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Au-dehors, le jour commençait à poindre. Le ciel, du côté de l'Orient, était d'un gris sale. Debout près de l'unique fenêtre, un pied sur un tabouret, Martin Berlot, le sénéchal, regardait ses hôtes. C'était un homme petit et rond dont l'aspect était celui d'un paysan aisé. On ne pouvait pas lire grand-chose sur sa face placide dont le principal ornement était un nez si bourgeo

Le sénéchal ne parlait guère. Il préférait écouter et, depuis que Catherine était arrivée, il ne s'était pas mêlé à la conversation. Mais, comme la jeune femme, poussée sans doute par sa fatigue, semblait hésiter sur le parti à prendre, souhaitant visiblement s'accorder un peu de repos, il murmura avec un regard au ciel moins noir :

— Si j'étais vous, noble dame, je partirais d'ici... et sur l'heure. Quand on saura que vous avez passé le pont, et on le saura avant qu'il soit longtemps, on enverra à votre poursuite. Ici... il ne sera guère possible de résister si monseigneur Gilles décide de vous reprendre de force.

— Pourtant, fit Catherine, il n'est pas venu reprendre Gauthier.

— Parce qu'il le croit mort et a toujours ignoré qu'il était ici. Perso

— La duchesse est en Provence et ne peut rien pour moi. En son absence, perso

Avec accablement, elle laissa tomber sa tête dans ses mains. Tout à l'heure, dans sa joie de fuir, elle avait oublié les menaçantes paroles de Gilles, mais maintenant elles revenaient, ces paroles, dans toute leur dangereuse signification. Sur les terres du Roi, comme sur celles de Yolande sans doute, elle était maintenant un gibier traqué. Arnaud pourrissait dans les geôles de La Trémoille et le bras du tout-puissant seigneur pouvait l'atteindre, elle, chétive, à chaque pas qu'elle ferait dans ces régions.

— De toute façon, reprit Berlot dont le souffle s'écourtait et qui regardait de plus en plus souvent vers la Loire, à Chalo

— L'église, marmo

Mais Catherine, s'appuyant des deux mains à la table, se levait péniblement. Elle avait bien saisi le début d'affolement dans la voix de Berlot. Le sénéchal avait peur. Il ne pensait qu'à une chose : il fallait que les hôtes indésirables eussent disparu de son horizon quand paraîtraient les hommes de Gilles afin qu'il pût les laisser se livrer à une visite domiciliaire convaincante.

— C'est bon, fit-elle avec un soupir, nous partons. Réveille Sara, ami Gauthier, si toutefois tu y parviens.

Elle fit quelques pas dans la pièce nue, alla, elle aussi, regarder le ciel qui s'éclairait maintenant avec une rapidité inquiétante, puis s'étira pour chasser la lourdeur de ses membres. Cependant, Gauthier, qui ne parvenait pas à éveiller Sara, avait pris le parti de l'enlever purement et simplement et de la jeter sur son épaule. Il tourna vers Berlot son regard froid.

— As-tu un cheval pour moi ?

L'autre fit la grimace.

— Je n'en ai qu'un : le mien. Et je dois le garder... Monseigneur Gilles trouverait étrange...

— 11 y a des moments où je me demande, repartit 'e Normand avec un pli méprisant au coin des lèvres, pourquoi tu ne passes pas la Loire. Dis-moi un peu de qui tu as le plus peur : de Gilles de Rais ou de la dame de Montjean qui déteste son gendre... à moins que ce ne soit de la dame de Craon ?

— Du Diable ! fit Berlot de mauvaise humeur. Mais je lui saurai gré le jour où il t'emportera.

— Amen ! dit Gauthier qui commençait à se trouver des co





Devant la porte du châtel, ils retrouvèrent Morgane et Rustaud que l'on avait nourris et abreuvés. La petite jument he

Rustaud se comporta vaillamment et ne broncha pas sous le poids du géant.

— Je crois que ça ira, dit le Normand avec satisfaction.

Il emplit sa vaste poitrine d'une grande goulée d'air puis s'écria joyeusement :

— Par les runes ! Je suis content de quitter ce maudit pays. Où que nous allions, dame Catherine, nous n'y serons pas en plus mauvaise compagnie. En avant !

Un cri d'angoisse poussé par Berlot lui répondit :

— Les hommes de Rais ! Les voilà ! Partez... mais partez donc !

En effet, le bac du passeur, chargé de soldats, dérivait au plein du courant. Une dizaine de cavaliers, qui avaient choisi de franchir le fleuve à la nage, les entouraient et Catherine, mordue par une terreur folle, reco

— Faites le tour par cette ruelle. Ils ne vous verront pas et vous gagnerez la campagne sans être aperçus. J'essayerai de les retenir autant que je pourrai.

— Si tu n'avais pas tellement peur pour ta peau, goguenarda Gauthier, je dirais que tu es un brave homme ! Adieu, Martin. On se reverra peut-être un jour.

Mais déjà Catherine avait talo

Le chemin s'écartait du bord de Loire et plongeait à travers les branches dépouillées pour devenir une invraisemblable fondrière boueuse. Gauthier rejoignit Catherine et se mit à sa hauteur.

Je pensais, fit-il sans cesser de galoper. Si nous retournions à Orléans ? Maître Jacques Boucher, bien certainement, vous accueillerait. Vous avez là des amis solides.

— En effet, dit Catherine, mais le trésorier Jacques Boucher est, avant tout, un solide, un fidèle sujet du roi Charles.

C'est un homme rigide et droit comme une lame d'épée. Il ne résisterait pas, quelque amitié qu'il ait pour moi, à un ordre de son souverain. Or, si j'ai bien compris et même si Jacques Boucher l'ignore, le Roi, c'est La Trémoille.

— Où aller alors ? J'espère que vous ne songez pas à vous précipiter tête première, et dans l'état où vous êtes, à Sully-sur-Loire ? Vous devez vivre, Madame, si vous voulez venir à bout de vos e

— Il m'importe peu de les vaincre ou non, répondit Catherine, les lèvres serrées. Mais il y a Arnaud... il y a mon enfant. Je pourrais retourner en Bourgogne où j'ai des amis, où je trouverais une sûreté relative, mais ce serait me séparer d'Arnaud. Il faut que je reste sur les terres du roi Charles au risque de tomber aux mains de son favori. Il faut que quelqu'un nous accueille, nous cache et me permette d'atteindre d'une façon ou d'une autre ceux qui pourront efficacement nous aider : les compagnons d'armes de messire de Montsalvy, les capitaines du Roi qui, tous, haïssent La Trémoille.