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Elle le regarda s'éloigner en silence, inquiète de cette blessure que Gauthier venait d'infliger à son orgueil, mais elle n'osa pas le suivre. A cet instant, ils ne pouvaient se comprendre. Mais, quand il revint, un long moment après, elle s'était assise à l'écart, enveloppée dans son grand manteau, regardant Sara qui tournait, au-dessus du feu, un cuissot de sanglier sur une broche improvisée. Il vint droit à elle, se laissa glisser à terre et posa sa tête sur les genoux de la jeune femme.

— Pardo

Pour toute réponse, elle se pencha et posa ses lèvres dans les rudes cheveux noirs. Un moment, ils oublièrent le froid, la nuit, la guerre et goûtèrent un peu de paix. Doucement, il l'enleva dans ses bras, l'emporta à l'écart, là où les regards des autres ne pourraient les atteindre. L'ombre de la petite chapelle s'étendit sur eux, les retranchant du monde. Arnaud enveloppa soigneusement Catherine dans plusieurs couvertures puis s'étendit près d'elle, refermant sur eux deux son propre manteau.

— Tu es bien ? demanda-t-il.

— Très bien... mais Arnaud, j'ai peur. Je voudrais tant être arrivée, à cause de l'enfant. Il bouge beaucoup, tu sais...

— Nous essayerons de forcer l'allure. Tâche de dormir, mon amour. Tu as besoin de paix et de calme.

Il baisa passio

Plus loin, les Gascons s'étaient installés autour d'un autre feu où rôtissaient les lièvres. Eux aussi semblaient en paix car, pour eux, la vie et la mort s'enchaînaient, logiquement, en une chaîne sans fin...

Mais quand, dans le jour blême et pauvre du matin suivant, on se remit en route à travers les taillis dénudés et le vent aigre venu du nord, Catherine constata que le physique d'Escornebœuf avait subi quelques modifications. Le colosse tentait vainement de cacher entre son chapeau de fer et son manteau de cheval un visage qui, visiblement, en avait vu de cruelles. Un œil magistralement poché, des égratignures encore fraîches et tout un assortiment de bleus, allant de l'azur au violet foncé, lui composaient une bien étrange physionomie. Cherchant le regard d'Arnaud, la jeune femme vit qu'il était également fixé sur le sergent et qu'il étincelait d'une gaieté qui n'atteignait cependant pas les lèvres. Il sourit, pourtant, tendrement à sa femme, puis se tourna vers Gauthier. Le Normand, les yeux mi-clos, chevauchait paisiblement, les mains nouées sur le ventre, avec la mine satisfaite d'un gros chat qui vient de laper un bol de lait. 11 avait vraiment l'air trop bonasse pour ne pas être à l'origine du bariolage matinal d'Escornebœuf... Un dernier regard acheva de convaincre Catherine : celui, meurtrier, brûlant de haine que le Gascon adressa au géant. Apparemment, il avait reçu, dans la nuit, une sévère correction qu'il n'était pas près d'oublier, mais, si Catherine s'en réjouissait, elle n'aimait guère traîner ainsi après elle des rancunes en puissance qui menaceraient la sécurité du groupe et risquaient d'engendrer de graves conflits.

Le plateau granitique s'affaissa soudain et le chemin dévala à flanc de coteau vers un étroit village où ne se montrait pas le moindre signe de vie. Aucune cheminée ne fumait, rien ne bougeait... hormis, un peu en dehors, près d'un calvaire, un groupe confus qui s'agitait bizarrement. Plusieurs hommes se penchaient sur quelqu'un qui bougeait frénétiquement.

Catherine vit qu'Arnaud, toujours en avant, s'était arrêté au bord de la descente et, debout sur ses étriers, regardait. Elle poussa Morgane pour le rejoindre, mais déjà, piquant des deux, il fonçait à tombeau ouvert dans le chemin raide. Les derniers rayons d'un soleil pâle allumaient des reflets sur l'acier de l'épée qu'il avait tirée.

— Des malandrins, fit Gauthier auprès de Catherine. Ils attaquent quelqu'un. Je vais l'aider.

— Non, reste !... Il n'aimerait pas que tu lui pre

En effet, au bas de la sente, Arnaud, dédaignant l'avantage que lui do

— Vite ! dit Catherine. Cette fois, il a besoin de nous...

Ses talons pressèrent le flanc de Morgane et toute la troupe, derrière elle, dévala le coteau au grand trot. Devant le calvaire, Catherine et Sara mirent pied à terre, rejoignirent Arnaud.





— C'est un pèlerin, dit-il... et qui semble bien misérable ! Comment peut-on attaquer quelqu'un de si dépourvu !

Bah ! fit derrière lui la voix goguenarde d'Escornebœuf. Ces pèlerins cachent souvent sous leurs haillons plus d'or qu'on ne pense. J'en ai co

— Assez ! coupa Arnaud brutalement. Les errants de Dieu sont sacrés ou devraient l'être... Va voir s'il est possible de rester dans ce hameau. Il semble vide mais on ne sait jamais. Et souviens-toi de mes ordres : ne moleste perso

— Oui, seigneur ! grogna le Gascon de mauvaise grâce. Pied à terre, vous autres !

Tandis que Sara ouvrait le coffre de cuir qui contenait des remèdes et des pansements, Catherine avait pris sur ses genoux la tête du pèlerin évanoui. C'était un vieillard si maigre que sa peau parcheminée semblait collée à son squelette.

Des broussailles grises de sa longue barbe et de ses cheveux jaillissaient un grand nez courbe et les globes proéminents de ses yeux sous les paupières fripées. En vérité, son équipement n'inspirait guère la convoitise. Le long manteau qu'il portait sur un pourpoint et des chausses rapiécées était effiloché par les ronces du chemin, roussi par des soleils i

Avec émotion, tandis que Sara étanchait le sang qui coulait du front du vieillard, Catherine passait un doigt tremblant sur les coquilles cousues sur la vieille houppelande. L'homme lui rappelait son vieil ami Barnabé. Ce manteau, si semblable à celui dont le Coquillard s'habillait, aussi effiloché, aussi minable, portait cependant sur lui le poids de pénitence et de renoncements qui n'avaient jamais été le fait de Barnabé.

— Il vient de Compostelle, dit-elle d'une voix enrouée en passant d'une coquille à une petite effigie de saint Jacques, en étain, cousue au revers du pèlerin.

— Il vient de plus loin encore, ma mie, fit la voix grave d'Arnaud. Regarde...

Il désignait, pendues à une ficelle au cou du vieillard, une petite palme de plomb et une croix. Et Catherine, éto

— Que fais-tu ?

— Je lui rends l'hommage dû à ses pareils. Il vient de Jérusalem, Catherine. C'est un pèlerin de Terre Sainte, un Grand Pèlerin, et les pieds que je baise ont foulé le sol qui porta le Seigneur.

Saisies, Catherine et Sara demeurèrent immobiles. Le vieillard semblait, tout à coup, avoir grandi jusqu'à des dimensions surnaturelles et un profond sentiment de vénération s'emparait d'elles. Les pèlerins de Terre Sainte étaient rares si les grands sanctuaires chrétiens drainaient toujours des foules ferventes. Il fallait être un bien grand saint... ou avoir commis un bien grand crime pour s'en aller si loin, à travers tant de dangers, demander grâce et pardon !