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Mme de Sommières parcourut les adresses, leva un sourcil puis, avec un calme parfait :

— Deux lettres seulement ? Il me semble, à moi, qu’il devrait y en avoir trois ?

— Pourquoi trois ?

— Si j’ai bien compris, tu comptes te faire tuer glorieusement ce soir aux côtés de ton « plus que frère », comme dit Lisa ? Il conviendrait donc d’écrire quelques mots à ta femme afin de lui exposer la situation et de lui dire adieu. Je suis sûre qu’elle apprécierait !

Le ton était froid mais les yeux verts étincelaient de colère sous ce qui était sans doute des larmes retenues. Frappé de plein fouet, Aldo se laissa tomber sur une chaise et passa ses mains sur son visage… C’était pourtant vrai que, hanté par ce qui menaçait Adalbert, il n’avait pas songé un seul instant à sa famille ! Ce n’était cependant pas faute de l’aimer… !

— Je me demande si je ne suis pas en train de devenir fou ? murmura-t-il. J’aurais dû do

— … mais tu as pensé qu’il ferait sûrement le bonheur de ton ami Adalbert et comme justement on t’invitait à venir en Égypte, c’était l’occasion rêvée ! Si notre archéologue faisait une découverte sensatio

— Qui songerait à vous do

— Eh bien, te voilà content ? Tu es servi selon tes désirs ?

— Pas vraiment ! Le jeu est faussé par le fait que nous avons déserté l’Histoire pour une légende enfoncée dans la nuit des temps…

— … et que tu as perdu tes repères ! D’ailleurs le jeu n’est pas faussé, comme tu dis. Ce qui te gêne, c’est que tu n’en es pas le maître. Tu as pris ton petit déjeuner ?

— Oui… enfin je crois. Pourquoi ?

— Parce qu’un café te remettrait les idées en place, conclut Mme de Sommières en so

Quand Marie-Angéline revint, Aldo reposait sa tasse. Elle lui tendit le sachet de daim en disant :

— À bien y réfléchir, je ne crois pas qu’Adalbert soit en danger de mort et ce serait peut-être imprudent de l’accompagner.

— D’où sortez-vous cela, Plan-Crépin ?

— C’est à force d’y penser. Normalement, Assouari aurait pu exiger que ce soit Aldo qui le lui porte. Rien que pour le plaisir de l’humilier puisque, si j’ai bien compris, quand il est allé à Venise, il n’a pas été accueilli en grande pompe au palais Morosini. Vous n’avez pas dû le traiter avec beaucoup de déférence ?

— Pourquoi l’aurais-je fait ? Le bonhomme me déplaisait… mais, s’il a choisi Adalbert, c’est pour une autre raison. Voulez-vous me dire en quoi le sort de la belle Salima pourrait me préoccuper, en dehors du fait qu’elle est un être vivant et qu’un homme digne de ce nom doit porter secours à qui en a besoin ? Pour Adalbert, c’est différent : il est amoureux d’elle !

— Et ferait n’importe quoi pour lui éviter la moindre égratignure, nous sommes d’accord, mais vous pouvez être certain qu’il ne va pas tirer sur Adalbert dès la remise de l’A

— Vous croyez ?

— Bien sûr, je crois ! Assouari aurait réussi à obtenir un plan indiquant l’emplacement du tombeau, seulement ce plan, il ne sait pas le traduire ! À l’heure actuelle, rares sont les Égyptiens capables de déchiffrer les hiéroglyphes en dehors des spécialistes. Je serais surprise qu’Assouari, tout prince d’Éléphantine qu’il se veuille, ait appris cette discipline à l’école ?

— Votre argument ne tient pas, Angelina. Il a Salima, sa fiancée de bon ou de mauvais gré, en son pouvoir. Elle est archéologue…

— Débutante ! Ne l’oubliez pas ! Adalbert, lui, est un professio



Machinalement, Aldo prit le petit sac en échangeant avec Tante Amélie un regard surpris. Ce fut celle-ci qui réagit :

— Bravo, Plan-Crépin ! Je ne sais pas si ce sont vos tête-à-tête avec cet étrange bijou qui vous ont inspirée mais je vous tire mon chapeau !

— Et moi, ma révérence ! soupira Aldo en empochant le sachet. Ne m’attendez pas pour déjeuner : je vais rester chez Lassalle jusqu’à l’ultimatum dont on ne sait quand il arrivera… En espérant que nous pourrons prendre… quelques dispositions pour venir en aide à Adalbert…

— Si on le fait venir au vieux château, comme tout le laisse supposer, je ne vois pas ce que tu pourrais faire ? Sois prudent, je t’en conjure !

Ému par l’angoisse qu’il sentait vibrer dans la voix de la vieille dame, Aldo la prit dans ses bras :

— Allons, Tante Amélie ! Vous, toujours si brave ? Ce n’est pas le moment de flancher ! Il faut prier ! J’appellerai dès que nous aurons des nouvelles, si cela peut vous rassurer !

— Et moi ? protesta Plan-Crépin. Je fais quoi ?

Elle avait sa tête des mauvais jours. Aldo lui posa une main sur l’épaule et un baiser rapide sur le front :

— Vous, vous restez près du téléphone et vous veillez sur notre marquise. Ce n’est déjà pas si facile !

— Surtout si vous ajoutez lady Clémentine qui se voit déjà veuve ! Étant do

Ce fut une journée éprouvante parce qu’elle parut interminable aux trois hommes réunis dans le cabinet de travail d’Henri Lassalle. Sauf peut-être pour ce dernier : enfin, il pouvait contempler l’A

Et la nuit vint. Rapide comme toujours après un merveilleux coucher de soleil déployant un éblouissant kaléidoscope de pourpre, d’or et d’améthyste auquel perso

— Lassalle ! a

Il écouta sans rien dire pendant quelques instants puis raccrocha :

— Voilà ! dit-il à Adalbert. Tu dois être à minuit, seul et sans armes, au ponton du Cataract. Un bateau t’y attendra…

— C’est tout ? fit Aldo.

— Ça ne vous suffit pas ?

— C’est surtout inattendu ! Nous pensions au château d’Ibrahim Bey. On dirait qu’Assouari a choisi de rentrer chez lui ?

— Mon cher ami, dites-vous bien qu’il est tout sauf naïf. Ce choix ne signifie ni l’un ni l’autre. Ce n’est pas la place qui manque sur le Nil et dans ses îles.

— Alors il faut essayer de le surveiller en prenant les devants. En dehors de votre dahabieh, vous avez certainement un bateau ?

— J’en ai même plusieurs. Vous voulez…

— Que Farid me conduise à l’un d’eux. Une barque de préférence, facile à manœuvrer en solitaire. J’irai y attendre qu’ils emmènent Adalbert…

— Tu tiens vraiment à te faire bousiller ? protesta celui-ci. Si Plan-Crépin a raison et si Assouari veut me capturer, le mieux est de le laisser faire. Cela voudra dire au moins que je ne serai pas en danger immédiat…