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— Magnifique ! commenta-t-il sans se compromettre.

— C’est surtout quelque chose de très amusant. Essayez de soulever le chandelier !

Morosini se pencha presque à s’étaler sur la table, saisit le pied du candélabre… et s’en retrouva soudain priso

— Qu’est-ce que cette diablerie ? Je ne trouve pas ça amusant !

— Allons, mon ami, ce n’est qu’une plaisanterie, un jouet, si vous voulez ! Mais bien utile : cela m’a toujours évité de me le faire voler. Vichnou seul sait pourquoi, mais il a souvent tenté plusieurs de mes jeunes aides de camp. Ils se retrouvaient alors captifs dans une position fort avantageuse pour qui se plaît à goûter la beauté d’un corps d’adolescent particulièrement bien fait !

Une brusque sueur froide inonda le dos de Morosini, dont la colère se mêla de dégoût : il n’avait que trop bien compris ce qu’évoquait Jay Singh… Sans aucun doute l’une des raisons de la crainte, pour ne pas dire plus, qui semblait habiter en permanence le regard de tous ces garçons. Il se maîtrisa cependant et ce fut d’une voix calme mais glaciale qu’il articula :

— Veuillez, s’il vous plaît, me libérer ! Je n’apprécie pas ce genre d’humour… et encore moins le commerce des hommes. Quels qu’ils soient !

Jay Singh cessa de rire et se hâta de libérer son hôte en se confondant en excuses. Ce n’était qu’une petite expérience divertissante. Jamais il n’avait voulu se moquer de celui qu’il considérait comme son frère…

— Allons boire ensemble pour effacer cette mauvaise impression. Tout ceci n’est que futilité indigne d’hommes tels que nous. Demain je te montrerai mon véritable trésor, qui n’a rien à voir avec les biens terrestres. Demain je te ferai co

En dépit de l’envolée lyrique dont on venait de le régaler, Aldo ne vit là-dedans rien de bien rassurant. Étant do

Le lendemain, en rejoignant le maharadjah dans la cour du palais, il s’attendait à trouver une automobile ou peut-être un cheval pour se rendre chez le Maître, dont il imaginait qu’il devait habiter un temple ou l’une de ces constructions bizarres que l’on trouve dans les campagnes, mais ce fut dans le howda perché sur le dos d’un éléphant qu’il trouva Jay Singh, vêtu d’une sorte de robe de moine brune pourvue d’un capuchon et la tête couverte de son voile bleu. Il n’en portait pas moins des gants en peau de chamois.

— Le Maître habite là-haut, expliqua-t-il en désignant le fort de Bala Qila. Ainsi il est plus près du ciel et sa protection s’étend sur mon État tout entier…

Aldo acquiesça d’un sourire. Cette balade pouvait être agréable et c’était la première fois qu’il allait se promener à dos d’éléphant. Balancés au pas mesuré de l’animal, on traversa la ville peuplée d’échines inclinées puis on attaqua le chemin qui escaladait la montagne escarpée, bordée au début d’arbres poussiéreux où s’ébattait une colonie de singes, mais à mesure que l’on montait, il n’y eut plus qu’un désert de pierres, un amoncellement de rochers que délimitait une vieille muraille aux créneaux arrondis percés chacun d’une meurtrière. Le paysage s’élargissait à chaque pas de l’éléphant, creusant au bord du sentier une sorte d’abîme, tandis que l’on approchait le vieux fort et que ses flancs abrupts se faisaient plus rébarbatifs. Le silence l’enveloppait, les bruits de la ville ayant reculé. Et seul, de temps en temps, le vol lourd d’un vautour décrivait au-dessus des pierres antiques des cercles concentriques. Jay Singh ne disait rien. Les mains sur ses genoux écartés, il avait l’air de prier, le souffle de ses lèvres soulevant son voile sans qu’aucun son n’en sortît. Enfin on fut au pied des tours, qui en dépit de la taille du pachyderme paraissaient encore plus hautes que depuis la vallée. Un début d’écroulement ébréchait certaines d’entre elles mais d’autres portaient encore des pavillons de bois ajouré qui avaient dû servir pour le guet. De cette hauteur – plusieurs centaines de mètres au-dessus de la ville – on découvrait alors des kilomètres de remparts s’étendant à perte de vue : la muraille de Chine en plus mince et presque aussi rébarbative.



— Mes ancêtres s’entendaient à protéger leurs terres, émit Jay Singh, momentanément détourné de sa prière.

— Je vois. C’est impressio

Mais déjà on arrivait. Une seule porte, monumentale, commandait l’entrée du fort. Elle s’ouvrit devant l’éléphant avec un grondement sourd et se referma aussitôt. Il y avait là une vaste cour do

— Chandra Nandu, le Maître, nous attend.

On traversa des salles, des cours, des galeries où demeuraient des vestiges de splendeur : des fresques rehaussées d’or, des plafonds dorés et sculptés, des balcons treillissés, des colo

— Il peut vous apprendre beaucoup, chuchota-t-il d’un ton pressant, mais il faut lui montrer le respect qu’il est en droit d’attendre car il est sans doute le plus grand saint de toutes les Indes…

Ensuite, assis en tailleur à quelque distance du vieil homme, un dialogue s’engagea en hindoustani et Aldo en profita pour mieux examiner celui que le maharadjah appelait son Maître. Le visage, entièrement rasé comme le crâne, était d’une surprenante beauté en dépit du réseau serré des rides. Cela tenait sans doute à l’ossature fine et ferme à la fois. Quant au regard profondément enfoncé sous d’épais sourcils blancs, il n’était pas noir mais d’un vert clair évoquant un haut-fond d’océan sous le soleil. La plupart du temps les paupières fripées le voilaient mais, quand Chandra Nandu les ouvrait – une ou deux fois seulement au cours de l’entretien ! –, il do

Enfin, au bout de quelques minutes, le maharadjah se releva, et après s’être prosterné, se tourna vers son invité :

— L’ho

Aussitôt Morosini fut debout :

— Quoi ?… Mais il n’en a jamais été question !

— Je sais, je sais, mais je n’imaginais pas que Chandra allait voir en toi un être d’exception. Il souhaite te co