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LE DOCTEUR. Quel mari ? Michel ? Oui.

IRÈNE. Tenez, regardez, comment nous étions, enfants. Rigolos, n’est-ce pas ?

LE DOCTEUR. Vous n’avez pas beaucoup changé.

IRÈNE. Merci. Et là, nous sommes déjà adultes.

LE DOCTEUR. C’est sûrement peu de temps avant le mariage ?

IRÈNE. Oui.

LE DOCTEUR. Comme vous êtes belle ici !

IRÈNE. (Coquette.) Vous voulez dire que maintenant je ne le suis plus ?

LE DOCTEUR. Maintenant, vous l’êtes encore plus.

IRÈNE. Merci. (Faisant disparaître les photographies.) Je vois que vous êtes un homme à femmes. Je ne sais pas si une femme est venue ici, mais ce dont je suis sûre, c’est que vous l’avez invitée à dîner.

LE DOCTEUR. Je vous jure que je n’ai invité perso

IRÈNE. (Elle lui confisque la fiole.) Cessez de prendre des gouttes. Avez-vous un alcool ?

LE DOCTEUR. Je dois avoir une bouteille de cognac.

IRÈNE. Eh bien, buvez double dose. Ça aide instantanément.

LE DOCTEUR. Nous allons vérifier. (Il ouvre le bar.) Oui, j’en ai ! (Il prend une bouteille.) Vous m’accompagnez ?

IRÈNE. Buvez, vous dis-je, l’effet est instantané.

LE DOCTEUR. Nous allons vérifier. (Il ouvre le bar.) J’ai beaucoup de cognac. (La mine réjouie.) Donc, je suis médecin ! (Il prend une bouteille.) Vous m’accompagnez ?

IRÈNE. Je ne vous ai pas encore pardo

LE DOCTEUR. Allez, oubliez ça. Buvons. (Les mains tremblantes, il remplit les verres de cognac.)

IRÈNE. (Le regardant avec pitié.) Mon cher, regardez-vous dans une glace. Que vous arrive-t-il ?

LE DOCTEUR. Je dois avouer qu’aujourd’hui je ne suis pas du tout en forme…

IRÈNE. Stop. Vous avez tout bo

LE DOCTEUR. Une femme ? (Il réfléchit.) Je ne m’en souviens pas… que dis-je ? Bien sûr que je me rappelle. Je suis veuf, depuis des a

IRÈNE. Eh bien, vivez le présent. Remettez à plus tard vos considérations, et maintenant laissez-vous aller à la joie de vivre. (Elle lève son verre.) À votre santé et à vos succès ! Au bonheur !

LE DOCTEUR. Merci. Je me sens si à l’aise avec vous. Il émane de vous une certaine lumière. Vous êtes, sûrement, très heureuse. (Il la prend par la main.)

IRÈNE. (Sans retirer sa main.) N’allez pas croire que j’ai une vie facile. Moi aussi, je sais ce qu’est la solitude.

LE DOCTEUR. Mais vous avez Michel.

IRÈNE. (L’air inquiet.) À propos, il faut vérifier s’il n’est pas parti. (Elle sort et très vite revient.)

LE DOCTEUR. Il n’a pas bougé ?

IRÈNE. Non.

LE DOCTEUR. Dommage.

IRÈNE. Je dois y aller. J’appelle un taxi et j’emmène Michel .

LE DOCTEUR. Notre rendez-vous d’aujourd’hui tient toujours ?

IRÈNE. Si vous ne changez pas d’avis et si vous n’oubliez pas.

LE DOCTEUR. (Avec flamme.) Moi, oublier ? Mais je… (Se remémorant la soudaine et étrange amnésie dont il avait été frappé.) Je vais le noter. À tout hasard. (Il écrit dans son agenda.)

IRÈNE. (Se levant.) Et n’oubliez pas de préparer la fiche médicale et le certificat médical.

LE DOCTEUR. Pour vous, je ferai tout ce qui vous plaira. Je vous raccompagne ?

IRÈNE. Non, merci.

IRÈNE sort. LE DOCTEUR, requinqué, s’assoit devant son ordinateur. Entre L’HOMME. Il se conduit tout à fait autrement que lors de la première fois. Ses manières sont pleines d’assurance et de résolution.

LE DOCTEUR. Encore vous ?

L’HOMME. Comme vous le voyez.

LE DOCTEUR. Que voulez-vous de moi ?

L’HOMME. Je mène une petite enquête privée.



LE DOCTEUR. J’avais tout de suite compris que vous étiez détective.

L’HOMME. Je ne suis pas détective. Je suis du fisc.

LE DOCTEUR. Si vous êtes inspecteur des impôts, présentez vos documents.

L’HOMME. (Sèchement.) Où est Irène ?

LE DOCTEUR. Hélas, je ne vous serai d’aucune utilité. Comme vous le voyez, elle n’est pas là.

L’HOMME. Je l’ai bien vue entrer ici, il y a vingt minutes.

LE DOCTEUR. Mais vous ne l’avez pas vue partir, il y a une minute.

L’HOMME. Elle reviendra ?

LE DOCTEUR. Je ne sais pas. Que lui voulez-vous ?

L’HOMME. C’est quelque chose que je n’ai pas le droit de vous dire.

LE DOCTEUR. Pas le droit, eh bien, ne le dites pas. Au plaisir de vous revoir.

L’HOMME. Il me faut la trouver d’urgence, vous comprenez ? C’est une question de vie et de mort.

LE DOCTEUR. Vous n’êtes pas dans une agence de détective. Aussi, cherchez-la dehors. Et, s’il vous plaît, ne me faites pas perdre mon temps. Au fait, les consultations dans mon cabinet sont très onéreuses.

L’HOMME. Je suis prêt à payer, si vous m’aidez à la retrouver.

LE DOCTEUR. Je ne prends pas de pots-de-vin.

L’HOMME. Non !?

LE DOCTEUR. Je reçois des honoraires.

L’HOMME. Mais je suis prêt à vous verser des honoraires.

LE DOCTEUR. Je ne les perçois qu’en échange d’un traitement et non pas en échange de renseignements do

L’HOMME. Bon, dans ce cas, je vous enverrai vraiment l’inspecteur des impôts. (Il regarde attentivement le Docteur.) Non, vous avez eu peur ?

LE DOCTEUR. Pas tellement.

L’HOMME. Vous devriez. Je suis sûr que vous n’aimez pas payer des impôts.

LE DOCTEUR. Moi je n’aime pas ?

L’HOMME. Vous.

LE DOCTEUR. Moi ?!

L’HOMME. Vous.

LE DOCTEUR. Et alors ? Et qui aime ça ?

L’HOMME. Et si nous organisions un petit contrôle ?

LE DOCTEUR. Faites, donc. Je sais bien cacher mes revenus.

L’HOMME. Et moi, je sais bien les retrouver.

LE DOCTEUR. Cessez de me menacer. Je vous l’ai dit, je ne crains pas les contrôles.

L’HOMME. Parce que vous ne prenez pas de pots-de-vin ?

LE DOCTEUR. Non. Parce que je les do

L’HOMME. (Changeant de ton.) Docteur, vous le savez bien, l’affaire que j’ai en ce moment est strictement perso

LE DOCTEUR. Au revoir. La porte de sortie est ici.

L’HOMME. (S’attardant au moment de sortir.) Docteur, pourquoi, tout de même, vient-elle vous voir ? Il y a quelque chose entre vous ?

LE DOCTEUR. Cela ne vous regarde en aucune façon.

L’HOMME. Serait-elle malade ?

LE DOCTEUR. Aucun détail concernant mes visiteurs, malades ou bien portants, ne franchit les limites de ce cabinet.

L’HOMME. (D’un ton sec, presque menaçant.) Parfait. Cependant, je sens qu’il y a un lien entre vous et je pense qu’il est de mon devoir de vous prévenir : soyez prudent.

LE DOCTEUR. Dans quel sens ?

LE DOCTEUR. Dans tous les sens. Elle s’est oubliée et elle-même ne comprend pas ce qu’elle fait. (Il se dirige vers la sortie.) Si, malgré tout, vous la voyez, dites-lui que j’essaierai de la voir à la maison, et si je ne l’y trouve pas, que je reviendrai ici.