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— Des routiers ? Mais... nous n'en avons pas ! Où prenez-vous ceux-là ?
— Dans le Gévaudan ! Ce sont les Apchier, Votre Révérence. J'ai reco
Dom Bernard n'était pas un homme à qui il fallait de longues explications. Glissant sa serpette dans la corde qui ceinturait sa robe noire, il prit la course vers l'église en criant à Catherine :
— Rentrez au château et occupez-vous de la porte sud ! Je me charge du reste.
Un instant plus tard, la voix de bronze de la Géraude, la grosse cloche du monastère, fracassait le crépuscule, égrenant dans l'aigre vent soufflé par les vieux volcans glacés, les notes éperdues de l'antique alarme, toujours redoutée, jamais oubliée, qui présageait le malheur et les larmes. Et Catherine, tout en reprenant le chemin bien court qui allait du monastère au château et à la porte de la vallée, sentit son cœur se serrer en comptant les battements de la messagère.
Comme Jeha
— Arnaud ! murmura-t-elle à lèvres closes, pourquoi faut-il que je sois seule ? Le démon de la guerre t'a repris et, maintenant, c'est à moi qu'il va faire payer tribut...
Dans un instant, du creux noir des vallées, dans l'ombre des rochers et des châtaigniers, des groupes de paysans apeurés monteraient, presque à tâtons, guidés par la seule Géraude vers les murailles protectrices, poussant leurs chèvres et leurs moutons, trimbalant leurs quelques biens dans des ballots, chargés de paniers d'osier où s'entasseraient la volaille et le grain, les femmes portant leurs nourrissons, traînant à leurs jupes les marmots assez grands pour marcher. Ils arriveraient tous par la porte d'Entraygues, ceux du nord contournant déjà la cité par des sentiers à peine tracés, pour échapper aux routiers que leur sûr instinct montagnard leur aurait fait flairer de loin. Il faudrait les loger, les réconforter, les rassurer. Déjà, ils étaient en chemin sans doute, pour profiter de la dernière lueur du jour et, pour les faire entrer, il fallait poster le plus gros des quelques soldats demeurés à Montsalvy...
Malgré ses forces militaires réduites, Catherine n'était pas vraiment inquiète pour sa ville. Les gens de Montsalvy savaient la défendre et, dans un combat, les saints moines de Bernard de Calmont valaient de vieux guerriers blanchis sous le harnois. Mais s'il fallait soutenir un siège, si les routiers s'installaient? Le rude hiver montagnard s'achevait, et les provisions, elles aussi, s'épuisaient et il allait y avoir tant de bouches à nourrir !
Un instant, Catherine demeura près de la porte de la vallée demeurée ouverte pour accueillir les fugitifs. On la fermerait seulement quand ce serait indispensable. Les ombres y étaient noires, profondes, mais, au-delà de l'ogive de pierre où s'amorçait la herse, la campagne gardait un reste de faible lumière avant de plonger dans l'obscurité de la vallée du Lot.
Une torche s'alluma sous la voûte épaisse, s'accrocha au mur et sa flamme se refléta sur les chapeaux de fer des archers que Nicolas Barrai, le sergent, y groupait pour l'aider à reco
Apercevant la châtelaine, il porta la main à son casque et, sous la grande moustache noire qui lui do
Quand j'ai entendu le tocsin, j'ai compris ! Il y a trois guetteurs sur le rempart au-dessus, qui surveillent la route d'Entraygues et les sentiers.
Vous pouvez vous occuper du château, Dame Catherine...
J'y vais, Nicolas. Mais essayez d'accueillir le plus de réfugiés possible avant de lever le pont. Ceux qui ne pourront entrer seront sacrifiés, j'en ai peur !
Qui nous attaque ?
Les Apchier. Ils ne font pas de quartier d'après ce que j'ai vu vers Pons.
Le sergent haussa ses épaules dont les plaques de fer s'entrechoquèrent et frotta son nez à sa manche de cuir.
Ils n'en font jamais ! C'est la fin de l'hiver et les loups du Gévaudan sont à jeun depuis longtemps sans doute. J'avais entendu dire qu'ils avaient pris la campagne vers Nasbinals et même qu'ils avaient quelque peu molesté les moines de l'Aubrac. Mais je ne pensais pas qu'ils viendraient jusqu'ici ! Ils n'y sont jamais venus.
Si, rectifia Catherine amèrement. Us y sont venus à l'automne passé.
Bérault d'Apchier était au baptême de ma fille Isabelle.
Drôle de façon de reco
Ils l'ont appris, Nicolas, et je sais par qui. À Pons, j'ai vu un homme allumer un fagot sous les jambes d'une femme pendue à un arbre par les cheveux. C'était Gervais Malfrat !
Le sergent cracha presque sur ses pieds et s'essuya la bouche derechef.
Ce failli fils de pute ! Vous auriez dû le pendre, Dame Catherine.
Messire Arnaud, lui, n'aurait pas hésité.
Catherine ne répondit pas et, sur un geste d'adieu, dirigea son cheval vers l'enceinte de son château. Il y avait bientôt deux mois qu'Arnaud était parti, au fort de l'hiver, alors que la neige enveloppait toutes choses et rendait les chemins difficiles, emmenant ses lances, la meilleure noblesse du comté et les plus jeunes de ses soldats, ceux qui brûlaient de se distinguer au combat. En vue de la campagne de printemps, le co
Pourtant, au soir triomphal qui avait marqué la grande fête d'automne et le baptême d'Isabelle, Arnaud avait promis à sa femme qu'ils ne se quitteraient plus jamais, qu'elle pourrait le suivre quand il repartirait en guerre. Mais, deux mois plus tôt, Catherine avait pris froid. Elle était toute dolente, incapable en tout cas d'une longue chevauchée par un temps aussi rude. Et la dame de Montsalvy avait eu l'impression bizarre que son seigneur était assez satisfait d'une circonstance qui le dispensait de tenir une promesse, visiblement parvenue dans son esprit à l'état d'enfantillage.
— De toute façon, lui avait-il dit en manière de consolation tandis que, les yeux pleins de larmes, elle le regardait essayer son armure, il ne t'aurait pas été possible de me suivre. Les combats vont être rudes.
L'Anglais s'accroche au sol de France comme un sanglier forcé à sa bauge. Et il y a les enfants, le fief, tous nos gens. Ils ont besoin de leur châtelaine, ma mie.
— N'ont-ils donc pas besoin aussi de leur seigneur ? Il leur a manqué si longtemps.
Le dur et beau visage d'Arnaud de Montsalvy s'était fermé. Un pli de contrariété avait rapproché ses noirs sourcils.
— Us auraient besoin de moi si quelque danger sérieux les menaçait. Mais, grâce à Dieu, il n'y a plus d'e