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— Mon Dieu non, fit Aldo en riant. J’aime les voitures mais je leur préfère de beaucoup les joyaux…

— Alors nous n’allons pas vous faire attendre plus longtemps.

Morosini était habitué aux collections prestigieuses. Il en avait déjà rencontré beaucoup, à commencer par celle de son beau-père, mais en pénétrant dans les salles où s’entassait la richesse d’Alwar il eut un éblouissement et, repris par sa passion des pierres magiques, oublia pour un moment qu’il n’était pas là pour son simple plaisir. Plusieurs salles se faisaient suite en enfilade, fermées par des portes de bronze inviolables, éclairées par des fenêtres de marbre ajouré qui l’étaient pareillement. Dans la première, des armoires vitrées mais renforcées présentaient des merveilles : les nombreuses couro

— Auriez-vous découvert le Graal, le vase qui recueillit le sang du Christ ? La tradition dit qu’il était fait d’une seule émeraude…

— Il faudrait pour cela que le grand empereur Akbar, mon ancêtre, l’ait découvert, car c’est à lui qu’appartenait cette coupe fabuleuse. Elle semble vous émouvoir ?…

— Je ne pensais pas qu’il fût possible de voir pareille merveille, murmura-t-il tandis que ses longues mains fortes et délicates caressaient le prodigieux objet, dont il fallut bien finir par se séparer pour qu’il reprît sa place dans la niche de cristal. Il put ensuite admirer un collier d’énormes rubis taillés de façon divine, des joyaux de perles, de diamants et d’émeraudes. Seul le saphir en était absent car il passait pour être, sinon maléfique, du moins peu désirable ! L’ensemble était d’une grande beauté, même si les montures étaient trop lourdes ; mais dans les bijoux indiens l’or avait presque autant d’importance que les pierres.

Morosini vit aussi une éto

— Mais tout ceci n’est qu’apparence, soupira soudain l’homme qui cependant se couvrait toujours de ces apparences avec une telle profusion. Le grand Ramakrishna a écrit « Quand vous aurez reco

— Je n’en suis pas encore là, fit Morosini en riant. Ni vous non plus, Altesse, car grâce à Dieu vous savez à merveille porter ces splendeurs et je crois que vous y trouvez plaisir. Ce qui est bien normal : ni vous ni moi n’avons l’âge des renoncements. À ce propos…

Il tira de sa poche le sachet de daim dans lequel il avait placé la « Régente » après l’avoir extraite de ses chaussettes, en sortit la grosse perle, la prit par son attache pour la déposer sur le coussin de velours placé là pour recevoir les joyaux quand on les sortait de leur vitrine :

— Voici la « Régente », la perle impériale que vous m’avez demandé de vous apporter. Qu’en pensez-vous ?

Les mains gantées de soie s’en emparèrent avec une avidité inattendue chez un homme si riche. Elles la palpèrent, la caressèrent, la mirèrent, la respirèrent même. Les étranges yeux de tigre luisaient comme ceux du fauve quand il guette sa proie :





— Admirable ! Plus belle encore que je ne le pensais ! Ah, je sens qu’une fois montée en collier elle sera l’un de mes joyaux préférés. Mais il faut lui trouver des compagnes dignes d’elle, des diamants aussi peut-être ? Je vais convoquer mes joailliers dès ce soir…

Il remit la perle dans le sachet, fourra le tout dans sa poche puis, empoignant Aldo par les épaules, il lui do

— Merci, mon ami, merci ! Cette perle sublime sera le maillon qui nous unira à jamais ! Viens, j’ai encore d’autres petites choses à te montrer !

C’était sans doute très flatteur mais, en bon commerçant, Morosini se demanda si le maharadjah n’était pas en train d’oublier joyeusement qu’il lui devait encore la moitié du prix convenu, et qu’en tout état de cause lui, Morosini, ne tenait absolument pas à être uni à ce demi-barbare par quelque lien que ce soit, même une dette. Mais sans doute serait-il du dernier vulgaire de parler argent à cet instant ? Il serait toujours temps quand on quitterait Alwar pour Kapurthala.

La visite continua par une autre salle où l’on conservait des manuscrits qui eussent fait le bonheur de Guy Buteau. Il y avait là entre autres un  Mahabahrata datant de plusieurs siècles, écrit sur un rouleau de papier mesurant 66 mètres et écrit si finement qu’il fallait une loupe pour distinguer les lettres, sorte d’exploit qui laissa Morosini assez froid. Il préféra de beaucoup un somptueux exemplaire du  Gulistan, le « Jardin des Roses », du poète persan Saadi, datant du XIIIe siècle, richement enluminé et illustré d’exquises miniatures. Il se fût volontiers attardé à en déguster les délices mais, comme un gardien de musée qui voit arriver l’heure de la fermeture, Jay Singh se mit à presser le mouvement, passa en courant d’air à travers une collection d’instruments de musique, fit admirer ensuite quelques salons : celui des Miroirs, celui des Chasses où les murs disparaissaient sous les trophées et qu’habitait une impressio

— Mon grand-père, Banai Singh, présenta Alwar. C’était un grand prince rajpoute et un vrai guerrier : le Rajpoute ne se sépare jamais de son sabre ni de son cheval !

C’était peut-être vrai en réalité mais pas en peinture : il n’y avait pas le moindre cheval à l’horizon. Morosini n’en salua pas moins l’ancêtre comme le faisait Jay Singh lui-même.

— Puisque vous êtes sorti en ville vous avez dû remarquer au bord du lac intérieur ce magnifique monument de grès brun avec ses neuf dômes de marbre blanc : c’est son mausolée, mais on l’appelle Rani Musi Chatri par vénération pour sa veuve, la Rani Musi qui à sa mort s’est faite « sati ». Cela veut dire…

— Qu’elle est montée vivante sur le bûcher funéraire de son époux, traduisit Aldo. J’espère que Votre Grandeur a ba

— Les Anglais l’ont exigé mais… il est bien difficile, une fois mort, d’empêcher un peuple de suivre ses coutumes… et à une veuve inconsolable de chercher à suivre son époux et d’acquérir la sainteté… Venez maintenant ! J’ai encore quelque chose d’intéressant à vous montrer !

Morosini commençait à en avoir assez mais dut tout de même suivre son hôte dans une pièce, petite par rapport aux autres, une salle à manger dont le centre était une table ronde en argent massif dont le plateau s’ornait de scintillantes vagues gravées en trompe-l’œil. Au milieu il y avait un candélabre en argent, lui aussi orné d’une profusion de branches, de lianes et de fleurs étranges, un objet plutôt fantastique mais qu’Aldo ne trouva pas vraiment beau.