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Lentement, Etie
Il ne comprenait bien qu’une chose: le puits avalait des hommes par bouchées de vingt et de trente, et d’un coup de gosier si facile, qu’il semblait ne pas les sentir passer. Dès quatre heures, la descente des ouvriers commençait. Ils arrivaient de la baraque, pieds nus, la lampe à la main, attendant par petits groupes d’être en nombre suffisant. Sans un bruit, d’un jaillissement doux de bête nocturne, la cage de fer montait du noir, se calait sur les verrous, avec ses quatre étages contenant chacun deux berlines pleines de charbon. Des moulineurs, aux différents paliers, sortaient les berlines, les remplaçaient par d’autres, vides ou chargées à l’avance des bois de taille. Et c’était dans les berlines vides que s’empilaient les ouvriers, cinq par cinq, jusqu’à quarante d’un coup, lorsqu’ils tenaient toutes les cases. Un ordre partait du porte-voix, un beuglement sourd et indistinct, pendant qu’on tirait quatre fois la corde du signal d’en bas, " so
– C’est profond? demanda Etie
– Cinq cent cinquante-quatre mètres, répondit l’homme. Mais il y a quatre accrochages au-dessus, le premier à trois cent vingt.
Tous deux se turent, les yeux sur le câble qui remontait. Etie
– Et quand ça casse?
– Ah! quand ça casse…
Le mineur acheva d’un geste. Son tour était arrivé, la cage avait reparu, de son mouvement aisé et sans fatigue. Il s’y accroupit avec des camarades, elle replongea, puis jaillit de nouveau au bout de quatre minutes à peine, pour engloutir une autre charge d’hommes. Pendant une demi-heure, le puits en dévora de la sorte, d’une gueule plus ou moins glouto
Etie
– Dites donc, camarade, on n’a pas besoin d’un ouvrier ici, pour n’importe quel travail?
Elle le regarda, surprise, un peu effrayée de cette voix brusque qui sortait de l’ombre. Mais, derrière elle, Maheu avait entendu, et il répondit, il causa un instant. Non, on n’avait besoin de perso
– Hein! On pourrait être comme ça… Faut pas se plaindre, tous n’ont pas du travail à crever.
La bande entra et alla droit à la baraque, vaste salle grossièrement crépie, entourée d’armoires que fermaient des cadenas. Au centre, une cheminée de fer, une sorte de poêle sans porte, était rouge, si bourrée de houille incandescente, que des morceaux craquaient et déboulaient sur la terre battue du sol. La salle ne se trouvait éclairée que par ce brasier, dont les reflets sanglants dansaient le long des boiseries crasseuses, jusqu’au plafond sali d’une poussière noire.
Comme les Maheu arrivaient, des rires éclataient dans la grosse chaleur. Une trentaine d’ouvriers étaient debout, le dos tourné à la flamme, se rôtissant d’un air de jouissance. Avant la descente, tous venaient ainsi prendre et emporter dans la peau un bon coup de feu, pour braver l’humidité du puits. Mais, ce matin-là, on s’égayait davantage, on plaisantait la Mouquette, une herscheuse de dix-huit ans, bo
– Ce n’est donc plus le grand Chaval? disait un mineur en ricanant. T’as pris ce petiot-là? Mais lui faudrait une échelle!… Je vous ai aperçus derrière Réquillart. A preuve qu’il est monté sur une borne.
– Après? répondait la Mouquette en belle humeur. Qu’est-ce que ça te fiche? On ne t’a pas appelé pour que tu pousses.
Et cette grossièreté bo
Mais la gaieté tomba, Mouquette racontait à Maheu que Fleurance, la grande Fleurance, ne viendrait plus: on l’avait trouvée, la veille, raide sur son lit, les uns disaient d’un décrochement du cœur, les autres d’un litre de genièvre bu trop vite. Et Maheu se désespérait: encore de la malchance, voilà qu’il perdait une de ses herscheuses, sans pouvoir la remplacer immédiatement! Il travaillait au marchandage, ils étaient quatre haveurs associés dans sa taille, lui, Zacharie, Levaque et Chaval. S’ils n’avaient plus que Catherine pour rouler, la besogne allait souffrir. Tout d’un coup, il cria:
– Tiens! et cet homme qui cherchait de l’ouvrage!
Justement, Dansaert passait devant la baraque. Maheu lui conta l’histoire, demanda l’autorisation d’embaucher l’homme; et il insistait sur le désir que témoignait la Compagnie de substituer aux herscheuses des garçons, comme à Anzin. Le maître porion eut d’abord un sourire, car le projet d’exclure les femmes du fond répugnait d’ordinaire aux mineurs, qui s’inquiétaient du placement de leurs filles, peu touchés de la question de moralité et d’hygiène. Enfin, après avoir hésité, il permit, mais en se réservant de faire ratifier sa décision par M. Négrel, l’ingénieur.