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— Au fait, quoi ?

— Voudrais-tu me faire la grâce de me dire ce que tu fais par ici ?

Où vas-tu ?

La voix d'Arnaud s'était chargée d'une inquiétante douceur, mais Catherine n'y prit pas garde.

— Je te l'ai dit : au chevet de ma mère mourante !

— À... Dijon, alors ?

— Mais non. Elle n'y est pas ! Mon oncle a pris pour femme une gourgandine et ma mère a été obligée de quitter la maison.

Ermengarde lui a offert l'hospitalité. Je croyais, d'ailleurs, te l'avoir dit

: elle est à Châteauvillain !

— À Châteauvillain ? Vraiment ?... Eh bien, vois-tu, ma chère, je l'aurais juré !

Les yeux rétrécis, il avait l'air de la guetter comme un chat en face de la souris qu'il va croquer. Dans son visage mal rasé, sa bouche avait un sourire à babines retroussées qui lui do

N'y comprenant rien, Catherine le regarda avec stupeur :

— Tu l'aurais juré ?...

Brusquement, il se détendit comme un ressort, bondit sur elle et la saisit à la gorge.

— Oui, je l'aurais juré ! Et je sais maintenant que tu n'es qu'une garce ! Et la pire de toutes. Tu crois que je ne sais pas qui t'attend à Châteauvillain, qui tu vas rejoindre ? Hein ?...

— Lâche-moi ! hoqueta la jeune femme à demi étranglée. Tu... me fais mal ! J'étouffe...

— Tu ne m'auras pas, cette fois, maudite femelle ! Quand je pense que j'ai failli me laisser prendre à tes raisons, à tes larmes, quand je pense que je me faisais des reproches... que j'avais honte, oui, honte.

Et, pendant ce temps, tu pérorais, tu m'accablais de ton mépris avec, derrière ton sale petit front têtu, l'idée de me berner pour pouvoir rejoindre ton amant!...

— Mon a...mant ? râla Catherine, mais... quel...

— Le seul, le vrai, l'unique : le duc Philippe que l'on a vu arriver en cachette avec une petite escorte, voici cinq jours, chez cette maquerelle d'Ermengarde que le Diable crève ! Hein ? Qu'est-ce que lu dis de ça ?... Moi aussi je sais des choses, tu vois ?

Inerte, à demi inconsciente et cherchant désespérément l'air qui lui échappait, Catherine s'abando

— Je dis que vous avez menti, messire Arnaud, que le duc de Bourgogne n'est point ici... et que vous êtes en train d'étrangler votre bo

Les mains d'Arnaud s'ouvrirent machinalement, lâchant Catherine qui glissa sur la terre humide. Se retournant, il regarda le groupe qui venait d'apparaître à la porte de la grange : Bérenger et un garçon roux, ficelés et trempés comme des soupes, que quatre de ses hommes maintenaient entre eux.

C'était le page qui avait parlé, poussé par une indignation plus forte que la terreur que, toujours, son seigneur lui avait inspirée.

Arnaud croisa les bras et considéra le groupe avec un éto

— Le petit Roquemaurel ! Mais qu'est-ce que tu fais là, morveux ?

L'adolescent redressa la tête et, fièrement, déclara :

— Quand vous êtes parti, seigneur comte, j'étais déjà le page de Dame Catherine. Je le suis toujours et je l'ai suivie partout où elle a été, pour l'aider et la servir de mon mieux ! Mais vous, messire... êtes-vous toujours celui qu'elle aimait tant ?

Sous le regard clair de l'enfant, Arnaud rougit et détourna les yeux.

Ce gamin avait le pouvoir de le mettre mal à l'aise et le reproche, la déception, qu'il pouvait lire aisément sur cette jeune figure fatiguée le gênaient.

— Mêle-toi de ce qui te regarde ! grogna-t-il. Les affaires des grandes perso

L'étudiant se redressa et, un pli dédaigneux à la bouche, il lança, défiant le capitaine du regard :





— Gauthier de Chazay, écuyer au service de Madame la comtesse de Montsalvy, que Dieu veuille garder de tout mal et délivrer des lâches qui osent la maltraiter !

La main d'Arnaud s'abattit sur la joue du jeune homme qui vacilla sous le choc.

— Tiens ta langue, si tu veux vivre, mon garçon. Si tu es à son service, tu es d'abord au mien. Je suis le comte de Montsalvy et j'ai le droit de battre ma femme.

— Vous... son époux ?

Incrédule, il se tournait vers Bérenger qui maintenant pleurait de chagrin, de rage et d'impuissance en constatant que Catherine ne se relevait pas. Le page eut un sanglot désespéré.

C'est vrai... C'est malheureusement vrai. Et maintenant... il l'a tuée !

Ma pauvre maîtresse... si bo

— En voilà assez, hurla Arnaud qui, cependant, venait de s'agenouiller auprès de sa femme et l'examinait avec plus d'inquiétude qu'il ne voulait en montrer. Elle n'est pas morte. Elle respire encore...

Apportez-moi de l'eau !

— Déliez-moi ! fit Gauthier. Je la ranimerai.

Du geste, Montsalvy ordo

— Il était temps ! Une seconde de plus et elle expirait.

Il touchait doucement les chairs meurtries, s'assurait d'une main légère que, dans ce cou mince, rien n'était brisé. Puis, fouillant l'aumônière de Catherine, il en tira le petit flacon de cristal qu'il déboucha.

Arnaud le regardait faire avec intérêt :

— Tu fais un drôle d'écuyer ! Tu es médecin, l'ami ?

— J'étais étudiant quand Dame Catherine m'a tiré d'un mauvais pas et pris à son service. La médecine m'intéressait plus que le reste, ce qui ne veut pas dire qu'elle me passio

Catherine, en effet, ouvrait les yeux. La vue de la figure sombre de son mari, penchée sur elle, lui arracha un gémissement effrayé et un mouvement de recul. Tout de suite, il fut debout et la colère, la rancune se marquèrent de nouveau sur son visage.

Mais la jeune femme, elle aussi, se redressait et la conscience de sa volonté lui revint en même temps que ses forces.

— Ma mère se meurt, articula-t-elle non sans peine, je dois aller à Châteauvillain.

Elle avait une bizarre voix enrouée, pénible, qui ne réso

Arnaud serra les poings.

Non. Tu n'iras pas retrouver le duc Philippe ! Je saurai t'en empêcher !

La Châteauvillain t'a tendu un piège... en admettant que tu ne sois pas d'accord avec elle...

— Le duc... n'est pas là ! Je le sais ! Il est à Saint- Omer où-le Co

— Mensonge ! Il est là. On l'a vu...

— On s'est trompé ! Il s'apprête à assiéger Calais. Que ferait-il par ici ?

— Il t'attend ! La Châteauvillain, qui me hait, a dû arranger cela pour rentrer en grâce. Ses affaires vont mal depuis que son fils sert le duc de Bourbon. Et ça lui ressemble tellement !...

Catherine eut une grimace de douleur. Elle s'agrippa aux bras de Gauthier et de Bérenger qui la soutenaient et s'efforça de se relever puis, plantant son regard dans celui de son époux :

— Quoi que tu puisses dire, j'irai, affirma-t-elle et, de nouveau, elle répéta : « Ma mère se meurt ! Souviens-toi de la tie

Incapable de supporter plus longtemps la vue de cette femme défaite, vacillante, qui revendiquait d'une si terrible voix le droit de rejoindre sa mère, de cette femme dont chaque regard était un reproche et une accusation, Arnaud de Montsalvy s'enfuit en courant.

Par la porte grande ouverte de la grange, une bourrasque de vent et de pluie s'engouffra, soulevant les brins de paille qui se mirent à voltiger. Mais l'orage reculait déjà et fuyait par-dessus les toits effondrés et les ruines encore fumantes de ce qui avait été naguère un village...