeure... Courant ainsi par la ville et pénétrant là où bien des gens ne pouvaient le faire, Sara apprenait beaucoup de choses sur la ville et la Cour. Elle savait une foule d'histoires et demeurait des heures, accroupie près de l'âtre, entre Catherine et sa mère, partageant avec elles le vin aux herbes qu'elle faisait comme perso

Histoires de sa lointaine tribu ou potins de la Cour, tout y passait ! Et presque chaque soir, quand Barnabé renterait de « ses affaires », il trouvait les trois femmes réunies, cherchant dans leur mutuelle société une manière de réconfort. Il s'asseyait alors au milieu de cette étrange famille que le hasard lui avait constituée et apportait à son tour les bruits du dehors.

Quand la nuit était tout à fait close et que le royaume des truands s'éveillait à sa tumultueuse vie nocturne, la présence du Coquillart était indispensable pour calmer les frayeurs de ses invitées. C'est qu'elle était terrifiante la Grande Cour des Miracles à l'heure où ses membres lui revenaient et le quartier de Barnabé était loin d'être calme ! Dès avant matines et jusqu'à ce que le cor de la guette so

mendiants, vrais ou faux, dans Paris.

La règle du royaume de Thune voulait que tout ce qui avait été récolté, mendié ou volé dans la journée, fût dévoré dans la nuit même.

On festoyait, après avoir jeté à la masse commune, aux pieds du roi de Thune, la récolte de la journée. De grands feux s'allumaient en plein vent, sur lesquels rôtissaient des animaux entiers. Des to





Devant le plus grand des feux un homme trônait, assis sur un tas de pierres recouvert de chiffons. Un cou de taureau enfoncé dans des épaules démesurées, un torse long, triangulaire, fiché sur de courtes jambes grosses comme des montoirs à chevaux, une tête carrée couverte d'un chaume pisseux que drapait un bo

Nuit après nuit, dès qu'elle en eut la force, Catherine, fascinée par le spectacle, quittait sa couche et se glissait jusqu'au soupirail. Au ras du sol, il composait, avec l'étroite fenêtre de l'étage, tout l'éclairage du château de Barnabé. Là, le cou tendu, ouvrant sur la bacchanale des yeux avides, elle ne perdait rien de ce qui se déroulait dans la Cour. Et comme, obligatoirement, le festin des gueux se terminait en orgie, elle apprit ainsi bien des choses sur les lois de la nature. Lorsque, dans la lumière sanglante des feux mourants, elle pouvait voir les truands rouler pêle- mêle un peu partout, sans même prendre la peine de chercher l'ombre, une bizarre émotion s'emparait d'elle, un trouble qui venait des fibres profondes de son corps adolescent, joint à une intense curiosité. Si Jacquette l'avait surprise, elle serait morte de honte, mais, seule dans son coin sombre, elle ne pouvait détacher ses yeux de ce qui se passait. Elle apprit ainsi quelques-unes des coutumes du royaume d'Argot et de Thune.

Par exemple, elle fut plusieurs fois le témoin ébahi de l'entrée d'une nouvelle sujette dans le peuple de l'ombre. Lorsqu'une fille jeune était amenée chez les truands, elle était d'abord dépouillée entièrement de ses vêtements puis devait danser nue devant le roi au son des tambourins. Si Mâchefer ne la faisait pas sie

La première fois, Catherine se cacha les yeux puis courut fourrer sa tête sous ses couvertures. La seconde, elle resta, risqua un œil entre ses doigts écartés. La troisième, elle examina la cérémonie de bout en bout.

Une nuit, Catherine vit amener devant Mâchefer une très jeune fille qui ne devait pas être beaucoup plus âgée qu'elle-même. Un an peut-

être. Une fois dévêtue, elle avait montré un corps mince comme une liane, encore un peu androgyne mais sur lequel les seins gonflaient un peu. De grosses nattes couleur de châtaigne mûre sautillaient sur les épaules de la néophyte. Quand elle avait commencé à danser devant le feu, Catherine avait éprouvé une bizarre impression. Sur le fond incandescent du brasier, la mince forme noire se tordait, se balançait comme une autre petite flamme humaine, avec une insouciance, un entrain qui firent envie à celle qui regardait. Catherine se surprit à penser que ce devait être agréable, au fond, de gambader ainsi toute nue devant ce beau feu réchauffant. La gamine qui dansait avait l'air d'un elfe ou d'un farfadet. C'était comme un jeu insolite...

Mais la danse terminée, la jeune fille s'était arrêtée haletante.

Mâchefer avait fait un signe de la main que Catherine avait appris à co