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Fandor hésitait à se réveiller. Le peu de confort de son appartement ne l’engageait guère, il est vrai, à sortir de la somnolence où il se trouvait encore mollement plongé. Il faisait chaud dans son lit, la chambre semblait glacée, au contraire, par tous ces courants d’air qui y pénétraient librement par la cheminée, la fenêtre disjointe, la porte fendue.

— C’est tout de même malheureux, pensa Fandor après avoir d’un regard perspicace apprécié l’état du logis où il se trouvait ; c’est tout de même malheureux de payer régulièrement son terme, de posséder rue Richer un appartement qui, sans être luxueux, est cependant habitable, et d’être obligé de venir coucher à l’ Hôtel de l’Armée et de la Marine, dans une chambre à quarante sous la nuit…

Il s’éveilla tout à fait cependant. Il ne pouvait plus se faire illusion sur la nécessité prochaine qui l’obligerait à se lever.

Fandor s’assit, puis soudain se recoucha, fermant les yeux, mais cette fois non plus par sommeil, mais afin de se recueillir…

— Caporal Vinson, avait appelé l’adjudant deux jours avant, vous avez une permission de huit jours… Vous pourrez quitter la caserne demain à midi…

Tant de fois déjà, Fandor avait reçu d’une façon aussi imprévue des permissions qu’il n’avait nullement sollicitées qu’il n’en était plus à s’éto

— Merci, mon lieutenant !…

Fandor avait répondu d’un ton machinal, puis attendait impatiemment l’arrivée du vaguemestre qui, sans aucun doute, lui apporterait une carte postale lui do

Or, ce n’était point une carte postale, mais bel et bien une lettre que lui avait remis le sergent faisant office de vaguemestre.

Fandor avait ouvert l’enveloppe fébrilement et tout d’abord n’avait pu s’empêcher de tressaillir en constatant le style, pour le moins inférieur, de cette épître.

La lettre commençait par ces mots :

« Mon bon chéri ».

— Ah ça ! pensait le jeune homme, voilà que je deviens tout à fait « Pitou », puisque je reçois des lettres d’amour…

C’était, en effet, un billet doux que l’on venait de lui remettre.

La correspondante mystérieuse disait :

«  Il y a longtemps que je ne t’ai vu, mais puisque tu vas avoir une permission de huit jours, je pourrai à loisir me dédommager de ton absence. Veux-tu que nous prenions rendez-vous pour la première matinée de ton arrivée à Paris ? Je pense que tu descendras, comme d’habitude, boulevard Barbès, à l’Hôtel de l’Armée et de la Marine  ? Moi, tu me trouveras à onze heures et demie très exactement rue de Rivoli, au coin de la rue Castiglione. Nous pourrons déjeuner ensemble. À bientôt. Je t’envoie tous mes baisers. »

Et Fandor ayant lu cette lettre à la signature illisible, en comprenait le sens caché :

Les chefs espions lui a

— Allons-y ! avait murmuré le faux caporal Vinson, peut-être, à Paris, vais-je enfin me trouver devant des têtes de co

Et Vinson-Fandor avait fidèlement suivi le programme qu’on lui traçait.

L’excellent journaliste Jérôme Fandor, qui avait dans son esprit repassé tous ces détails, qui, de plus, avait en quelque sorte étudié, préparé d’avance le rôle qu’il comptait jouer ce matin-là, se levait, s’habillait en hâte.

— Vais-je me mettre en uniforme ? Non ! laissons cela, c’est dangereux et sans intérêt. Après tout, je ne sais pas en face de qui je vais me trouver ce matin, et je dois toujours me méfier d’un piège de contre-espio

Il prit un fiacre qui le conduisit au pied de la colo

Fandor venait de quitter son cocher et s’engageait sous les arcades de la rue de Rivoli lorsqu’il remarqua au loin une passante qui marchait dans sa direction, et dont la silhouette ne lui était pas inco

— Ma parole, fit le jeune homme ; elle est bien bo





La passante approchait de plus en plus ; Fandor ne résistait point à la curiosité de la rencontre ; il se laissait voir, saluait d’un grand coup de chapeau :

— Mademoiselle Berthe !… mademoiselle Berthe !…

Toute saisie, la jeune femme s’arrêtait :

— Ah ! monsieur Fandor ! Comment allez-vous ?…

— Fort bien… mais moi, je ne vous demande pas de vos nouvelles, mademoiselle, la fraîcheur de votre teint me répond d’avance !…

Bobinette esquissait un petit sourire, puis s’informait :

— Comment donc êtes-vous là ?

Jérôme Fandor n’avait garde d’hésiter.

— Dame ! mademoiselle, comme vous y êtes vous-même… je passais sous les arcades…

C’était à Bobinette de s’excuser :

— Oh ! ce n’est point ce que je voulais dire, monsieur ! Je vous demande comment il se faisait qu’étant à Paris, vous ne soyez jamais revenu voir M. de Naarboveck, qui cependant vous avait invité à passer de temps en temps prendre le thé à la maison ?

— Je viens en effet de rentrer à Paris, mademoiselle… Tout le monde va bien chez M. de Naarboveck ?… M lleWilhelmine est remise de ses émotions ?

— Oh ! oui, monsieur.

Fandor eût bien voulu poser d’autres questions et tout spécialement savoir si elle, la jolie Bobinette, pensait encore au capitaine Brocq, il eût bien voulu éclaircir l’exacte intimité que la jeune femme avait eue avec l’officier disparu, l’amour qu’il lui supposait pour Loubersac, mais il était évident que la jeune fille était gênée par cette conversation en plein vent.

Il n’était d’ailleurs point correct de l’éterniser, et bon gré mal gré, après quelques paroles, Fandor se résigna à dire adieu à la jolie fille.

Tandis que celle-ci s’éloignait, le journaliste, recommençant à faire les cent pas, vérifia l’heure. Il était maintenant midi moins le quart, les passants se faisaient rares ; Fandor ne croisait perso

— Qu’est-ce que cela veut dire ? pensa-t-il. Dois-je croire que perso

En arrivant boulevard Barbès, Fandor trouvait un pneumatique adressé au caporal Vinson. Il l’ouvrit : ce pneumatique n’était pas signé, il imitait toujours l’écriture et le style d’une amoureuse.

On lui disait :

«  Mon bon chéri, mon amour, excuse-moi de ne pas être venu te prendre ce matin rue de Rivoli, comme il était convenu. Cela m’a été impossible. Reviens à deux heures au même endroit, je te promets que je serai exacte… Bien entendu, viens en uniforme, je veux voir comme tu es beau sous l’habit militaire… »

Fandor lut ce pneumatique, un pli soucieux au front.

— Je n’aime pas beaucoup cela, se dit-il… Pourquoi me faire venir en uniforme ? Savent-ils que je suis venu en civil ce matin ? Mais alors… ?

Le jeune homme avait de plus en plus l’impression qu’il se trouvait impliqué dans des aventures où la plaisanterie n’était plus de mise.