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Les hommes comme Muller, Schlosser, Ewers, Lévesque, consacrèrent une partie de leur vie à l'étude de l'histoire de la Russie, d'une manière tout aussi scientifique que s'en occupèrent, sous le rapport physique, Pallas et Gmelin. De leur côté, des philosophes et des publicistes observaient avec curiosité le phénomène d'un gouvernement despotique et révolutio

L'extravagante époque de ces guerres absurdes, que les Français nomment encore aujourd'hui la période de leur gloire, finit avec leur invasion en Russie; ce fut une aberration de génie, comme la campagne d'Egypte. Il plut à Bonaparte de se montrer à l'univers, debout sur un monceau de cadavres. A l'ostentation des Pyramides, il voulut ajouter celle de Moscou et du Kremlin. Cette fois il ne réussit pas; il souleva contre lui tout un peuple qui saisit résolument les armes, traversa l'Europe derrière lui, et prit Paris.

Le sort de cette partie du monde fut, pendant quelques mois, entre les mains de l'empereur Alexandre, mais il ne sut profiter ni de sa victoire, ni de sa position; il plaça la Russie sous le même drapeau que l'Autriche, comme si entre cet empire pourri et mourant et le jeune Etat qui venait d'apparaître dans sa splendeur, il y eût quelque chose de commun, comme si le représentant le plus énergique du monde slave pût avoir les mêmes intérêts que l'oppresseur le plus ardent des Slaves.

Par cette monstrueuse alliance avec la réaction europée

Il ne manquait que la lutte atroce de la Pologne pour soulever décidément toutes les nations contre la Russie. Lorsque les nobles et malheureux restes de la Révolution polonaise, errant par toute l'Europe, y répandirent la nouvelle des horribles cruautés des vainqueurs, il s'éleva de toutes parts, dans toutes les langues europée

Rougissant de notre faiblesse et de notre impuissance, nous comprenions ce que notre gouvernement venait d'accomplir par nos mains, et nos coeurs saignaient de douleur, et nos yeux s'emplissaient de larmes amères.

Chaque fois que nous rencontrions un Polonais, nous n'avions pas le courage de lever sur lui nos regards. Et cependant je ne sais s'il est juste d'accuser tout un peuple et de le rendre seul responsable de ce qu'a fait son gouvernement.

L'Autriche et la Prusse n'y ont-elles pas aidé? La France, dont la fausse amitié a causé à la Pologne autant de mal que la haine déclarée d'autres peuples, n'a-t-elle donc pas, dans le même temps, par tous les moyens, mendié la faveur de la cour de Pétersbourg; l'Allemagne, alors déjà, n'était-elle pas volontairement, à l'égard de la Russie, dans la situation où se trouvent aujourd'hui forcément la Moldavie et la Valachie; n'était-elle pas alors comme maintenant gouvernée par les chargés d'affaires de la Russie et par ce proconsul du tzar qui porte le titre de roi de Prusse?

L'Angleterre seule se maintint noblement sur le pied d'une amicale indépendance; mais l'Angleterre ne fit rien non plus pour les Polonais; elle songeait peut-être à ses propres torts envers l'Irlande. Le gouvernement russe n'en mérite pas moins de haine et de reproches; je prétends seulement faire aussi retomber cette haine sur tous les autres gouvernements, car on ne doit pas les séparer l'un de l'autre; ce ne sont que les variations d'un même thème.

Les derniers événements nous ont beaucoup appris; l'ordre rétabli en Pologne et la prise de Varsovie sont relégués à l'ar-rière-plan, depuis que l'ordre règne à Paris et que Rome est prise; depuis qu'un prince prussien préside aux fusillades, et que la vieille Autriche, dans le sang jusqu'aux genoux, essaie d'y rajeunir ses membres paralysés.

C'est une honte en l'an 1849, après avoir perdu tout ce qu'on avait espéré, tout ce qu'on avait acquis, à côté des cadavres de ceux que l'on a fusillés, étranglés, à côté de ceux qu'on a jetés dans les fers,déportés sans jugement; à l'aspect de ces malheureux chassés de contrée en contrée, à qui on do



Encore une fois: s'il est horrible de vivre en Russie, il est tout aussi horrible de vivre en Europe. Pourquoi ai-je donc quitté la Russie? Pour répondre à cette question, je traduirai quelques paroles de ma lettre d'adieux à mes amis:

Ne vous y trompez pas! Je n'ai trouvé ici ni joie, ni distractions, ni repos, ni sécurité perso

Je ne crois ici à rien qu'au mouvement; je ne plains rien que les victimes; je n'aime rien que ce que l'on persécute; et je n'estime rien que ce que l'on supplicie, et cependant je reste. Je reste pour souffrir doublement de notre douleur et de celle que je trouve ici, peut-être pour succomber dans la dissolution générale. Je reste, parce qu'ici la lutte est ouverte, parce qu'ici elle a une voix.

Malheur à celui qui est vaincu ici! Mais il ne succombe pas sans avoir fait entendre sa voix, sans avoir éprouvé sa force dans le combat; et c'est à cause de cette voix, à cause de cette lutte ouverte, à cause de cette publicité, que je reste.

Voilà ce que j'écrivais le 1er mars 1849. Les choses, depuis lors, ont bien changé. Le privilège de se faire entendre et de combattre publiquement s'amoindrit chaque jour davantage, l'Europe chaque jour davantage devient semblable à Pétersbourg; il y a même des contrées qui ressemblent plus à Pétersbourg que la Russie même.

Et si l'on en vient, en Europe aussi, à nous mettre un bâillon sur la bouche, et que l'oppression ne nous permette pas même de maudire, à haute voix, nos oppresseurs, nous nous en irons alors en Amérique, sacrifiant tout à la dignité de l'homme et à la liberté de la parole».

II

La Russie avant Pierre ier

L'histoire russe n'est que l'embryogénie d'un Etat slave; la Russie n'a fait que s'organiser. Tout le passé de ce pays, depuis le IXe siècle, doit être considéré comme l'acheminement vers un avenir inco

La véritable histoire russe ne date que de 1812 – antérieurement il n'y avait que l'introduction.

Les forces essentielles du peuple russe n'ont jamais été effectivement absorbées par son développement, comme l'ont été celles des peuples germano-romains.