Добавить в цитаты Настройки чтения

Страница 88 из 100

Le petit matin vint comme un voleur, insinuant ses mains grises à travers les planches mal jointes de la grange.

Catherine se redressa sur la paille où elle avait dormi quelques heures comme une bête harassée. Tout son corps lui faisait mal et la peau de son visage, où les larmes avaient séché, la tirait. Elle se sentait faible et vulnérable mais c'était seulement son corps qui avait souffert car son âme, soulevée hors de ses limites rassurantes par l'effroi de ces dernières heures et par l'immense déception qu'elle venait de subir, était déjà prête pour de nouveaux combats.

Dût-elle en mourir, elle ne céderait pas aux exigences et aux soupçons injustes d'un homme qu'elle avait aimé au-delà du possible et en qui, à cette heure, elle découvrait un tyran, une brute capable de do

La lumière s'accentua et, dans le fond de la grange, elle distingua les corps de Gauthier et de Bérenger qui dormaient peloto

Au-dehors, la corne d'un guetteur mugit. Il devait encore pleuvoir car des filets d'eau serpentaient sous les planches de la grange, avec le clapotis d'une gouttière qui se déversait.

Catherine se leva, secoua de son mieux ses vêtements, alla tremper son mouchoir dans une flaque en prenant soin de ne pas racler le fond boueux et se le passa sur la figure. Puis elle arrangea ses cheveux, les tressa de son mieux et fourra le tout sous le camail de soie.

Elle avait soif et faim, mais l'impression d'abandon était pire que tout.

Elle se sentait seule, malgré ces deux garçons qui dormaient là, seule alors que son époux, l'homme qui lui avait juré protection, amour et fidélité, se trouvait à quelques pas d'elle. Mais un abîme les séparait désormais, un gouffre qu'elle osait à peine regarder parce que sa profondeur lui do

On marchait au-dehors. Le bruit de souliers ferrés se faisait entendre, raclant la terre. Puis il y eut des appels, des rires et le he

— Ah ! vous êtes réveillée ! fit le premier en lui tendant une cruche et un morceau de pain, tandis que son compagnon allait secouer les garçons avec des rations analogues.

— Tenez, buvez ça ! Quant au pain, fourrez-le dans votre poche et suivez-moi. Vous mangerez en route !

Elle prit le pain, but un grand coup de l'eau qui était fraîche et d'un goût agréable. Puis jetant un coup d'œil à ses jeunes compagnons qui titubaient sur leurs jambes, les yeux encore gros de sommeil, elle dit, s'adressant à l'écorcheur :

— Où allons-nous ? Où est... le Capitaine ?

— Il attend au-dehors ! Alors dépêchez-vous car il n'est pas patient

! — Je sais ! Mais vous ne m'avez pas répondu : où allons-nous ?

— On rentre ! Je veux dire : on retourne à Châteauvillain. On n'est venu ici que pour fourrager ! Le Damoiseau nous attend !

Bérenger s'approcha, mordant déjà dans son pain, un espoir au fond des yeux.

— À Châteauvillain ? Messire Arnaud veut bien que nous y allions

? — Il n'a pas le choix ! répondit Catherine sèchement. Il obéit. Ça lui arrive, à ce que l'on dirait...





Il y avait un monde de dédain, de colère et d'humiliation dans ces quelques mots. Ramassant son manteau de cheval, elle le jeta sur ses épaules.

— Je suis prête ! fit-elle.

— Alors, venez ! Vos chevaux sont devant la porte.

On quitta la grange. La pluie, en effet, tombait toujours. Dans l'unique rue du village, ou dans ce qu'il en restait, la longue file de la compagnie d'écorcheurs s'étirait comme un serpent aux écailles de fer encore assoupi. Ils attendaient...

Le Boiteux offrit sa main, gauchement, pour aider Catherine à se mettre en selle, mais elle dédaigna son aide. Posant légèrement le bout de sa botte sur l'étrier, elle s'enleva avec souplesse. Elle saisit les rênes d'une main ferme, se tourna vers Gauthier et Bérenger, pour voir où ils en étaient. Mais eux aussi attendaient déjà, immobiles sur leurs montures, les yeux curieusement vides.

— Je vous suis ! Marchez ! dit Catherine au Boiteux.

Ils remontèrent la colo

Tout au bout, prêt à prendre la tête de la colo

Lorsque Catherine arriva à sa hauteur, ils échangèrent un regard, mais aucune parole. Ce regard avait cependant permis à la jeune femme de constater que son époux était blême, avec de grands cernes noirs autour des yeux... mais qu'il s'était rasé. Peut-être avec des moyens de fortune car des estafilades encore saignantes marquaient ses joues.

On se mit en marche vers le nord-ouest par un chemin étroit où l'orage avait creusé des fondrières. Sous le ciel gris, la campagne dégouttait d'eau. Pourtant, elle paraissait morte. Nulle part ne se voyait, filant d'une cheminée, la mince colo

Repus et encore ivres de la tuerie de la veille, les Écorcheurs traînaient la patte.

On chevaucha longtemps et en silence. À cause du bétail qui ne pouvait galoper, on allait au pas. Le temps était lourd, tiède et moite...

On y respirait mal, car le grand vent de cette nuit était tombé. C'était comme si on avait cheminé à travers une éponge gorgée d'eau.

Bientôt, on plongea dans la forêt et l'atmosphère se fit plus pesante encore.

Catherine se sentait le corps las et l'âme malade. Elle regardait le chemin, droit devant elle, sans jamais tourner les yeux vers Arnaud.

Parfois, en baissant les paupières, elle apercevait son genou et sa cuisse habillés de fer, mais ils étaient aussi rigides, aussi vides en apparence que les armures dans la salle d'armes de Montsalvy...

C'était comme un mauvais rêve qui lui collait à la peau et dont elle ne parvenait pas à se démêler...

L'homme qui l'escortait comme une ombre pouvait-il vraiment être le même que celui dont, depuis si longtemps, elle avait fait son unique raison de vivre ? Était-ce le même qui l'avait tenue dans ses bras, qui avait déliré d'amour contre son corps, qui lui avait do

Il était là, tout près, et cependant bien plus séparé d'elle que lorsqu'une longue distance et les murs de la Bastille se dressaient entre eux car, alors, Catherine était en droit de croire que leurs cœurs battaient à l'unisson. Que s'était-il donc passé ? Il y avait là une énigme que son esprit, fatigué du voyage, ne parvenait pas à résoudre.