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— Oh oui ! Faites cela. Enlevez-le de ce lieu de misère puisque nous sommes riches maintenant.

— Très riches, Mère, sourit Catherine en retenant ses larmes.

Montsalvy va renaître, plus beau, plus fort qu'avant... Frère Sébastien, l'architecte du couvent, a déjà commencé des plans pour le nouveau château tandis que Saturnin, dirigé par le Frère Placide, s'apprête à ouvrir une carrière du côté de la Truyère. Tout le village aura du travail, dès que les labours seront terminés. Bientôt, vous retrouverez une demeure digne de vous.

Isabelle hocha la tête, avec un mélancolique sourire. Son regard s'attardait à la main de Catherine où l'émeraude de la reine Yolande brillait comme un œil vert. Depuis qu'elle l'avait reçue Catherine n'avait plus quitté cette bague. Voyant que la vieille dame la regardait, elle l'ôta de son doigt, la passa à la main amaigrie, mais encore si belle, qui reposait sur le drap, une main dont la forme nette, presque masculine, rappelait celle d'Arnaud.

— Elle est le gage de l'amitié de Yolande d'Anjou envers notre famille. Voyez ses armes gravées sur la pierre. Gardez-la, mère, elle vous va si bien.

Isabelle contempla le joyau avec un sourire ravi, une joie presque enfantine, puis tourna vers Catherine un regard chargé d'affection.

— Je ne l'accepte que comme un prêt... Bientôt, ma fille, je vous la rendrai. Si, si... Ne protestez pas. Je le sais et j'y suis prête. La mort ne m'effraie pas, au contraire... Elle m'emmènera bientôt auprès de ceux que pleurés toute ma vie, mon cher époux, mon petit Michel que vous aviez voulu sauver. Et c'est très bien ainsi.

Elle demeura un moment silencieuse, admirant l'émeraude qui mettait sur sa main une lumière d'eau profonde. Puis demanda :

— Et le fabuleux diamant noir ? Qu'est-il devenu ?

Le visage de Catherine se contracta légèrement.

— Je l'avais perdu et je l'ai retrouvé. Mais il avait encore fait bien du mal. J'ai juré qu'il n'en ferait plus.

— Comment cela ?

Bientôt, dans quelques jours, j'irai offrir le diamant maudit à la seule qui n'ait rien à redouter de sa puissance diabolique.

— Est-il vraiment si malfaisant ?

Catherine se leva, son regard s'évada de la petite chambre close.

Comme l'autre nuit, elle eut la vision de l'incendie qui avait ravagé Calves. Elle serra les dents pour ne pas crier de douleur puis murmura avec une intraduisible expression de haine et de terreur :

— Plus encore que vous ne croyez. Le mal... il n'a jamais cessé d'en faire. Il en fait encore, presque chaque jour que Dieu crée, mais je saurai bien lui arracher son pouvoir ! J'enchaînerai Satan une nouvelle fois aux pieds de Celle qui, un jour, écrasa le Serpent sous ses pieds nus. Au manteau de la Vierge Noire du Puy, le diamant noir deviendra impuissant.

Des larmes perlaient maintenant aux yeux d'Isabelle, mais une lumière y brillait.

— Vous nous étiez destinée, Catherine. D'instinct, vous retrouvez cette vieille tradition des châtelaines de Montsalvy qui, aux jours de guerre et de danger, s'en allaient au Puy implorer l'aide divine et offrir leurs plus beaux joyaux. Allez, ma fille, vous pensez en vraie Montsalvy.

Catherine ne répondit pas. Entre Isabelle et elle, il n'était plus besoin de mots. Le silence leur suffisait tellement ; désormais, elles savaient se comprendre. D'ailleurs, à cet instant même, l'abbé Bernard entrait chez la malade pour la visite que, chaque soir, il avait pris l'habitude de lui faire. Et Catherine ; après avoir baisé son a

— Dame Catherine, dit-il, le vieux Saturnin vous prie de daigner vous rendre jusque chez lui. Il dit qu'il s'agit d'une chose importante.





En tant que bailli de Montsalvy, Saturnin était chargé de recruter des travailleurs pour la reconstruction du château. Pensant qu'il s'agissait de régler quelque problème d'embauche ou de paiement, Catherine jugea inutile de prévenir Sara de son absence.

— C'est bien, j'y vais, répondit-elle. Merci, Frère Eusèbe.

S'assurant, d'un coup d'œil rapide au petit miroir de sa chambre, que sa robe de futaine bleue était nette et sa haute coiffe de lin bien blanche, Catherine sortit du couvent et se dirigea vers la maison de Saturnin qui se trouvait dans la Grand'Rue, à quelques pas. Les paysans rentraient des champs en cette fin de journée, car on était en pleine moisson. Pour la première fois depuis des a

Dans la rue, Catherine rencontra ses paysans en groupes joyeux, les visages cuits par le soleil sous les chapeaux de paille rejetés en arrière, les blouses ouvrant largement sur les poitrines suantes. Les femmes avaient retroussé leurs robes dans leurs ceintures et allaient, jambes nues, le râteau à faner ou la fourche sur l'épaule. Tous saluaient Catherine d'un sourire, d'un envol du chapeau ou d'une courte révérence et d'un joyeux « Le bonsoir, not'dame » qui lui faisaient chaud au cœur. Ces braves gens l'avaient adoptée spontanément, à cause de la souffrance partagée avec eux, à cause du souvenir d'Arnaud... Elle était vraiment chez elle à Montsalvy.

La maison du bailli Saturnin et de Donatie

Le souci plissait toutes les rides de son visage. Tellement que le menton légèrement en galoche rejoignait presque le long nez en lame de couteau. Il salua Catherine avec respect et lui tendit la main pour l'aider à entrer dans la maison.

— Il y a là un berger, dame Catherine... Il est arrivé tout à l'heure de Vieillerie, un village à quatre lieues d'ici, dans la vallée du Lot, et il a d'étranges choses à dire. C'est pourquoi j'ai préféré ne pas le conduire à l'abbaye et je vous ai fait prier, en m'excusant de l'audace, de venir jusqu'ici.

— Vous avez bien fait, Saturnin, se hâta de répondre Catherine dont le souffle s'était fait un peu plus court quand il avait parlé de la vallée du Lot. Qu'a-t-il de si étrange à dire ?

— Vous allez le savoir. Entrez plutôt.

Dans la cuisine où les étains, sur le manteau de la cheminée, brillaient comme de l'argent, où la pierre du sol était si blanche qu'elle semblait de velours, un jeune garçon, vêtu d'une casaque en peau de mouton, sur des vêtements de toile grossière, était assis sur un banc, près de la table de châtaignier noir. Il mangeait du pain et du fromage que Saturnin avait dû lui servir, mais il se leva, poliment, en voyant entrer Catherine, salua avec gaucherie, puis se tint debout, attendant qu'on lui parlât.

— Ce garçon, dit Saturnin, est l'un des bergers du seigneur de Vieillevie. Quant à toi, mon ami, tu es devant la dame de Montsalvy.

Dis-lui ce que tu as vu, dimanche matin.

Le berger rougit un peu, gêné sans doute par la présence de cette grande dame, et sa voix, d'abord, fut à peine audible, mais, aux premiers mots prononcés, Catherine sentit s'éveiller en elle un intérêt passio

— Dimanche matin, je gardais mes moutons sur le plateau plus haut que la Garrigue...

— Parle plus fort, intima Saturnin. On entend mal.

Le garçon se racla la gorge et enfla la voix :

J'ai vu deux cavaliers qui semblaient venir de Montsalvy, le premier, grand et de belle stature, était tout vêtu de noir, il portait même un masque noir, mais il montait une belle jument blanche comme la neige...

— Morgane, murmura Catherine captivée. Morgane et...