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— N’était-ce pas risquer d’accroître les difficultés de Violaine ?

— Non, parce que si elle venait à disparaître sans enfants, les bijoux iraient à une fondation charitable.

— Autrement dit, elle n’a pas le droit de s’en défaire ? Par conséquent le sieur Dostel m’a menti… et peut-être aussi le notaire ! Mais poursuivez !

— J’ai accepté mais j’ai changé en quelque sorte mon fusil d’épaule. En effet j’avais prévu de doter ma toile d’une parure de rubis et de diamants comme on me le demandait mais j’ai pensé alors que j’avais devant moi l’occasion rêvée de lancer les foudres de la Justice sur les traces d’un assassin.

— Je n’appartiens pas à la Magistrature et ne manie pas les foudres de la Justice comme vous dites.

— Non mais vous êtes sans aucun doute le « nez » le plus fin quand il s’agit de flairer la piste des pierres illustres. Si vous n’étiez pas venu j’avais dans l’idée de vous écrire… Voilà pourquoi au lieu d’une parure anonyme j’ai reproduit sur Olympia les joyaux de la Sorcière de Florence !

— À Florence on dirait plutôt la Sorcière de Venise, remarqua Morosini qui ajouta : Autrement dit vous les avez déjà vus d’assez près pour être capable de les reproduire parfaitement mais vous ne savez pas où puisque vous parlez d’un assassin. Celui qui s’en est emparé, je suppose.

— Vous supposez juste et il faut, à présent, que j’entame une autre histoire… beaucoup plus sombre…

Le bruit de la porte d’entrée ouverte et refermée lui coupa la parole et lui fit baisser le ton en la reprenant :

— Si c’est Etie

C’était Emilia. Une seconde après, elle entrait, jolie silhouette vêtue d’un ensemble rouge nacarat terminé autour du cou par une cravate de petit-gris assortie à la couleur des gants et de la petite cloche de feutre dissimulant une bo

— Le prince Morosini, ma chère Emilia, présenta le peintre. J’ai bien dû vous en parler une douzaine de fois ?

La jeune femme se débarrassa précipitamment du carton de pâtissier qu’elle portait au bout d’une faveur rose mais renonça à se déganter pour tendre la main à Aldo afin d’éviter une précipitation maladroite.

— Au moins ! fit-elle avec un sourire où se retrouvait la candeur de l’enfance. Je suis très heureuse, prince ! Je… euh… je vais porter ceci à Etie

— Etie

— Ah bon ?… Alors je vous laisse !…

— C’est moi qui vais vous laisser, reprit Morosini en arborant son plus beau sourire. Je dois partir. Quant à cette affaire dont nous parlions, reprit-il pour Boldini, voulez-vous que nous y revenions plus à loisir… demain, si vous êtes libre, mon cher Maître ? Nous pourrions déjeuner… au Ritz par exemple ?

Derrière leurs lunettes, les yeux du peintre retrouvèrent leur vivacité d’antan. L’invitation visiblement, l’enchantait :

— Quelle bo

— Préférez-vous Maxim’s ?

— Ah non ! À midi ce n’est pas amusant et le soir… c’est trop tard pour moi ! Que voulez-vous, je suis devenu une sorte de fossile que les gouvernements couvrent de décorations… mais que l’on n’invite plus guère !… La princesse vous accompagnera-t-elle ? ajouta-t-il incorrigible.





— Un repas d’affaires ne s’accommode pas d’une présence féminine, fit Aldo doucement. Vous pourrez la voir plus tard.

La joie dont s’illuminait le curieux visage du peintre disparut sous un nuage.

— Plus tard ?… Je crains bien, mon ami, qu’à la réflexion il ne soit déjà trop tard pour moi ! Peut-être vaut-il mieux que je ne la voie pas ?… Ce serait trop douloureux de n’être plus capable de traduire sa beauté ! Une sorte d’impuissance bien pire que l’autre, celle qui vient de l’âge…

Il y avait dans la voix de l’artiste une vraie douleur qui atteignit Morosini. Boldini était-il vieux, ou malade à ce point ? L’entendre évoquer une possible incapacité, lui dont les appétits sexuels étaient co

— Allons ! fit-il tandis que le peintre le raccompagnait jusqu’au seuil de sa maison, quand on s’apprête à épouser une aussi jolie femme, on ne cultive pas les idées noires. Un simple crayon vous suffit pour faire naître sur le papier d’incroyables éclairs de beauté ! Le phœnix renaît toujours de ses cendres avec vous. À demain…

En se mettant à la recherche d’un taxi, Aldo pensa qu’il aurait pu s’accuser d’avoir forcé la note si Boldini n’était né, comme lui-même, au soleil d’Italie où l’on cultive avec grâce l’exagération au quotidien. Une façon comme une autre de se remonter le moral et, dans le cas présent, le sourire du peintre l’en avait récompensé.

Il eut la certitude qu’il avait pleinement réussi, le lendemain, quand Boldini appuyé sur une ca

Ce bel effort vestimentaire trouva sa récompense dans les saluts, surpris mais souriants – on ne l’avait pas vu depuis longtemps dans un lieu mondain ! – que lui adressèrent plusieurs perso

— Votre visite est un ho

— Je ne sors plus guère, mon cher Olivier et il a fallu toute l’insistance du prince Morosini pour me tirer de mon trou… mais j’avoue que je suis heureux de revoir cette belle maison et de retrouver sa cuisine.

— Par exemple notre mousseline de sole Empire ?

Le peintre éclata de rire… et acheva de retrouver sa jeunesse :

— Quelle mémoire ! s’écria-t-il enchanté en laissant planer sur la salle élégante et fleurie un regard qui en reprenait possession.

— Olivier n’est pas le seul à en avoir, remarqua Morosini en s’emparant du menu qu’on lui offrait, j’aperçois deux ou trois jolies femmes qui vous regardent avec des yeux gourmands. Soyez certain qu’elles savent qui vous êtes…

Rien n’était plus vrai. La présence de l’artiste animait discrètement les élégantes convives. Des têtes se rapprochaient, de beaux yeux se mettaient à briller à la pensée des portraits magiques dont cet homme possédait le secret. Les femmes se voyaient bien à la place de la duchesse de Marlborough, de la princesse Bibesco ou de la princesse Anastasie de Grèce, les hommes se souvenant avec un peu d’envie du magistral portrait de Verdi, ou de celui, percutant, de Robert de Montesquiou…