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Pendant deux heures, je m’affairais entre les carrés de légumes, arrosant, arrachant les mauvaises herbes ou encore cueillant les petits pois ou les haricots pour le repas du soir. Oncle Nicolas m’expliquait comment m’y prendre et me montrait les gestes précis qui facilitaient ma tâche. Parfois, il m’appelait:
– Viens voir, petiote, la jolie chenille verte que j’ai trouvée. Regarde comme elle se tortille pour avancer. On dirait qu’elle danse.
D’autres fois, nous jouions à nous asperger d’eau avec les arrosoirs.
Je vivais un enchantement! Je découvrais une plénitude par le contact de ma peau avec la terre et les plantes. Il y avait aussi la présence, à la fois pataude et joyeuse, de ce gros bonhomme qu’était mon oncle. Une sorte d’ours débo
Vers les quatre heures, nous allions retrouver tante Berthe qui avait préparé le goûter et je remettais la clé à sa place.
Les heures et les jours filaient, simples et pleins. Je fus très éto
Lorsque je vis arriver ma mère, je courus me réfugier aux cabinets pour essuyer mes larmes. Est-ce que je pressentais qu’elle apportait de mauvaises nouvelles?
J’ai embrassé Maman. Lorsque je me suis dégagée de ses bras, j’étais enveloppée de son parfum. D’un seul coup, l’enchantement était rompu. Je n’appartenais plus à la campagne et au potager, j’étais redevenue Chanel N°5 de la ville. Nous sommes parties très vite. Juste avant de franchir le seuil, je ne sais quelle inspiration m’a saisie et m’a fait rebrousser chemin. J’ai dit que j’allais aux toilettes. J’ai filé à toute vitesse vers la porte du jardin et j’ai attrapé la clé du potager. Je l’ai glissée dans ma poche, la serrant dans la main droite. Sur le chemin, j’ai fait signe à mon oncle et ma tante avec l’autre main.
La gare nous attendait, déserte à cette heure de la matinée. Cela sentait la poussière et la solitude. Une odeur rance de retour au quotidien gris de la ville.
Pendant toute la durée du trajet, nous nous sommes tues. Maman lisait un magazine et je regardais le paysage sans le voir. Bercée par le balancement du train, je me suis endormie.
Dans l’appartement, maman s’est installée en face de moi au salon et elle m’a a
Je n'ai rien répondu. J’ai juste poussé un cri. Un cri strident comme si j’avais vu une horreur. Une araignée ou un serpent! Et puis ma gorge s’est serrée et plus aucun son n’est sorti. Je me sentais trahie.
Ce n’était pas tant l’a
Je n’ai même pas pleuré. Ma désolation dépassait de beaucoup les larmes. Je crois bien que j’étais en état de choc.
Je me suis couchée toute habillée sous les couvertures en regardant vers le mur. J’ai serré la clé dans ma main et j’ai senti monter une rage terrible. S’ils croyaient que je me laisserais faire sans me battre, ils se trompaient! La colère contractait mes mâchoires, mes yeux fulminaient, mes pieds frappaient contre le lit. Je n’étais plus qu’une boule de feu prête à ravager tout sur son passage.
Les jours qui suivirent, je refusai de manger et de parler. Je me mis à perdre mes cheveux et à maigrir. Ma mère prit peur et m’envoya chez une psychologue qui conseilla de m’éloigner de l’appartement familial. C’est ainsi qu’il fut décidé de m’envoyer chez ma grand-mère, dans ce village que je n’ai plus jamais quitté.
Avec le grand air de la campagne et la paisible attention de la vieille dame, ma confiance est revenue peu à peu. Ma grand-mère ne m’a jamais bousculée ni pressée. Elle attendait que les choses bougent avec une tranquille certitude. Cela se ferait le moment venu, ni plus tôt, ni plus tard. Rien ne servait de cueillir les fruits encore verts, ils n’auraient do
Ma vie s'est remise en route, lentement mais sûrement, avec la tendre lumière du printemps et la chaude caresse de l’été. Je me suis adoucie, j’ai repris chair et parole.
Mes premières expéditions à l’extérieur m’ont conduite au potager. J’y ai retrouvé les légumes de l’oncle Nicolas et les gestes qu’il m’avait appris. Parfois, grand-mère venait à mes côtés cueillir des petits pois ou des haricots pour le dîner. Elle ne posait pas de question, n’exigeait pas de réponse. Elle approuvait seulement mes progrès d’un petit hochement de la tête. Ma blessure cicatrisait. Au bout de six mois, mes cheveux ont repoussé, ils avaient changé de couleur. J’étais blonde, je me retrouvais brune.
À la rentrée de septembre, je suis retournée à l’école. J’avais perdu une a
J’ai commencé un herbier dans lequel je décrivais les plantes et les fleurs que je ramassais lors de mes promenades. C’est ainsi que se dessina mon futur métier d’horticultrice.
Mon père et ma mère me rendaient visite de temps en temps, toujours pressés, toujours contrariés. Ils se plaignaient l’un et l’autre de leur nouvelle vie. Lui ne s’entendait plus avec sa nouvelle compagne, elle ne s’habituait pas à la solitude. On parlait peu de moi. C’était mieux ainsi! J’étais heureuse au milieu de mon jardin, dans mes bois et mes écrits.
C’était étrange! Ce que j’avais vécu au départ comme un désastre, la séparation de mes parents, se révélait finalement un tournant bénéfique dans ma vie. Si j’étais restée en ville, je n’aurais sans doute jamais découvert ce métier qui s’accordait si bien à tout ce que j’aimais! Le destin est malicieux, qui sème sur la route des embûches pour mieux orienter notre chemin. Maintenant je ne me laisse plus prendre aux apparences du malheur. J’attends simplement que s’ouvre un nouvel horizon.
Rosé-Marie est restée immobile tout le temps que Roseline lui conte l’histoire. Elle a gardé la clé dans sa main, sentant le métal tiédir.
Elle sort d’une profonde torpeur, d’un rêve éveillé et murmure d’une voix embrumée:
– C’est une belle histoire, Roseline. Je vous remercie de l’avoir partagée avec moi. Quelle coïncidence aussi! Car je vous dois une confession: Pierre et moi, nous divorçons et je cherche une maison à louer dans le village. C’est la principale raison de ma visite!
1.2. Répondez aux questions:
1. Parlez de l’auteur de cette nouvelle. Savez-vous qu’A