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Mais le pèlerin revenait à lui. Ses paupières se soulevaient, découvrant dans le jour déclinant des prunelles bleues comme un ciel d'été. Il essaya de se relever, y parvint avec l'aide du bras de Sara et regarda le couple agenouillé à ses pieds avec beaucoup de gentillesse.

— Loué soit Jésus-Christ ! dit-il, et grâces vous soient rendues à vous qui m'avez porté votre aide. Sans vous, je crois bien que...

Il s'interrompit. Son regard était tombé sur les cadavres des trois bandits et des larmes y montèrent.

— Fallait-il qu'ils mourussent à cause de moi ?... et en état de péché ?

— C'étaient eux ou vous, dit Arnaud doucement. Ceux qui attaquent les errants de Dieu ne méritent ni pitié ni merci.

— Ils avaient faim, sans doute, dit le pèlerin doucement. Je prierai pour eux quand je serai au terme de mon voyage.

Le temps du repos n'est donc pas encore venu pour vous ? Pourtant, vous venez de bien loin, il me semble.

Les yeux clairs du pèlerin se firent si lumineux que Catherine eut l'impression que l'hiver s'effaçait et qu'un rayon de soleil l'enveloppait.

— Oui... de bien loin, dit-il. J'ai vu le tombeau du Maître et, toute la nuit, j'ai prié sous les oliviers de l'Agonie. J'avais voulu cela parce que moi, indigne et misérable, j'avais reçu une insigne faveur. J'étais un simple maçon qui, de tout son cœur, travaillait aux cathédrales quand Dieu permit que je perde la vue. Le désespoir m'entraîna alors bien loin, plus loin encore que vous n'imaginez, car je blasphémai et doutai de Dieu. De honte, je voulus par mortification m'en aller implorer mon pardon au tombeau de saint Jacques qui a reçu pouvoir de guérir les âmes amères. Je rejoignis, au Puy, une caravane et je fis le long chemin qui mène en Galice. Et là... pouvez-vous concevoir la joie qui fut la mie

— Aveugle ! balbutia Catherine, émerveillée. Vous étiez aveugle et la vue vous a été rendue ?

Le vieillard sourit au joli visage tendu vers lui. Sa main se leva et alla se poser sur le front de la jeune femme.

— Mais oui. La foi, ma fille, est amour et apaisement. Il n'est rien, si misérable que l'on soit, que l'on n'obtie

— Barnabé !...

Le sang de Catherine refluait de ses joues à son cœur tandis que ses mains tremblaient. Par quel étrange caprice du destin cet homme qui portait la Coquille s'appelait-il, lui aussi, Barnabé ? Y avait-il là un signe et, dans ce cas, comment l'interpréter ?... Immobile, toujours à genoux, les oreilles bourdo

— Où allez-vous, maintenant ?

— Je viens de prier au tombeau de saint Léonard et vais maintenant à la haute maison que monseigneur saint Michel possède, au péril de la mer, en Normandie. J'ai su, en revenant au pays, les merveilles qu'il avait faites au royaume de France et comment il avait parlé à Jeha

— Jeha

— Cela ne durera pas, affirma Barnabé vigoureusement. Dieu ne fait jamais rien à demi. Mais qu'il soit béni de vous avoir mis sur mon chemin. Vous l'avez co

Catherine devait garder de cette soirée un souvenir ineffaçable. On s'installa, pour la nuit, dans l'une des maisons abando





— II vous sera encore beaucoup demandé, dit-il, mais vous avez reçu la grâce de l'amour. Si vous la gardez, vous vaincrez le monde. Mais saurez-vous la garder ?

Il avait souri brusquement et s'était passé la main sur les yeux, comme au réveil. Puis il avait rapidement tracé sur les deux têtes un signe de bénédiction.

— La paix soit avec vous ! Dormez bien !

Mais, malgré ce souhait, Catherine, étendue contre Arnaud endormi, la joue sur son épaule, avait longtemps poursuivi le sommeil. Il y avait dans cette rencontre du vieux pèlerin quelque chose qu'elle ne parvenait pas à analyser, mais qu'elle ne pouvait s'empêcher d'interpréter comme un signe du destin. Un signe chargé de mystère, sans doute, et dont peut- être elle ne comprendrait le sens réel qu'au bout de longues a

Le jour venu, chacun se remit en route, mais, tandis que la haute silhouette du pèlerin disparaissait peu à peu dans la brume d'un chemin creux, Catherine vit que Gauthier, demeuré en arrière, le suivait des yeux. Quand il reprit sa place auprès d'elle, un pli soucieux creusait son front entre les épais sourcils blonds. Catherine respecta son silence qui dura un moment. Puis, brusquement, il dit :

— Le Dieu que vous servez est bien puissant pour avoir de tels serviteurs.

— Il t'a impressio

— Oui... non... Je ne sais pas ! Ce que je sais, pourtant, c'est que j'ai eu envie de le suivre.

— Parce qu'il allait en Normandie ?

Non... pour le suivre ! J'avais l'impression qu'avec lui je serais à l'abri de tout malheur, de toute souffrance.

— Et tu as peur de la souffrance et du malheur ? Un court instant, il la regarda avec cette expression Affamée qu'elle lui avait vue deux ou trois fois.

— Vous savez bien que non, murmura-t-il, si c'est de vous qu'ils me vie

Et, brusquement, il mit son cheval au trot pour rejoindre Arnaud qui, en avant, discutait avec Escornebœuf.

Si Arnaud avait délibérément choisi la difficile et dangereuse route à travers le Limousin qui lui permettait de regagner Montsalvy en contournant l'Auvergne sans presque s'y engager, ce n'était pas par amour de la difficulté ainsi que Catherine l'avait appris de sa propre bouche. Il lui avait expliqué que le comté d'Auvergne, objet de tant de litiges, était, en fait, gouverné par deux évêques : celui de Clermont, tout au roi de France et fidèle soutien de La Trémoille, et celui de Saint-Flour qui, Dieu seul savait pourquoi, était tout entier au duc de Bourgogne.

— Tu ne désires pas, je pense, avait dit Arnaud avec un sourire en biais, retomber aux mains du noble duc ?

Catherine avait rougi et haussé les épaules. Cette allusion lui déplaisait, mais elle avait appris depuis longtemps à compter avec la jalousie d'Arnaud et savait que, dans ce cas, cette jalousie se justifiait aisément. Elle s'était donc contentée de répondre paisiblement :