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CHAPITRE IV
Dès le lendemain, Tarass Boulba se concertait avec le nouveau kochévoï, pour savoir comment l'on pourrait décider les Zaporogues à une résolution. Le kochévoï était un Cosaque fin et rusé qui co
– C'est impossible de violer le serment, c'est impossible.
Et puis, après un court silence, il reprit:
– Oui, c'est possible. Nous ne violerons pas le serment, mais nous inventerons quelque chose. Seulement faites en sorte que le peuple se rassemble, non sur mon ordre, mais par sa propre volonté. Vous savez bien comment vous y prendre; et moi, avec les anciens, nous accourrons aussitôt sur la place comme si nous ne savions rien.
Une heure ne s'était pas passée depuis leur entretien, quand les timbales réso
– Quoi?… Pourquoi?… Qu'a-t-on à battre les timbales?
Perso
– La force cosaque périt à ne rien faire… Il n'y a pas de guerre, pas d'entreprise… Les anciens sont des fainéants; ils ne voient plus, la graisse les aveugle. Non, il n'y a pas de justice au monde.
Les autres Cosaques écoutaient en silence, et ils finirent par répéter eux-mêmes:
– Effectivement, il n'y a pas du tout de justice au monde.
Les anciens paraissaient fort éto
– Me permettez-vous de parler, seigneurs Zaporogues?
– Parle.
– Mon discours, seigneurs, sera fait en considération de ce que la plupart d'entre vous, et vous le savez sans doute mieux que moi, doivent tant d'argent aux juifs des cabarets et à leurs camarades, qu'aucun diable ne fait plus crédit. Puis, ensuite, mon discours sera fait en considération de ce qu'il y a parmi nous beaucoup de jeunes gens qui n'ont jamais vu la guerre de près, tandis qu'un jeune homme, vous le savez vous-mêmes, seigneurs, ne peut exister sans la guerre. Quel Zaporogue est-ce, s'il n'a jamais battu de païen?
– Il parle bien, pensa Boulba.
– Ne croyez pas cependant, seigneurs, que je dise tout cela pour violer la paix. Non, que Dieu m'en garde! je ne dis cela que comme cela. En outre, le temple du Seigneur, chez nous, est dans un tel état que c'est pêcher de dire ce qu'il est. Il y a déjà bien des a
– Que diable embrouille-t-il? se dit Boulba.
– Vous voyez, seigneurs, qu'il est impossible de commencer la guerre; l'ho
– Conduis-nous, conduis-nous tous? s'écria la foule de tous côtés. Nous sommes tous prêts à périr pour la religion.
Le kochévoï s'épouvanta; il n'avait nullement l'intention de soulever toute la setch; il lui semblait dangereux de rompre la paix.
– Permettez-moi, seigneurs, de parler encore.
– Non, c'est assez, s'écrièrent les Zaporogues; tu ne diras rien de mieux que ce que tu as dit.
– Si c'est ainsi, il sera fait comme vous le désirez. Je suis le serviteur de votre volonté. C'est une chose co
Le rusé kochévoï se tut. Les groupes commencèrent à s'entretenir; les atamans des kouréni entrèrent en conseil. Par bonheur, il n'y avait pas beaucoup de gens ivres dans la foule, et les Cosaques se décidèrent à suivre le prudent avis de leur chef.
Quelques-uns d'entre eux passèrent aussitôt sur la rive du Dniepr, et allèrent fouiller le trésor de l'armée, là où, dans des souterrains inabordables, creusés sous l'eau et sous les joncs, se cachait l'argent de la setch, avec les canons et les armes pris à l'e
Dans ce moment, un grand bac se montra en vue du rivage. La foule qui l'encombrait faisait de loin des signaux. C'étaient des Cosaques couverts de haillons. Leurs vêtements déguenillés (plusieurs d'entre eux n'avaient qu'une chemise et une pipe) montraient qu'ils venaient d'échapper à quelque grand malheur, ou qu'ils avaient bu jusqu'à leur défroque. L'un d'eux, petit, trapu, et qui pouvait avoir cinquante ans, se détacha de la foule, et vint se placer sur l'avant du bac. Il criait plus fort et faisait des gestes plus énergiques que tous les autres; mais le bruit des travailleurs à l'œuvre empêchait d'entendre ses paroles.