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LE DOCTEUR. Je ne pense pas que je vous laisserai entrer.

L’HOMME. Et moi, je ne pense pas que je vous en demanderai l’autorisation.

L’HOMME part. LE DOCTEUR se rassoit devant son ordinateur. IRÈNE revient.

IRÈNE. Vous n’en avez toujours pas assez de moi ?

LE DOCTEUR. Le taxi est déjà là ?

IRÈNE. Je ne l’ai pas appelé… J’ai décidé d’emmener Michel dans ma voiture. Elle est là, tout près, sur le parking. Surveillez-le deux minutes encore, d’accord ? (Après avoir bien regardé le Docteur.) Qu’y a-t-il encore ?

LE DOCTEUR. À l’instant… Eh bien… Il a de nouveau demandé après vous… Votre mari…

IRÈNE. Je vous l’ai déjà dit, je n’ai aucun mari ! À part Michel, bien sûr.

LE DOCTEUR. Je ne sais pas, je ne sais pas… Il m’a prévenu qu’il fallait que je sois prudent avec vous.

IRÈNE. Il n’a pas expliqué de quoi il retournait ?

LE DOCTEUR. Non, mais il a dit que c’était très important. Une question de vie et de mort.

IRÈNE. (Fortement troublée.) Je crois que je devine de qui il s’agit.

LE DOCTEUR. Il est vraiment votre mari ?

IRÈNE. Pas tout à fait.

LE DOCTEUR. Pas tout à fait ?

IRÈNE. Pas du tout. C’est mon collègue de travail… plus exactement, c’est même mon supérieur.

LE DOCTEUR. Vous dites la vérité ?

IRÈNE. Je vous jure.

LE DOCTEUR. Et de quelle affaire importante vous concernant parle-t-il ?

IRÈNE. Des bêtises. Simplement, il, comment vous dire… Il y a des gens, voyez-vous, qui… Il est continuellement à vouloir élucider quelque chose avec moi, à vouloir m’entretenir de quelque chose… Et c’est toujours, bien sûr, urgent. Du reste, voilà un patient idéal pour vous.

LE DOCTEUR. Je comprends.

IRÈNE. Bon, je vais chercher la voiture.

LE DOCTEUR. (La retenant.) Je n’ai pas envie de vous laisser partir.

IRÈNE. (Dégageant la main avec douceur.) Je reviens vite. Une minute, pas plus.

LE DOCTEUR. Et vous repartirez.

IRÈNE. (L’embrassant sur la joue.) Pour notre rendez-vous de ce soir.

IRÈNE sort. LE DOCTEUR arbore un sourire heureux. Il s’approche de la glace, s’examine sans concession, redresse la cravate, arrange sa coiffure, sort de l’armoire une autre veste aux couleurs plus vives et la met. Entre JEANNE, plus décidée encore que précédemment. LE DOCTEUR, qui s’était préparé à accueillir à bras ouverts sa visiteuse, est désagréablement surpris.

LE DOCTEUR. C’est vous ?

JEANNE. Pourquoi ? Qui attendiez-vous ?

LE DOCTEUR. Une autre femme. La femme de votre mari. Ou plutôt… Je voulais dire, la femme de Michel. Ou plutôt…

JEANNE. La femme de Michel, c’est moi.

LE DOCTEUR. J’ai un gros doute là-dessus, maintenant.

JEANNE. C’est la première fois que je rencontre un docteur qui, au lieu de s’occuper de soigner, mène une enquête. La carte médicale est-elle prête ?

LE DOCTEUR. Non. Et si elle l’était, je ne vous la do

JEANNE. J’avais prévu que vous chercheriez n’importe quel prétexte pour vous défausser et j’ai préparé à cet effet un registre complet de documents en bo

Stupéfait LE DOCTEUR rassemble les documents et les rend à JEANNE.

LE DOCTEUR. Je… Je… (Il va pour prendre les gouttes, mais repousse la fiole et se verse une bo

JEANNE. Vous pensez peut-être que je suis sa grand-mère ?



LE DOCTEUR. Ho

JEANNE. (Sur un ton impérieux.) Reposez votre verre ! (D’un geste décidé elle écarte la bouteille.) Je commence à sérieusement m’inquiéter pour la santé de mon mari.

LE DOCTEUR. Pourquoi ?

JEANNE. Parce que son docteur est alcoolique.

LE DOCTEUR. Je ne bois pas du tout.

JEANNE. Je vois ça.

LE DOCTEUR. Vous êtes vraiment sa femme ?

JEANNE. Pourquoi cela vous éto

LE DOCTEUR. Je ne m’éto

JEANNE. (Sur un ton cassant.) En ce qui concerne l’autre femme, c’est uniquement le résultat des vapeurs d’alcool ou le fruit de votre imagination détraquée. Je sais, en tant que juriste, que, suite au contact permanent avec les fous, les médecins psychiatres ont du mal à préserver leur santé mentale. Cette femme n’existe pas.

LE DOCTEUR. Elle existe !

JEANNE. (Implacable.) Elle n’a jamais existé et elle ne peut pas exister. Vous ne vous contrôlez pas. Votre mémoire vous joue des tours. Vous avez même oublié que vous soignez mon mari depuis près de deux ans. Vous avez perdu sa carte médicale. Il est possible que vous l’ayez effacée de la mémoire de l’ordinateur par négligence ou intentio

LE DOCTEUR. (Nerveux.) À quel tribunal ?

JEANNE. Le tribunal vers lequel je me tourne. J’ai l’intention de placer mon mari dans un centre de soins et pour cela j’ai besoin d’une carte médicale détaillée et convaincante.

LE DOCTEUR. Vous voulez enfermer votre mari dans un asile de fous ?

JEANNE. Modérez vos expressions. Si je voulais enfermer quelqu’un dans un asile de fous, eh bien, ce serait vous. Et croyez-moi, j’en ai les moyens. Regardez-vous dans une glace et vous serez d’accord avec moi.

LE DOCTEUR. Avouez, que vous ne supportez plus votre mari et que vous avez décidé de vous en débarrasser.

JEANNE. Premièrement, ce sont mes affaires. Et, deuxièmement, quand bien même ? Il a, peut-être, le droit d’oublier son obligation première, mais moi je ne suis pas tenue d’oublier le premier de mes droits. (Avec mépris.) Comprenez-vous, au moins, cela, docteur ?

LE DOCTEUR. « Obligation », « droit »… On voit d’emblée que vous êtes juriste.

JEANNE. Et que je suis une femme, ça ne se voit pas d’emblée ? Je me serais attendue à plus de compréhension de la part d’un médecin.

LE DOCTEUR. Qu’attendez-vous de moi ?

JEANNE. Un certificat et une carte médicale.

LE DOCTEUR. Bon, d’accord, revenez demain, elle sera prête.

JEANNE. Demain, vous aurez trouvé d’autres excuses. J’en ai besoin aujourd’hui. Maintenant.

LE DOCTEUR. Maintenant, j’ai une consultation à la clinique. Je dois partir.

JEANNE. Ça sera long ?

LE DOCTEUR. Une vingtaine de minutes.

JEANNE. J’attendrai.

LE DOCTEUR. De toute façon, aujourd’hui je n’aurai pas le temps. Une carte médicale ne se fait pas aussi vite que vous semblez le penser. Je vous en prie, revenez demain.

JEANNE. Non, je ne partirai pas d’ici, tant que je ne l’aurai pas. (Elle s’assoit avec une attitude de défi, prend le guide médical et se plonge dans la lecture, montrant de tout son être qu’elle a l’intention de rester longtemps et qu’on ne réussira pas à la mettre dehors.)

LE DOCTEUR. (Ayant perdu tout espoir.) Mais il faut vraiment que je passe à la clinique.

JEANNE. Allez-y, je ne vous retiens pas.

LE DOCTEUR. Et vous ?

JEANNE. Et moi, je vais faire rentrer Michel ici et nous resterons ensemble ici, tant que nous n’aurons pas la carte médicale.

LE DOCTEUR. Bon, eh bien… C’est comme vous voulez.

LE DOCTEUR se verse du cognac, puis, après réflexion, prend la fiole des gouttes, puis se tourne à nouveau vers le cognac et, finalement, trouve un compromis : il verse quelques gouttes dans le cognac, boit et sort, portant sa main tantôt à la tête, tantôt au cœur. JEANNE, l’ayant suivi d’un regard de satisfaction, sort aussi et revient avec MICHEL.