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Un coup d’œil à sa montre affichant midi lui fit admettre que l’heure était plus que convenable pour une visite :

— Priez-le d’attendre dix minutes et faites-le monter ! Envoyez-moi aussi du café très fort ! Pour deux !

Il sauta à bas de son lit, se précipita sous la douche sans attendre que l’eau chauffe, s’étrilla vigoureusement, s’arrosa de lavande anglaise et s’habilla sommairement d’un pantalon de flanelle grise, d’un chandail de même couleur sur une chemise blanche. Il achevait de se brosser les cheveux quand on frappa : précédé par un plateau de café que soutenait un serveur, Berthier fit son apparition avec une mine défaite laissant supposer qu’il n’avait pas dû dormir beaucoup la nuit précédente.

C’était inhabituel chez lui. Grand garçon d’un mètre quatre-vingts taillé comme un rugbyman, le journaliste jouissait d’une évidente bo

— Ça n’a pas l’air d’aller très fort ? remarqua-t-il le nez dans sa propre tasse.

— Ça ne va même pas du tout ! La petite Autié a disparu !

— Comment ça disparu ?

— Envolée, volatilisée ! Il me semblait pourtant que disparu était le terme idoine ? J’explique : hier en fin d’après-midi on l’a vue rentrer chez elle et on n’a plus bougé.

— C’est qui : on ?

— Moi et mon copain Ledru, le photographe avec qui en général je fais équipe. On s’est installés dans ma voiture légèrement en retrait de la grille afin de pouvoir surveiller les allées et venues éventuelles. Je vous avoue qu’on s’est demandé un instant ce qu’on faisait là. Tout avait l’air si tranquille ! Pas un chat dehors en dépit de la douceur du temps qui incite généralement les gens à prendre le frais devant leur porte…

— C’est un quartier de petites maisons pourvues de jardins. On prend le frais chez soi !

— Vous n’y co

Devant le geste impatient de Morosini, il poursuivit :

— J’y viens ! Donc on a pris la veille à tour de rôle. Vers minuit c’est moi qui étais de garde et j’ai entendu du bruit. Assez fort comme si quelqu’un tapait dans les murs pour accrocher des tableaux ou quelque chose dans ce genre-là. J’ai réveillé Ledru…

— Et vous êtes allés voir ?

— Sous quel prétexte ? En rentrant, la demoiselle avait fermé ses volets et aussitôt elle a allumé. D’ailleurs, au moment du vacarme c’était encore éclairé. J’ai tout de même escaladé le mur pour essayer de voir par les fentes des volets. J’ai juste aperçu les jambes de la demoiselle qui devait être assise dans un fauteuil. Jolies d’ailleurs ! Le bruit s’est arrêté à ce moment et je suis retourné à la voiture. La demoiselle a fini par éteindre et moi j’ai passé la garde à Ledru. La nuit s’est achevée sans autre incident.

Au matin on a vu la voiture du laitier. Il a so

« Cette fois on y va ! » m’a dit Ledru, en sortant son couteau suisse grâce auquel nous avons ouvert la grille sans trop de peine après nous être assurés qu’il n’y avait perso



— L’atelier du grand-père. Vous y êtes entrés ?

— Comme de juste mais il n’y avait rien d’intéressant à l’exception d’une espèce d’autel avec dessus un torse de femme nue qu’on a trouvé bizarre. Les chandelles qui sont devant ont dû servir dans la nuit : ça empestait la cire refroidie. Après on a fouillé le jardin mais nulle part on n’a trouvé trace de la demoiselle. Ledru voulait aller à la police mais comme c’est vous qui m’avez envoyé j’ai préféré venir vous voir…

— Vous avez eu raison, dit Aldo songeur. Vous avez vraiment tout examiné ?

— Pour ça, on peut nous faire confiance. Tout a été passé au peigne fin et on a pratiquement acquis la certitude que votre protégée est partie en chemise de nuit et en pantoufles. On a retrouvé ses vêtements d’hier et, dans son armoire aucun cintre n’était inoccupé. Et si vous ajoutez ceci…

D’un morceau de papier plié dans sa poche Berthier sortit un large tampon de coton auquel s’attachait encore une odeur de chloroforme.

— Cela signe l’enlèvement ! soupira Aldo. Et comme vous n’avez pas perdu l’entrée de vue on peut se demander par où les ravisseurs sont passés.

— L’atelier s’appuie à un mur possible à franchir. Même avec un fardeau si l’on est suffisamment solide.

— Il do

— Une impasse aveugle et, comme il a pas mal plu ces temps derniers, la terre y a gardé l’empreinte de pneus assez larges indiquant une grosse voiture. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

— On déjeune ! Faites un brin de toilette pendant que je vais chercher Vidal-Pellicorne. Où est votre Ledru ?

— Il est rentré à notre hôtel… qui n’est pas celui-là.

— On va l’y prendre. Il y a, paraît-il, rue du Pain, près du marché Notre-Dame, un bon restaurant tranquille. Après, vous rentrerez provisoirement dans le rang et moi je vais voir le commissaire Lemercier pour lui dire que je suis allé ce matin chez Mlle Autié et que je crains fort qu’elle n’ait disparu.

Il fut impossible de ramener Adalbert à la réalité du jour. Victime d’une solide gueule de bois, il était vert comme une salade et refusait de bouger même une oreille. On le laissa là.

Après un repas confortable au cours duquel Aldo fit pour Berthier et Ledru le compte rendu détaillé de la fête nocturne, on se sépara : les journalistes pour téléphoner le « papier » qu’il venait de leur suggérer et Morosini pour se rendre à l’hôtel de police afin de faire part à Lemercier de son « inquiétude » au sujet de Caroline.

Plus « Dur-à-cuire » que jamais et l’œil mauvais, le policier le reçut comme un chien dans un jeu de quilles. Assis à son bureau, la tête dans les épaules, il ne lui offrit pas de s’asseoir et grogna :

— Il date de quand votre dernier coup de téléphone ?

— Mais… un peu avant midi. Pourquoi ?

— Vous ne seriez pas allé faire un tour chez elle, par hasard ?

— Mon Dieu non ! Je me suis couché extrêmement tard et je n’ai pas quitté l’hôtel ce matin, fit Aldo avec la satisfaction de dire la vérité. Je venais même vous demander de me faire accompagner par un de vos hommes. Je ne vous cache pas que nous sommes soucieux, Mme de Sommières et moi, d’avoir dû la laisser rentrer dans une maison aussi… malsaine !

— Cette grande inquiétude ne vous a pas empêchés de passer une excellente soirée, n’est-ce pas ?

Le ton était franchement acerbe mais Aldo ne parut pas le remarquer :

— Vous savez pour quelle raison nous l’avons maintenue puisque votre opinion allait dans ce sens mais nous en avons co