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— Et Sara ? Est-elle ici ?

Il la regarda avec des yeux surpris.

— Pourquoi serait-elle ici ? Elle ne vous quittait jamais...

— Elle m'a quittée cependant, fit Catherine sombrement. Elle m'a dit qu'elle revenait à Montsalvy. Je ne sais rien de plus, sinon que je ne l'ai point rencontrée sur la route.

Gauthier ne répondit pas tout de suite. Ses yeux gris s'attachèrent un instant à ceux de Catherine, scrutateurs. Il haussa ses larges épaules, marmotta avec une ironie amère :

— Elle aussi, dame Catherine ! Comment avez-vous pu nous faire tout ce mal ?

Exaspérée, elle cria presque :

— Mais quel mal ? Qu'ai-je fait pour mériter votre réprobation à tous ? De quoi m'accusez-vous ?

— De nous avoir envoyé cet homme ! fit Gauthier durement. Vous pouviez vous do

— Il n'est pas mon amant, protesta furieusement Catherine.

— De votre futur époux, alors. C'est la même chose.

Des deux mains, Catherine s'accrocha à la lourde

patte du Normand. Un besoin impérieux de se justifier lui montait aux lèvres. Elle ne pouvait pas endurer de demeurer plus longtemps sous le coup de cette accusation.

— Écoute-moi, Gauthier. Me croiras-tu si je t'affirme que non seulement il ne le sera pas, mais que, selon toute vraisemblance, je ne le reverrai jamais ?

Le géant ne répondit pas tout de suite, il semblait chercher une réponse dans les yeux de Catherine. Mais peu à peu quelque chose s'amollit dans son visage. Spontanément, il empriso

Oui, fit-il avec une chaleur nouvelle, je vous croirai. Et avec quel bonheur ! Venez, maintenant, venez vite lui dire que ce n'est pas vrai, que vous n'avez jamais songé à remplacer messire Arnaud. Elle en a tant souffert !

Tristan l'Hermite, les yeux ronds, regardait. Visiblement il ne comprenait rien à ce qui se passait devant lui. Que Catherine, une grande dame, condescendît à se justifier aux yeux de ce rustre, voilà qui dépassait son entendement. Catherine s'en aperçut, lui adressa l'ombre d'un sourire puis brièvement :

— Vous ne pouvez pas comprendre, ami Tristan. Je vous expliquerai.

Il salua, sans répondre, et, devinant qu'il serait sans doute de trop dans ce qui allait suivre, demanda que l'on voulût bien le conduire à un endroit où il pourrait faire reposer ses hommes et se reposer lui-même. Gauthier montra un gros moine ensommeillé, qui bâillait à se décrocher la mâchoire à quelques pas derrière eux.

— Voilà le Frère Eusèbe, le portier, qui va s'occuper de vous. Les bêtes iront à l'écurie, les hommes trouveront de la paille dans une grange et vous aurez une cellule.

De nouveau Tristan s'inclina devant Catherine puis suivit le frère Eusèbe, ses hommes sur les talons. La jeune femme franchit, non sans émotion, le seuil de cette maison des hôtes qu'elle avait quittée, tant de mois auparavant, avec Arnaud et Cadet Bernard, pour gagner Carlat et ce qu'elle pensait être le bonheur. Mais elle chassa, de toutes ses forces, les images déprimantes. Pour ce qui l'attendait ici, elle avait besoin de tout son courage.

Dans le petit vestibule aux voûtes basses, elle regarda Gauthier.

— Mon fils ?

— Il dort, à cette heure.

— Laisse-moi le voir. II y a si longtemps...

Gauthier eut un bref sourire, et prit Catherine par la main.





— Venez. Cela vous do

Il la conduisit dans une petite pièce obscure dont une porte ouverte do

— Voilà trois nuits qu'elle veille notre dame. D'habitude elle dort auprès du petit seigneur. Elle s'est endormie.

Tout en parlant, il prenait une chandelle sur un coffre et, doucement, allait l'allumer à la torche qui brûlait au-dehors près de la porte. Puis il revint se placer à la tête du lit où dormait le petit Michel, levant la flamme tremblante au-dessus de la tête de l'enfant. Catherine, émerveillée, se laissa tomber à genoux, joignit les mains comme devant le tabernacle.

— Mon Dieu ! balbutia-t-elle... Comme il est beau ! Et... comme il lui ressemble déjà, ajouta-t-elle d'une voix enrouée.

C'était vrai. Sous la forêt drue de ses boucles dorées en désordre, le petit Michel avait déjà le profil net de son père. Ses joues, rondes et roses, où de grands cils courbes mettaient une ombre tendre, étaient toute douceur enfantine, mais le petit nez avait de la fierté et un pli volontaire marquait la bouche bien close.

Le cœur de Catherine fondait de tendresse, mais elle n'osait pas se pencher sur le petit. Il avait l'air d'un angelot endormi et elle craignait que le moindre mouvement ne l'éveillât.

Gauthier, qui regardait lui aussi l'enfant avec une sorte d'orgueil, s'en aperçut.

— Vous pouvez l'embrasser, dit-il en souriant. Quand il dort la foudre peut tomber, il ne bronche même pas.

Alors, elle se pencha et, avec adoration, colla ses lèvres au petit front un peu moite. En effet, Michel ne s'éveilla pas, mais un sourire détendit sa petite bouche serrée.

— Mon petit, chuchota Catherine étranglée d'amour... mon tout petit !

Elle serait bien restée là toute la nuit, agenouillée auprès de son fils, à le regarder dormir, mais, dans la chambre voisine, un râle s'éleva. Donatie

— Dame Isabelle a dû s'éveiller, souffla Gauthier.

— J'y vais, dit Catherine.

Maintenant, un tragique bruit de respiration parvenait jusqu'à elle, entrecoupée d'une toux sèche et de rauques sifflements.

Elle courut vivement dans la chambre, à peine plus grande qu'une cellule monacale, à peine moins nue. Sur le lit étroit qui occupait un coin, Isabelle de Montsalvy était étendue très amaigrie. Donatie

Mais la vieille femme étouffait, incapable d'avaler même une goutte. Catherine, le cœur serré, se pencha sur le visage empourpré.

Comme elle avait vieilli, comme elle s'était amenuisée depuis son départ et comme, maintenant, elle semblait frêle ! Son corps paraissait vidé de toute substance et, dans le visage où tout le sang avait reflué, on ne voyait plus que la bouche desséchée qui cherchait l'air et les yeux devenus trop grands.

Donatie

— Dame Catherine, balbutia-t-elle. Dieu soit loué ! Vous arrivez à temps.

Vivement, Catherine posa un doigt sur ses lèvres pour recommander le silence à la vieille femme, mais celle-ci secoua la tête tristement.

Oh ! nous pouvons parler. Elle n'entend pas. La fièvre est si forte que lorsqu'elle parle, c'est pour délirer.

En effet, quelques mots sans suite s'échappèrent des lèvres parcheminées de la malade, mais, parmi eux, Catherine, bouleversée, distingua son nom et celui d'Arnaud... La quinte de toux qui avait secoué si brutalement le vieux corps exténué se calmait peu à peu. Le visage d'Isabelle reprenait graduellement une couleur moins violente, mais la respiration demeurait forte et rauque. L'expression des yeux était celle de la supplication. Dans son délire, Isabelle semblait souffrir affreusement et Catherine sentit qu'elle était la cause de cette souffrance.

Doucement, elle prit la main brûlante qui se crispait sur le drap rude, y posa ses lèvres puis l'appuya contre sa joue comme, si souvent, elle l'avait fait naguère.