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Cornisse jeta un coup d'œil sur tout cela, puis interpella le moine-scribe.

— Hé ! le Recteur ! Tu sais où est le Capitaine ?

Sans quitter ses écritures et sans lever les yeux, le scribe indiqua le fond de l'église.

— La maison qui est là, derrière ! C'est celle du bailli. Il y est...

— Bon ! On y va, soupira le routier en tirant sur la corde qui le reliait à Catherine.

Celle-ci plongea dans le regard terne du soudard le sien qui brûlait de fureur et d'indignation.

— Maudits ! Vous serez tous maudits ! Si les hommes ne vous punissent pas, Dieu s'en chargera ! Vous pourrirez dans des prisons ou au bout des potences en attendant de brûler en enfer pour l'éternité.

A la grande stupeur de la jeune femme, l'homme se signa avec une terreur visible puis lui intima, avec humeur, l'ordre de se taire si elle ne voulait pas être bâillo

Haussant les épaules, elle lui tourna le dos avec mépris et sortit de l'église profanée la première et la tête haute. Mais, comme elle mettait le pied hors du portail, un violent éclair illumina tout le village et, d'un seul coup, l'orage creva. Des trombes d'eau s'abattirent avec la violence de cataractes, tombant d'un ciel noir d'où partaient des grondements d'Apocalypse, couchant les flammes, douchant les brasiers qui se mirent à fumer comme des chaudières.

Cornisse regarda Catherine avec épouvante et dirigea vers elle deux doigts en cornes.

Sorcière !... Tu es une sorcière ! Une fille du Diable ! Grande dame ou pas, je vais dire au Capitaine qu'il te fasse brûler !

La jeune femme eut un rire sec.

— Sorcière ? Parce que l'orage éclate ? C'est Dieu qui gronde au-dessus de vos têtes, bandits ! C'est lui qui confirme mes paroles, pas le Diable, votre maître.

Pour toute réponse, il l'entraîna en courant le long des contreforts trapus, à travers les flaques d'eau qui déjà se formaient. La pluie cinglait leurs visages et inondait la poitrine de la jeune femme qui ne s'en défendait pas.

L'un tirant l'autre, ils s'engouffrèrent sous le porche d'une maison d'assez belle apparence dont les fenêtres éclairées étaient même garnies de carreaux. D'affreux hurlements en sortaient.

Laissant les chevaux sous le porche avec leurs charges et leurs gardiens, Cornisse entraîna Catherine vers une porte basse qu'il ouvrit d'un coup de pied.

— Capitaine ! cria-t-il, voilà du gibier que je vous amène...

Mais ses paroles se perdirent dans les cris qui emplissaient la pièce et il s'arrêta au seuil vivement intéressé, tandis que Catherine étouffait un cri d'épouvante. Cette fois, elle devait avoir franchi le seuil de l'enfer !

La pièce où elle se trouvait était une salle de belles dimensions, dont le principal ornement était une large cheminée de pierre surmontée d'une statue de la Vierge, mais c'était de cette cheminée que partaient les hurlements. Un homme barbu, dans la force de l'âge, était lié sur une planche posée sur deux escabeaux et ses jambes disparaissaient jusqu'aux genoux dans les flammes. Convulsé dans ses liens, maintenu par quatre hommes, il ouvrait une bouche énorme d'où s'échappait un interminable cri d'agonie.

Les écorcheurs le retiraient un instant, lui posaient une question, toujours la même :

— Où est le magot ?

Mais il trouvait encore la force de secouer sa tête où roulaient des yeux révulsés, écarlate et suante, avec de grosses veines violettes qui, sur les tempes, semblaient prêtes à éclater. Et le supplice recommençait.

En contrepoint, les cris et les supplications d'une femme se faisaient entendre. Ils venaient du fond de la pièce où se trouvait un grand lit à courtines rouges qui craquait sous les secousses que lui imprimaient deux corps emmêlés. Dans l'ombre des rideaux, Catherine aperçut une jambe et un bras nus, une tête aux longs cheveux clairs qui roulait en tous sens, une femme enfin qui pleurait et gémissait sous le poids de l'homme qui la possédait avec une violence barbare...

De l'homme, on ne voyait pas grand-chose, sinon un grand corps vêtu de mailles d'acier qui ajoutaient une torture à la plainte de la malheureuse.





— Dis-leur, Guillaume !... dis-leur ! gémissait-elle, te laisse pas tuer !

Fascinée, les yeux agrandis d'épouvante, Catherine regardait tour à tour le supplicié et la femme sans réussir à fermer les yeux ou à détourner son regard, parvenue à un tel degré d'horreur que ses réflexes s'en trouvaient anéantis.

Comme du fond d'un cauchemar, elle vit un poing s'abattre sur la bouche de la femme qui, perdant enfin co

Cependant, les cris de l'homme torturé cessèrent d'un seul coup, tandis que sa tête retombait en arrière, inerte. Les routiers le retirèrent du feu.

— Capitaine ! appela l'un d'eux, il est évanoui...

— Ou il est mort ! fit un autre qui venait d'appuyer son oreille sur la poitrine de l'homme. Je n'entends plus rien là-dedans...

Un grognement de colère partit du fond de l'alcôve, tandis qu'une longue forme grise se dressait avec un bruit métallique.

— Bande de maladroits et d'abrutis ! gronda une voix qui fit sursauter Catherine.

Ses prunelles dilatées devinrent immenses. Le capitaine La Foudre sortit de l'ombre en rajustant son baudrier de cuir brodé. Il était tête nue, ses courts cheveux noirs en désordre et son visage basané crispé par la fureur, tandis que, le poing levé, il se ruait sur ses hommes pour les châtier.

— Capitaine ! reprit alors Cornisse après s'être raclé la gorge. Je vous amène un gibier de choix.

Le poing levé se baissa. Sous l'armure d'acier, l'homme haussa les épaules et décocha un coup de pied au corps insensible de l'homme supplicié.

— Jetez-moi cette charogne sur le fumier... s'il en reste ! ordo

Puis, saisissant une chandelle sur la table, il s'approcha du petit groupe resté près de la porte.

— Du gibier de choix ? ricana-t-il. Voyons cela.

Il leva la chandelle. La dame de Montsalvy redressa la tête. Son regard violet, brûlant d'indignation, et le regard noir du capitaine La Foudre, empli d'une immense stupeur, se croisèrent. La chandelle roula sur les dalles.

— Bonsoir, Arnaud ! dit Catherine.

Le déluge ! Elle était au cœur même du déluge universel ! La colère de Dieu s'abattait sur la terre coupable en longues rafales mugissantes qui bombardaient le toit de chaume, brisaient les branches, abattaient les arbres, ravinaient la glèbe nourrie de sang.

Face à face, dans cette grange où il l'avait traînée sans lui laisser le temps d'articuler une parole de plus, Catherine et son époux se regardaient. Ils avaient l'air de prendre la mesure l'un de l'autre comme, avant la bataille, font les e

Sur le visage d'Arnaud, une rage presque démente avait remplacé la stupeur de tout à l'heure. Il avait réalisé que la mince forme noire soudain dressée devant lui comme l'ange du châtiment n'était pas un fantôme inexplicablement surgi des fumées âcres de l'incendie ou des phantasmes d'une nuit démoniaque.

C'était bien une créature vivante, c'était sa femme... C'était Catherine elle-même et tout son être n'était qu'un cri d'indignation. Jamais il n'aurait imaginé, même durant ces interminables heures nocturnes où elle avait impitoyablement chassé son sommeil et hanté ses quelques rêves, jamais il n'aurait imaginé qu'il pouvait la détester à ce point.

Brutalement, comme on rejette un fardeau insupportable, il l'avait envoyée rouler dans un coin de la grange, dont la terre battue se couvrait heureusement à cet endroit d'un peu de paille, mais elle ne s'en écorcha pas moins aux pointes d'une fourche qui dégringola avec elle.

Et, tout de suite, il cracha sur elle sa fureur en un chapelet d'insultes variées mais dont le sens était rigoureusement le même :

— Catin ! Ribaude !... Putain !... Traînée !... Ils t'ont donc chassée