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Mais ce soir-là était béni du Ciel. Pas la moindre tête co

— Bonsoir, Excellence ! lui dit-il en contrôlant son titre de transport. Et bienvenue à bord ! Je pense que le voyage sera agréable : le temps est un peu froid mais sec et demain nous promet une journée ensoleillée.

— Rien que des bo

— Aucun pour ce que j’en sais, Excellence ! Beaucoup d’Anglais (14). Si vous voulez bien me suivre, vous êtes au numéro sept et, dès le départ du train, je vous ferai porter une fine à l’eau !

— C’est décidément un bonheur que voyager avec vous, Albert ! Vous avez une mémoire fantastique.

Peu de temps après, assis près de la fenêtre sur le divan dont Albert ferait un lit tout à l’heure, Aldo, sans toucher à la pile de journaux qu’il avait posée près de lui, allumait une cigarette et se mit à fumer en regardant, sans trop le voir, le décor de la gare. Le train allait partir dans quelques instants et c’était un moment qu’il aimait où, après le dernier « En voiture, s’il vous plaît ! » clamé par le chef de train, le claquement des portières, les derniers « au revoir » échangés entre ceux du quai et ceux des fenêtres, le convoi bleu et or entamait lentement et majestueusement son voyage vers les pays du soleil. Peu à peu, le rythme se faisait plus rapide jusqu’à ce que, signalé par un long sifflement quasi triomphal, il atteigne sa vitesse maximale.

Quand Albert lui eut apporté la boisson promise, Aldo la dégusta en regardant vaguement défiler une banlieue dont la nuit dissimulait la lèpre au bénéfice des lumières jaunes évoquant un champ de lucioles.

Maintenant qu’il était confortablement installé, il do

Ce n’était pas la première brouille survenue entre eux, mais les précédentes n’avaient pas excédé quelques semaines sans les séparer tout à fait parce qu’ils défendaient les mêmes intérêts, pourtant maintenant, Aldo craignait que ce ne fût plus grave… voire définitif puisqu’ils ne se retrouvaient plus dans le même camp. Et c’était pour cela surtout qu’il abando

La cloche du premier service le tira de ses réflexions. Il se lava les mains, do

— Voyant ce que nous avons ce soir, j’ai pensé que vous préféreriez la solitude, chuchota-t-il avec un léger mouvement de tête en direction des tables de quatre convives que leurs occupants, anglais ou américains, animaient trop bruyamment.





— C’est sagement pensé ! apprécia Aldo qui consulta le menu, choisit son vin puis plia son journal de façon à pouvoir l’adosser à la lampe habillée de soie orangée et le lire tranquillement tout en mangeant.

Décidé à dîner léger pour se ménager un sommeil réparateur, il commanda des huîtres, une sole meunière et une compote de fruits variés, sans oublier un champagne d’un bon cru, ce qui eut l’avantage d’apporter quelques couleurs à une humeur qui décidément se mettait à raser les murs à la recherche des ombres les plus denses.

Délaissant un journal qui au fond ne l’intéressait absolument pas, il entreprit d’examiner le phénomène. Qu’est-ce qui, à mesure que le train s’enfonçait dans la nuit et l’éloignait de Paris, lui faisait éprouver cette espèce de regret ? Adalbert, encore ! C’était trop bête d’en rester à cette querelle idiote à propos d’une femme qu’ils ne co

Et puis, il y avait Pauline. Ses bras étaient si doux pour y réfugier un chagrin ! Sans compter un corps assez envoûtant pour faire oublier ses angoisses, ne serait-ce que l’espace d’une nuit… Mais ce n’était pas tout et, en creusant la question, Aldo découvrit qu’il regrettait… la Chimère ! Ou plutôt, la chasse à la Chimère ! C’était la première fois de sa vie qu’il abando

Son sentiment d’avoir déserté face à l’e

Consultant sa montre, il constata que l’arrêt à Dijon aurait lieu dans une heure. La halte durait dix minutes, plus qu’il n’était nécessaire pour descendre en gardant toute la dignité voulue, et il rentra dans sa cabine, prêt à prendre ses dispositions. La tentation gagnait du terrain.

Durant son absence Albert avait fait le lit, aux draps d’une blancheur impeccable et aux couvertures moelleuses, plutôt tentant pour un homme fatigué. Mais il se contenta de s’asseoir près de la fenêtre et d’allumer une cigarette en se posant de nouvelles questions. Où irait-il à Paris ? Difficile de retourner chez Tante Amélie ! Encore que…

Il en était à ce stade quand il entendit frapper, alla à la porte, ne vit perso

— Puis-je entrer ? murmura-t-elle.

Vêtue de blanches mousselines, ses abondants cheveux noirs croulant sur ses épaules, son visage sensible levé vers lui offrant son regard brumeux et ses lèvres rouges entrouvertes, elle était si belle qu’il eut un éblouissement.

— Toi, exhala-t-il. Toi… enfin !

Il prit doucement entre ses mains le beau visage offert pour un long baiser puis referma ses bras sur elle et l’emporta… Quand le train fit halte à Dijon, il ne s’en aperçut même pas…

Jamais nuit d’amour ne fut plus ardente… ni plus inconfortable ! Tenir à deux dans une couchette, même étroitement enlacés, n’est pas si évident. Il y eut même un épisode où un cahot sur la voie envoya Aldo sur le tapis à un moment crucial, mais Pauline l’y rejoignit aussitôt… et tout rentra dans l’ordre.