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Jefferson Hope se renversa sur sa chaise et commença son récit. Il parla d’une manière calme et méthodique, comme s’il se fût agi de choses assez ordinaires. Je peux garantir l’exactitude du compte rendu qui suit; je l’ai confronté avec les notes de Lestrade qui avait tout pris en sténo.

«Peu vous importe pourquoi je haïssais ces hommes. Je vous dirai seulement qu’ils étaient coupables du meurtre de deux perso

«La jeune fille était ma fiancée il y a vingt ans. On la maria de force à Drebber; elle en mourut, le cœur brisé. Je fis glisser l’alliance du doigt de la morte, et je me jurai de la mettre sous les yeux de son bourreau au moment de sa mort. Elle lui rappellerait son crime et il saurait pourquoi je le punissais. Je portais l’alliance toujours sur moi. J’ai cherché ce misérable et son complice à travers les deux continents. Enfin, j’ai pu les joindre. Ils avaient cru que je me fatiguerais, mais ils se sont trompés. Si je meurs demain, ce qui est probable, je mourrai content: ma tâche est faite et bien faite. Ils sont morts tous les deux de ma main. Il ne me reste plus rien à espérer, ni à désirer.

«Ils étaient riches et j’étais pauvre: il m’était difficile de les suivre. Quand j’arrivai à Londres, je n’avais plus le sou. Je me mis en quête d’un emploi. Conduire un cheval ou une voiture est pour moi une chose aussi naturelle que de marcher. J’allai donc chez un loueur qui m’employa. Chaque semaine, je devais remettre tant à mon patron. Le surplus était pour moi. C’était peu, mais je m’arrangeais pour joindre les deux bouts. Le plus difficile, c’était de m’orienter. Quel embrouillamini, Londres! J’avais un plan sous la main cependant; quand je sus bien situer les gares et les principaux hôtels, cela commença à marcher. Je mis un certain temps à trouver le domicile de mes deux gentlemen. Je cherchai, cherchai… Ils étaient logés dans une pension à Camberwell, sur l’autre rive. Là, ils étaient à ma merci. J’avais une barbe: ils ne pouvaient pas me reco

«Enfin, un soir que j’allais et venais sur Torquay Terrace – leur rue – je vis un cab s’arrêter à leur porte. On le chargea de bagages; puis Drebber et Stangerson montèrent et la voiture démarra. Je fouettai mon cheval et je les suivis de loin. Peut-être allaient-ils quitter Londres? J’étais inquiet. Ils descendirent à la gare d’Euston. Je confiai mon cheval à un gamin et je les suivis sur le quai. Ils se renseignèrent sur l’heure des trains pour Liverpool. Un train venait justement de partir. Il n’y en aurait pas d’autre avant quelques heures. Stangerson parut très fâché de ce retard et Drebber content. J’étais si près d’eux, parmi la foule, que je pouvais entendre ce qu’ils disaient. Drebber avait une petite besogne à terminer; il demanda à Stangerson de l’attendre: il ne serait pas long. Son compagnon lui rappela qu’ils étaient convenus de ne jamais se séparer. «Il s’agit d’une affaire délicate, dit Drebber, je dois être seul pour la traiter.» La réponse de l’autre m’échappa. Mais Drebber se mit à jurer; entre autres, il rappela à son compagnon qu’il n’était que son employé. Il n’avait pas d’ordre à recevoir de lui, n’est-ce pas? Le secrétaire le laissa partir. Il se contenta de demander qu’il le rejoigne à l'Holiday’s Private Hotel, au cas où il manquerait le dernier train. Drebber répondit qu’il serait à la gare avant onze heures, et il partit.

«Enfin, mon jour était arrivé! Mes e

«Le hasard me servit: quelques jours auparavant, un monsieur qui venait de visiter des appartements dans Brixton Road avait laissé tomber dans ma voiture la clef d’une de ces maisons. Le même soir, on me réclama cette clef. Mais j’avais eu le temps d’en relever l’empreinte et d’en faire exécuter une semblable. Ainsi, je possédais un endroit où agir librement, sans crainte d’être dérangé. Le problème était d’y amener Drebber.



«Sur son chemin, Drebber s’arrêta dans deux tavernes; dans la dernière, il resta plus d’une demi-heure. Quand il en sortit, il titubait; il était à moitié noir. Un fiacre passait. Il lui fit signe. Je le suivis de près: le nez de mon cheval à un mètre du sapin. Nous traversâmes le pont Waterloo et nombre de rues; puis nous nous trouvâmes, à ma grande surprise, devant la pension de Drebber. Je ne pouvais pas m’imaginer pourquoi il retournait sur ses pas. Je stoppai ma voiture à environ cent mètres de là. Il entra dans la maison; sa voiture partit… S’il vous plaît, do

Je lui tendis un verre qu’il vida d’un trait.

«Ça va mieux, dit-il.

«Donc, j’attendis. Un quart d’heure s’écoula. Soudain, un bruit de lutte: on se battait dans la maison. Peu après la porte s’ouvrit brusquement et deux hommes apparurent: Drebber et un jeune que je n’avais jamais vu. Le type tenait Drebber au collet; parvenu aux marches, il lui do

«Chien! s’écria-t-il en brandissant sa ca

«De le savoir enfermé dans mon fiacre, mon cœur se mit à battre avec une telle violence que je craignis que mon anévrisme ne me joue un mauvais tour. Je partis très lentement; je me demandais ce qu’il y avait de mieux à faire. J’aurais pu le conduire dans les champs, et là, dans un chemin désert, avoir avec lui un dernier entretien. J’allais prendre ce parti, mais il résolut tout seul le problème. Son envie de boire l’avait repris. Il me fit arrêter devant un cabaret. Il me dit: «Attendez-moi» et il entra. Il resta là jusqu’à la fermeture. Il en sortit ivre mort: il était à moi!