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Le lieutenant de Loubersac rebroussa chemin en courant comme un fou. Il fouilla la gare Saint-Lazare, sauta dans un taxi, parcourut à toute allure les rues avoisinantes…

Mais ses recherches demeurèrent vaines. Il avait deviné : Bobinette n’était plus là, Bobinette avait eu le temps de disparaître…

24 – L’APÉRITIF AU ROBERT’S BAR

— Encore un petit whiskey, ma vieille branche ?

— Oh ! non ! je n’oserais pas, nous avons déjà tellement bu !…

— Mais si, mais si… à travers l’or du vieux scotch, la vie semble plus belle et les barmaids plus jolies !

Juchés sur leurs hauts tabourets, les deux buveurs qui venaient d’échanger ces propos trinquèrent sole

Les verres étaient remplis de nouveau, si rapidement que c’est à peine si le jeune homme brun s’en apercevait. Machinalement, il buvait encore, cependant que son compagnon, peut-être intéressé à le griser, tandis que lui-même voulait conserver son entière lucidité d’esprit, trempait à peine ses lèvres dans le breuvage enivrant.

Il était six heures du soir, et par ce mauvais jour de décembre, une grande animation régnait au Robert’s où se trouvait réunie pour l’apéritif la foule la plus bizarre et la plus cosmopolite.

Le Robert’s est à Londres l’équivalent du Maxim’s de Paris : c’est le grand établissement de fêtes et de luxe qui ouvre ses portes dès le crépuscule pour ne les clore qu’à une heure avancée de la nuit, le plus tard possible. Le Robert’s occupe un grand immeuble à plusieurs étages, où l’on peut se livrer aux débauches les plus diverses, aux orgies de nourritures et de boissons les plus variées. L’établissement comporte au rez-de-chaussée une assez vaste salle commune, sorte de grill room, où l’on sert à toute heure des repas légers.

Un escalier intérieur conduit au premier étage où se trouve le bar proprement dit. Derrière un comptoir surchargé de bouteilles multicolores se tie

Vif, il exerce son petit négoce, puis soudain disparaît, pourchassé par les gérants aux habits noirs fripés et qui, Autrichiens d’origine la plupart du temps, baragouinent un langage invraisemblable mêlé de français et d’anglais.

C’est dans cette salle encombrée, étourdissante, que les deux buveurs s’entretenaient familièrement.

Le jeune homme brun, après avoir écouté les confidences de son compagnon qui devaient être extraordinaires, à en juger, par la surprise qu’elles provoquaient, se hasarda à demander :

— Mais quelle est donc ta profession, Tommy ?

— Mais je te l’ai déjà raconté : je suis clown de mon métier, clown musical. Je chante, je danse., j’interprète les romances comiques, je m’habille en nègre, je joue du banjo… et il se mit à chanter : Lou a lou a lou

Il s’interrompit.

Le jeune homme brun l’interrogeait encore :

— De quel pays viens-tu, Tommy ?

— Moi ? je suis belge ! sais-tu pour une fois godferdoum !…

« Et toi, Butler ?

— Moi, hum ! je suis canadien., j’arrive du Canada… Oh ! voici fort peu de temps… trois mois à peine…

— Autant que cela ?

Butler parut être troublé par cette question ; il réprima un tressaillement :

— Oui, oui, affirma-t-il…

— Oui et je suis bien préoccupé ici, car je sais très mal l’anglais et j’ai beau chercher du travail, c’est en vain…

— Que sais-tu faire ?

— Un peu de tout…

— C’est-à-dire, rien !… mais encore ?…

— Je m’y co

— Ce n’est pas cela qui te mènerait loin ! Il y en a des centaines et des centaines qui croupissent dans ce métier.

Mais Butler se regimbait :





— Hé ! que voulez-vous donc que je fasse ?…

— Il n’y a qu’une carrière au monde : le théâtre ! Il n’y a qu’un seul métier, celui d’artiste.

— Moi, je ne demanderais pas mieux que d’entrer au théâtre, mais je ne sais rien faire.

Son compagnon sans doute attendait cette réponse ; il jeta un coup d’œil dans la direction du jeune homme, sur le cerveau duquel les verres de whiskey commençaient à faire leur effet.

Butler était congestio

Tommy, après un rapide examen, dut estimer que le moment était propice pour gagner un adepte de plus à la religion de l’art qu’il prêchait avec tant de conviction… tout au moins avec tant d’apparence de conviction.

— Écoute, murmura-t-il, mystérieusement en se penchant à l’oreille de son ami, voilà peu de temps que je te co

Touché par ce cordial début et légèrement attendri par ses nombreuses libations, Butler leva une main oscillante au-dessus de son verre et proféra :

— Je le jure !

— Bien ! poursuivit le gros perso

« Qu’est-ce que vous faites ici, Paul ? Il m’a répondu : Je cherche un artiste !

« Bien entendu, je me suis proposé d’abord. Toutefois, Paul m’a expliqué qu’il n’avait pas besoin d’un clown, mais simplement d’un professeur. J’ai promis de m’en occuper, de lui trouver quelqu’un. Veux-tu être ce professeur ?

— Professeur de quoi ?

Celui-ci éclata de rire :

— Cela n’a aucune importance, et d’ailleurs, tu ne pourrais jamais imaginer quels seront tes élèves, si je ne te le disais pas. Il s’agit d’apprendre à siffler à des serins japonais…

Butler, bien que gris, haussa les épaules, croyant à une plaisanterie.

Mais le clown insistait, démontrait que si la profession était délicate, elle n’avait rien de ridicule, qu’il suffisait d’avoir de la persévérance et de la bo

Tandis que Butler, singulièrement impressio

— «Tu feras siffler les oiseaux… »

« Pour amuser la galerie… »

Le clown interrompit sa chanson :

— Allons, interrogea-t-il, est-ce décidé ?

— Ma foi, hésita encore Butler, je ne sais pas trop si je dois…

— Mais oui, tu dois.

Butler eut encore un scrupule, son compagnon poursuivait :

— Justement j’ai rendez-vous avec l’imprésario pour dîner ; il doit être dans la salle du bas… veux-tu que j’aille le chercher ?… nous nous réunirons tous les trois et l’on causera de l’affaire ?

Paraissant faire un réel effort de volonté, Butler posa soudain cette étrange question :

— Où faudrait-il aller ? dans quel pays ?

Le plus simplement du monde, Tommy répliqua :

— Mais en Belgique, naturellement ! L’imprésario est belge, comme moi…, nous sommes compatriotes.