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Juliette Benzoni

Piège pour Catherine

Penchée sur la crinière de sa monture, la peur aux trousses, Catherine de Montsalvy fuyait vers sa cité, bénissant le ciel qui lui avait fait préférer à son élégante mais fragile haquenée de parade cet étalon à peine dégrossi, dont la vigueur semblait n'avoir point de limites et qui lui do

Malgré la pente du chemin mal tracé au flanc du plateau, Mansour volait littéralement, sa longue queue blanche étalée dans l'air comme celle d'une comète. Dans ce crépuscule sinistre qui se rayait vers l'occident de longues traînées sanglantes, la robe claire du cheval devait être visible d'une lieue, mais Catherine savait bien qu'elle avait été reco

Derrière elle, tout proche, elle pouvait entendre le galop plus lourd de Mâchefer, le cheval de son intendant, Josse Rallard, qui la suivait toujours dans ses tournées sur ses terres ; mais, plus loin, dans les profondeurs obscures de la vallée fourrée de châtaigniers, un autre galop réso

Sur le haut plateau de la Châtaigneraie, au sud d'Aurillac, ce mois de mars frileux de l'an 1436 n'en avait pas encore fini avec la neige.

Elle apparaissait de loin en loin, tachant la terre brune de plaques blêmes que le vent du nord gelait et changeait en verglas. La cavalière les évitait de son mieux, craignant, chaque fois que c'était impossible, de voir Mansour glisser et s'abattre, car, alors, plus rien ne pourrait la sauver...

Tout en galopant, elle se retournait parfois pour guetter, dans la vallée, le mouto

— Plus la peine de vous retourner, Dame Catherine ! On les gagne, on les gagne !... Tenez ! Voilà les murailles ! On sera à Montsalvy bien avant eux !

C'était vrai. Sur le rebord du plateau où ils posaient une barbare couro

A la seule idée de ce que cela pourrait être, le cœur de Catherine manqua un battement et se serra. Elle avait vu la guerre trop souvent et de trop près pour garder la moindre illusion sur ce que pouvaient devenir, dans une ville conquise, les femmes et les enfants quand une horde de soudards assoiffés d'or, de vin, de sang et de viol déferlait sur eux en lâchant la bonde à leurs pires instincts. Et c'était bien plus de crainte de ne pas arriver à temps pour protéger ses enfants et ses gens que de son propre péril que tremblait la dame de Montsalvy en pressant les flancs de son cheval.

De même que celui qui va mourir revoit en un instant tous les moments de sa vie, Catherine crut les voir soudain surgir devant elle dans la boue du chemin : son petit Michel de quatre ans avec ses joues rondes et sa tignasse dorée toujours en broussaille ; Isabelle, son bébé de dix mois qui, bien plus qu'elle-même, régnait minuscule tyran, sur le château, le bourg et même l'abbaye. Elle vit aussi Sara la Noire, sa vieille Sara qui avait toujours veillé sur elle depuis que, fillette, dans Paris révolté, elle avait trouvé refuge à la Cour des Miracles, Sara qui maintenant, à cinquante-trois ans, gouvernait les enfants et la maiso





Catherine et Josse couraient maintenant sur l'aplomb du plateau. Une déclivité légère menait droit à la porte nord de la bourgade, la porte d'Aurillac, que précédaient les quelques téméraires maisons d'un petit faubourg, le « barri » Saint-Antoine, et les chevaux, délivrés de la rude montée, allongèrent leur galop. Tout en courant, Josse prit à sa ceinture la corne de vache cerclée d'argent qui ne le quittait jamais et se mit à lancer dans le soir de longs mugissements destinés à avertir les guetteurs sur le rempart qu'un danger approchait.

Presque simultanément, les deux cavaliers s'engouffrèrent sous la voûte basse avec tant d'impétuosité qu'ils ne purent éviter le meunier et son âne. Le gros Félicien et son grison allèrent s'affaler, les quatre fers en l'air, dans le tas de bouses de vache séchées dont le corps de garde se servait comme combustible.

La porte franchie, Catherine retint à pleins poings sa monture qui se cabra.

— Les routiers ! hurla-t-elle quand son écuyer eut cessé de souffler dans sa trompe. Ils nous suivent ! Rappelez ceux des faubourgs !

Relevez le pont ! Baissez la herse ! Je vais au monastère et à la porte d'Entraygues.

Déjà Josse était à bas de son cheval pour prêter main- forte aux habitants qui couraient vers les murailles avec des pierres et des douves de to

— Ça fait des mois que je dis qu'il faudrait la graisser, roncho

Cependant, sans plus s'occuper d'eux, Catherine lançant toujours ses cris d'alarme, avait repris le galop au long de la grand-rue pour gagner le monastère. Sous les sabots furieux de son cheval, la boue jaillissait de toute part et les gorets et la volaille fuyaient dans tous les sens.

A tout hasard, Pastouret, l'aubergiste du « Grand Saint-Géraud », se hâta de clore ses volets et de fermer boutique, renvoyant à leurs affaires les deux ou trois buveurs qu'elle contenait.

À peu près hors d'haleine, Catherine franchit le porche roman du monastère et tomba plus qu'elle ne mit pied à terre devant l'abbé qui, les manches retroussées, taillait ses rosiers et fumait ses plantes médicinales dans le petit jardin du monastère. II leva vers elle un maigre et jeune visage d'ascète heureux où brillaient des yeux qui avaient toujours l'air de voir plus loin et plus haut que les autres.

— Vous arrivez comme la tempête, au milieu du bruit et de la fureur, ma fille ! Que vous arrive-t-il ?

Catherine jugea superflues les formules de politesse :

— Faites so

Il faut mettre Montsalvy en défense...

Bernard de Calmont d'Olt leva sur la châtelaine un regard sincèrement surpris.