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— Autrement dit tu as fait la traversée pour rien ? demanda Aldo.

— Ce n’est pas cela : je n’ai pas perdu mes chances de l’avoir et de toute façon à cause de la baro

Cependant celui-ci se contenta de grogner :

— Je sais. Parle-moi plutôt du fauteuil ! Qu’est-ce qu’il fait à Boston ?

— Il appartient maintenant à Diana, la fille aînée du vieux Lowell, qui y habite. Elle a réussi à le faire entrer dans sa part de succession en disant que son père le lui avait promis.

— Cela veut dire qu’elle ne le vendra pas.

— Tu n’y es pas. Ce qu’elle veut c’est faire monter les enchères. Elle sait que je dois venir et elle a déclaré au notaire qu’elle m’attendait. Il va falloir que j’aille là-bas, émit Vauxbrun avec un soupir aussi lourd que s’il devait s’embarquer pour la Patagonie.

— Et alors ? Ce n’est pas le bout du monde, Boston. Ce ne doit pas faire beaucoup plus de cinq cents kilomètres…

— Je sais et si je pouvais traiter entre deux trains je ne t’en parlerais même pas mais j’ai bien peur d’être obligé de rester beaucoup plus longtemps. J’espérais pouvoir acheter avant que la succession ne soit liquidée mais si mon affaire ne dépend plus que de Diana ça va être toute une histoire. Je vais devoir palabrer pendant des jours et des jours ?

— Tu veux dire marchander ? Mais ça ne te ressemble pas. Quand tu veux quelque chose – en particulier pour ta collection ! – tu paies le prix ! Point final !

— Le malheur c’est que ce n’est pas si simple. La marotte de cette femme c’est le XVIIIe siècle français et comme elle n’a pas souvent un interlocuteur de ma taille elle va en profiter et faire traîner en longueur.

— Mais enfin elle doit savoir que tu as autre chose à faire que t’asseoir, une tasse de thé à la main, pour parler Louis XV à perte de vue ?

— Pas Louis XV, Pompadour ! Elle a pour la marquise une vraie passion. Jusqu’à essayer de lui ressembler !

— Tu n’aurais pas une bricole lui ayant appartenu et que tu pourrais lui proposer comme mo

— Si ! fit l’antiquaire morose. J’ai un bonheur-du-jour provenant du château de Choisy… mais il me serait pénible de m’en séparer. Tu dois le comprendre, toi ! En outre, si je le mets sur le tapis, mon joli petit meuble, elle est capable de vouloir venir le chercher elle-même et tout de suite. Tu peux être sûr qu’elle ne me lâchera plus et que je devrai rentrer par le premier bateau. Or…

— Or cela ne t’arrange pas ?

— Pas du tout ! J’aimerais rester à New York deux ou trois semaines. Ma maison de Paris marche presque toute seule avec Bailey et il se peut que je trouve ici une occasion ou deux.





Il devenait fébrile et Aldo pensa, tristement, que lui aussi était sévèrement mordu et que cette fichue Amérique était en train de lui enlever ses plus chers amis. Aussi mit-il une grande douceur en remarquant :

— J’ai peur que cela ne te suffise pas. Deux ou trois semaines sont vite passées et il faudra bien que tu rentres un jour. À moins que tu ne décides de transporter la place Vendôme dans Washington Square ?

On y arrivait justement, ce qui permit à Gilles de ne pas répondre sinon par un nouveau soupir. Une idée traversa alors l’esprit d’Aldo tandis qu’ils so

— Remarque : ces contretemps sont véritablement agaçants. Je suis comme toi… ou plutôt non je ne suis pas comme toi parce que moi je n’ai qu’une hâte, c’est de rentrer à Venise. Or, j’ai l’inten­tion de partir dès demain pour Newport. Et pas pour m’amuser. Je préfère au contraire que la Saison ne soit pas commencée…

Il avait touché au but : quand la porte s’ouvrit libérant la lumière du hall d’entrée, celle-ci lui permit de voir la figure de Vauxbrun s’épanouir brusquement comme un bégonia assoiffé sous l’arrosoir. C’était évident : ce qui e

La soirée n’en fut pas moins charmante.

La maison de Pauline acheva de convaincre Morosini de ce dont il s’était déjà aperçu. À savoir qu’aux États-Unis, le statut d’artiste n’avait aucun point commun avec celui des rapins de Montmartre ou de Montparnasse, ces sommets de l’Art parisien, et que le talent ne s’y réfugiait pas sous un toit percé ou dans une chaumière.

Elle n’avait guère de points communs non plus avec les hôtels démesurés, pompeux à la limite de l’étouffant et dorés sur tranche, alignés au long de la 5e ou de Park Avenue. Pas immense, cette demeure privilégiait le style colonial pour la simplicité des beaux meubles anciens en y mêlant avec bonheur des œuvres d’artistes contemporains comme l’un des « Toits » éblouissants de soleil d’Edward Hopper qui était d’ailleurs le voisin immédiat, un coin de jardin de Claude Monet, un Van Dongen, une ébauche de Rodin, une collection de statuettes chryséléphantines de Chiparus, une « Rue de New York » de Prendergast, une tête de femme romaine en bronze et quelques-unes de ces étranges statues venues des lointaines Cyclades et de la nuit des temps. En fait, un assortiment de ce que peut rassembler une artiste doublée d’une femme de goût fortunée. Les lignes sobres, les couleurs claires de l’intérieur laissaient leur pleine valeur aux œuvres exposées ainsi qu’à l’esthétique de Pauline elle-même vêtue pour ce soir d’une longue et simple robe de velours noir sous un grand sautoir de perles magnifiques.

Pas d’armée de domestiques non plus. Trois serviteurs seulement, un « butler » anglais qui servait aussi de chauffeur, une cuisinière française et une femme de chambre américaine assuraient une vie quotidie

— C’est une vraie joie de venir chez vous, baro

— Il faudrait que j’en do

— Ceci n’est pas n’importe quoi, émit Aldo en promenant sous son nez la tulipe de cristal à demi pleine d’un meursault remarquable…

— Mon défunt époux possédait une qualité – je me suis souvent demandé si ce n’était pas la seule en dehors de son physique ! – : il aimait les vins et savait les choisir. J’ai grâce à lui une excellente cave.

— Je sais d’expérience, fit Aldo, que la prohibition ne vous dérange pas beaucoup. L’occasion m’a été do

— Ayant la double nationalité autrichie