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CHAPITRE XXIII

Hugo laissa la BMW sur le parking de l'aéroport de Faro et ils prirent la Fiat louée par Pinto pour leur expédition vers le Cap de Sinès.

Koesler était aux mains des flics, Anita saurait s'en occuper.

Il décida qu'ils resteraient groupés, trahissant la promesse faite à la flic hollandaise. C'était sa journée mensonge et trahison se dit-il, mais il avait besoin de Pinto comme interprète, il était hors de question de le laisser moisir inutilement dans une chambre d'hôtel.

Passé Odeceixe on quitte l'Algarve pour entrer en Alentejo. Il roulèrent le long de la côte sauvage qui s'étend ici face à l'Atlantique, empruntant de petites routes qui n'étaient même pas indiquées sur sa carte routière, s'arrêtant de bar en bar, à chacun des petits villages de pêcheurs rencontrés. Ils encadraient Alice et restaient au bar, ou s'asseyaient à des places permettant de scruter la route et de s'échapper par une fenêtre ou une porte dérobée. Généralement, c'est au moment de commander ou de payer les consommations que Pinto apostrophait le maître des lieux. Ils cherchaient un bateau nommé la Manta , appartenant à un Anglais, nommé Travis. Les Portugais sont des gens aimables, ouverts et hospitaliers, dans la plupart des cas. Et les réponses négatives qu'ils recevaient n'avaient rien d'agressif, les gens s'excusaient presque de ne pouvoir mieux les renseigner. Pinto faisait aisément office d'interprète. Il semblait parfaitement à son aise dans ces auberges de bord de mer, ou ces petits cafés dominant les plages couvertes de barques colorées.

Mais perso

Ils dérivèrent ainsi une bo

Ils n'étaient plus très loin de l'Estremadure, maintenant, et du Cap de Sinès, pensait Hugo en observant sa carte. Peut-être Travis avait-il mis deux bo

Ils ne trouvèrent rien à Vila Nova même, mais un peu plus haut ils s'arrêtèrent dans un minuscule hameau de quelques familles.

Le hameau de pêcheurs s'appuyait sur un petit coteau dominant une plage où s'étalaient quelques barques aux couleurs chatoyantes, les rouges claquant comme des capes de toréadors, les blancs frappés de soleil, les verts intenses, comme gorgés de chlorophylle tropicale.

Au milieu de la plage un petit groupe de pêcheurs remontait à la main un long filet dérivant. Chacun son tour ils empoignaient la longue traîne et la bloquaient sur leur épaule avant de remonter la plage. Arrivé à la lisière des dunes le pêcheur enroulait la traîne autour d'un pieu planté dans le sable et un homme sortait à son tour de l'écume, courbé sous l'effort, pour accomplir sa part de travail. Les hommes se relayaient ainsi patiemment et Hugo observa quelques instants leur manège millénaire.

Il y avait un petit établissement, faisant office d'auberge, café, salle de jeux et cabine de téléphone à l'entrée du village. Il ressemblait à toutes les auberges rencontrées précédemment. Les filets de pêche et les poissons naturalisés comme décor de base. C'est en s'asseyant avec Pinto et Alice à une petite table du fond qu'il discerna quelque chose de particulier. Alice semblait dans un état étrange, comme si tous ses sens parvenaient à un degré limite de perception. Tendue, dans une sorte d'hypnose. Il se rendit compte que ses yeux parcouraient la pièce, comme si elle y découvrait un mystérieux secret caché ici depuis des siècles. Hugo suivit son regard. Les murs de la grande salle de restaurant étaient parsemés de toiles. Une bo

Ça ressemblait un peu à du Turner, se disait Hugo en contemplant les effets de lumière et les clairs-obscurs qui tendaient un décor crépusculaire autour des navires, dont certains paraissaient être la proie des flammes. La seule différence vraiment notable provenait d'une approche plus brutale et chaotique, avec des reliefs apparents visiblement tourmentés, dans la matière même de la peinture et par le fait que les navires à voiles faisaient place à des bâtiments de guerre modernes. Ciel et océan presque indiscernables, dans un noir de charbon, des éclats blancs et orange et quelques taches grises, vertes et bleues, comme un instantané tiré d'une séquence de bataille navale nocturne. Le Jutland sûrement, sur cette toile à la bichromie d'une image d'archives, avec ces silhouettes d'antiques cuirassés géants, les dreadnoughts, affrontant leurs homologues allemands de la Kriegsmarine. Et sans doute ici, une représentation symbolique de la bataille de l'Atlantique, avec la menace lointaine et pernicieuse d'une sorte de banc de requins métalliques, dont on n'apercevait que l'aileron-périscope, entre les vagues.

À l'autre bout de la salle, près de la porte d'entrée, il apercevait un des petits formats. Ça ressemblait à une image verdâtre de viseur à vision nocturne, on y discernait le panache de flammes et de lumière d'un missile de croisière tiré d'un croiseur ultra-moderne, comme la queue d'un météore fusant bizarrement vers le ciel, au lieu d'en tomber.

Il sentit tout son corps tressaillir, comme si on venait de lui injecter une dose mortelle de vérité.

Que lui avait dit Anita, putain, un ancien de la Royal Navy?

Il fusa hors de sa chaise, comme saoul, malgré son abstinence. Il vit Pinto relever les yeux vers lui, éto

La grande échappée.

Il fit volte-face vers le bar où le patron lisait le journal en dévorant des cacahuètes salées et fit un signe à Pinto. Ils se retrouvèrent côte à côte, accoudés sur le zinc de part et d'autre du tenancier ventripotent qui relevait vers eux un regard aimablement attentio

– Si, senhors?

Hugo vit Pinto armer un franc sourire et lâcher tranquillement:

– Nous cherchons un vieil ami, on nous a dit qu'il vivait dans le coin en ce moment. C'est un Anglais. Un nommé Travis. Il possède un bateau. un voilier qui s'appelle la Manta

Le silence n'était rompu que par le bourdo



– Ça ne me dit rien, senhors, Travis, vous dites?

Pinto ne cessait d'offrir son sourire le plus aimable.

– Demandez-lui de qui sont les toiles, lâcha Hugo en anglais à Pinto, qui lui jeta un bref coup d'œil en coin.

– Qui a peint ces toiles? demanda Pinto au tenancier, en montrant vaguement la pièce d'un geste de la main.

L'homme hésita une fraction de seconde, à peine.

– Ce n'est pas votre ami, l'homme s'appelle O'Co

– Do

Pinto profita de l'éloignement provisoire de l'homme pour se tourner vers Hugo.

– Je savais que Travis peignait mais je n'avais jamais vu qu'une ou deux toiles, au début, et ça ne ressemblait pas vraiment à ça… Comment vous avez compris?

– Escape, SKP, ça vous dit quelque chose?

Pinto s'absorba un bref instant dans ses réflexions.

– Non. Rien.

– Alors je ne sais pas. Intuition, feeling. C'était un ancien de la Navy et certains tableaux…

L'homme revenait avec deux nouveaux verres et deux petites bouteilles à l'étiquette rouge et blanc.

Hugo décapsula sa bouteille en s'adressant en anglais à Pinto, comme si de rien n'était:

– Demandez-lui pour ce peintre. Dites-lui que je suis collectio

Il fallait balancer sur-le-champ un virus plausible, camouflant la bo

L'homme essuyait vaguement quelques verres, sur le bord de l'évier.

Pinto s'éclaircit la voix et se risqua:

– Bien, nous vous devons la vérité, senhor…

L'homme que j'accompagne est un riche collectio

Hugo sortait la dernière liasse de dollars et l'aplatissait sans trop d'ostentation à côté de son verre. Il fallait rester décent et ne pas risquer d'offenser l'homme.

Le tenancier planta son regard dans celui de Pinto puis dans celui d'Hugo. Il les sondait froidement. Puis il s'approcha lentement d'eux.

– Ça fait plusieurs mois que M. O'Co

– Il ne vous a laissé aucun contact, une adresse, un numéro de téléphone, une boîte postale? surenchérit Pinto.

L'homme s'approcha des verres et des bouteilles vides et ramassa la liasse de dollars, sans rien dire.