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— Et ce refuge, vous savez où le trouver ?

Catherine ferma les yeux un instant comme pour

rappeler un visage du fond de sa mémoire.

— Si je sais juger un homme à son poids réel, je crois que oui. Si je me suis trompée, alors il n'y aura plus ni recours ni salut pour moi. Mais je ne me trompe certainement pas.

— Ainsi nous allons ?

— À Bourges. Chez maître Jacques Cœur.

Les cavaliers sortaient du bois. Une étendue plate et herbeuse, à la gauche lointaine de laquelle luisait le fleuve, s'allongeait devant eux sous le gris monotone du ciel. Catherine et Gauthier s'y lancèrent éperdument.

Dans le fond de sa pensée, Catherine s'était parfois demandé si sa situation perso

Pour se mettre à l'abri des surprises, elle avait décidé, de concert avec Gauthier, que l'on voyagerait la nuit, malgré les dangers de mauvaises rencontres que cela pouvait comporter, et que l'on se tiendrait cachés le jour. Il y avait à cette décision plusieurs raisons dont la première était une plus grande sécurité vis-à-vis des gens du Roi, la seconde, le fait que les nuits en ce triste mois de novembre étaient infiniment plus longues que les jours, et la troisième que le chemin vers Bourges ne présentait aucune difficulté à suivre, même la nuit. Il suffisait de remonter la Loire, puis le cours du Cher qui amènerait les voyageurs non loin de leur destination dernière. On passa donc le jour des Morts à Chalo

Jusqu'au lever du jour, on fit près de vingt lieues, ce qui représentait pour Rustaud, doublement chargé, une sorte de record. Mais, quand le paysage se dégagea des brumes matinales, il révéla les clochers, les tours, les lanternes ajourées, les rudes murailles et les immenses toits d'une énorme abbaye plantée au confluent de la Loire et de la Vie

L'ensemble était si imposant que Catherine hésita à s'avancer et, comme un paysan, sa houe sur l'épaule, débouchait d'un layon, elle le héla :

— Brave homme, cette abbaye est grande et belle, il me semble. Quel est son nom ?

— Dame, fit le bonhomme en tirant son bo

— Merci, murmura la jeune femme tandis que le paysan remettait son couvre-chef et s'éloignait.

Le coup d'œil qu'elle échangea avec Gauthier en disait long et traduisait leur pensée commune. Certes, une abbaye est lieu d'asile, maison de Dieu, mais pouvait-elle s'aventurer sans crainte dans cette pieuse forteresse renommée pour servir de refuge... obligatoire souvent, aux reines répudiées, aux filles de grandes familles indésirables, aux princesses montées en graine et dont l'abbesse était toujours choisie dans les maisons, sinon royales, du moins princières ? Cinq communautés dépendaient de la crosse hautaine de l'abbesse de Fontevrault, plus un hôpital et une léproserie et, chose étrange, sur ces communautés, trois étaient masculines. Les luttes intestines de Fontevrault étaient célèbres et Catherine songea qu'il eût été téméraire de mettre le pied dans cet admirable et noble guêpier.





— Je pense, conclut-elle enfin, qu'il nous faut chercher quelque hutte de charbo

La chose se trouva sans peine. On passa là une journée paisible grâce à Gauthier qui réussit à capturer un lièvre et le fit rôtir sur un feu de branches mortes pour la plus grande satisfaction de ses compagnes. Dans la forêt, le Normand était chez lui et n'était jamais en peine pour se sortir d'affaire. La nourriture des bêtes était assurée par un sac de fourrage que l'on devait à la munificence de Martin Berlot et que Morgane, non sans dédain, acceptait, bon gré mal gré, de porter en surplus de Catherine. Quand l'ombre s'étendit sur la profonde forêt, on regagna le bord du fleuve en contournant à distance respectueuse les bâtiments de l'abbaye. Mais, cette fois, la nuit ne se passa pas sans incident. D'abord, les voyageurs se trompèrent de rivière et suivirent le cours de l'Indre au lieu de celui du Cher. Mais on parvenait juste à retrouver le bon chemin quand Rustaud, qui arrivait à bout de souffle, se mit à boiter.

— Il faudra nous arrêter à la première maison pieuse rencontrée, fit Catherine inquiète. Cette bête a besoin de soins.

Mais c'était plus facile à dire qu'à faire. Ils n'avaient rien trouvé quand, le jour levé depuis un bon moment, ils arrivèrent en vue d'un gros village. La faim commençait à se faire sentir et il fallait trouver à manger pour les humains comme pour les bêtes.

— Nous sommes loin de Champtocé, dit Gauthier. Peut-être pouvons-nous courir le risque d'entrer dans ce bourg et de chercher quelque nourriture ?

— Essayons, répondit Catherine qui souffrait de crampes douloureuses et de pénibles brûlures d'estomac. Son état la sensibilisait de façon inquiétante et elle éprouvait un besoin impérieux de repos et de calme. En elle, l'enfant s'agitait d'une façon désordo

Mais, comme les chevaux allaient franchir les premières maisons du village, un appel de trompe vint crisper les nerfs tendus de la jeune femme. Gauthier, qui allait en tête, s'arrêta, se tourna sur sa selle, écartant légèrement Sara qui voyageait les bras passés autour de lui.

— Dame Catherine, dit-il, tout le village est sur la place que l'on voit au bout de ce chemin. Ils écoutent un héraut en cotte bleu et or qui déroule un parchemin.

En effet, la voix forte d'un homme parvenait à Catherine, claire dans le silence glacial du matin, nette et menaçante à la fois.

Bo

Toutes deux sont échappées des geôles de monseigneur Gilles de Rais, maréchal de France. L'une des femmes est blonde et grosse de plusieurs mois. L'autre, très brune. Elles ont, en outre, volé les chevaux sur lesquels elles ont pris la fuite : un percheron de poil roux et une haquenée blanche. Vingt pièces d'or seront comptées à quiconque do

Rigide sur sa selle, comme frappée par la foudre, Catherine entendait encore la voix rude de l'homme alors même qu'elle s'était tue. Elle pouvait l'apercevoir au bout de l'enfilade basse des chaumières, roulant d'un geste las son parchemin et le remettant sous son tabard fleurdelysé. Il fit tourner son cheval et se dirigea vers l'autre extrémité du village. Les paysans allaient se débander quand Gauthier, prompt comme l'éclair, arracha la bride des mains de Catherine et l'entraîna à vive allure vers le bois de chênes aux épais fourrés d'où ils venaient de sortir. Inerte, les yeux pleins de larmes, envahie d'un affreux découragement, elle se laissa emmener. Criminelle ! Elle était maintenant une criminelle recherchée, un gibier à la portée du premier braco