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Xaintrailles, dont les vifs petits yeux marron allaient de l'un à l'autre, entra dans la conversation :

— Cet ours auvergnat n'est pas digne de votre sollicitude, Madame. Vous devriez la reverser sur quelqu'un d'infiniment plus digne. Sur mon ho

Arnaud écarta du même geste et son ami et son écuyer. Il portait encore les pièces de l'armure jusqu'à la ceinture, mais, au-dessus, était seulement vêtu d'une chemise de lin blanc. Largement ouverte sur la poitrine, elle laissait voir l'emplâtre que l'on venait de poser sur la blessure.

— Je n'ai rien ! Que des égratignures ! fit-il en se levant avec effort. Va donc te battre, Rebecque t'attend. Et je te rappelle que, si je suis un ours auvergnat, tu en es un autre...

Xaintrailles plia deux ou trois fois les genoux pour voir si les jointures de sa carapace jouaient bien, passa la cotte de soie à ses armes et prit son heaume des mains d'un page, un casque impressio

— Je vais, je tue Rebecque et je reviens ! fit-il avec bo

Pour l'amour de Dieu, Madame, ne vous laissez pas impressio

Saluant à nouveau, il sortit en reprenant sa chanson au point où il l'avait laissée : « Las, si vous me déniez votre amour... »

Arnaud et Catherine demeurèrent seuls car les deux écuyers et le page étaient sortis sur les pas de Xaintrailles pour voir la joute. Ils étaient debout en face l'un de l'autre, seulement séparés par le coffret d'onguents laissé à terre par l'écuyer. Peut-être aussi par cet invisible antagonisme élevé entre eux et qui les rejetait chacun dans un camp e

— Vous avez des yeux violets, remarqua-t-il doucement, comme pour lui-même. Les plus beaux que j'aie jamais vus, les plus grands !

Jean a raison, vous êtes merveilleusement belle, merveilleusement désirable... digne d'un prince ! ajouta-t-il avec amertume.

(Brusquement son visage se ferma, son regard reprit sa dureté.) Maintenant, dites-moi ce que vous êtes venue faire ici... et ensuite allez-vous-en ! Je croyais vous avoir fait comprendre que nous n'avions rien à nous dire.

Mais la parole et le courage étaient revenus à Catherine. Ce sourire qu'il avait eu, ces mots qu'il avait dits, c'était plus qu'il n'en fallait pour la jeter à la conquête de l'impossible. Elle n'avait plus peur, ni de lui, ni des autres. Il y avait entre eux quelque chose d'invisible que le jeune homme, peut-être, ne percevait pas mais qu'elle sentait dans chaque fibre de son être. Arnaud aurait beau dire et faire, il ne pourrait empêcher qu'elle fût, en esprit et pour jamais, soudée à lui aussi complètement que s'il l'avait faite sie

— Je suis venue vous dire que je vous aime.

Le mot prononcé, elle se sentit délivrée. Comme cela avait été simple et facile ! Arnaud n'avait pas protesté, ne l'avait pas injuriée comme elle avait craint qu'il fît ! Non, il avait seulement reculé d'un pas en portant une main à ses yeux, comme si une trop vive lumière l'avait frappé, mais un long moment après, il avait murmuré sourdement :

— Il ne faut pas ! C'est là du temps et de l'amour perdus ! J'aurais pu, moi aussi, vous aimer parce que vous êtes belle et que je vous désire. Mais il y a entre nous des abîmes qui ne se peuvent combler et que je ne saurais franchir sans horreur, même si, un instant, je laissais la chaleur de mon sang l'emporter sur ma volonté. Allez-vous-en...

Au lieu d'obéir, Catherine s'avança vers lui, l'enveloppant de ce parfum, à la fois complexe et délicieux, que Sara s'entendait si bien à préparer. La douce senteur émanant de ses vêtements combattait victorieusement l'odeur de sang et de beaume qui emplissait la grande tente. Elle fit un autre pas vers lui, sûre d'elle et de son pouvoir.

Comment pourrait-il lui échapper alors qu'elle voyait sa main trembler et son regard se détourner ?



— Je vous aime, répéta-t-elle, plus bas et plus ardemment. Je vous ai toujours aimé, depuis la minute où je vous ai vu. Souvenez-vous...

Souvenez-vous de cette aube où, à votre réveil, vous m'avez trouvée auprès de vous. Rien d'autre alors n'occupait votre esprit... sinon que je vous plaisais. Et moi, j'ai accepté vos caresses, j'ai été bien près de m'abando

C'était la première fois qu'elle osait lui do

Peur ? Non. Je n'ai pas peur de vous, ni de vos sortilèges. De moi, peut-être... et encore ! Que venez- vous me parler d'amour ? Croyez-vous donc que je puisse être dupe de vos paroles ? Vous les prononcez si aisément, ma belle, qu'il faudrait être bien fou pour y croire !

Il s'animait à mesure qu'il parlait, chauffant ainsi sa colère qui était sa meilleure défense.

— Vous ne croyez pas à mon amour ? gémit Catherine atterrée.

Mais... pourquoi ?

— Parce que les mots dits à tous n'ont aucune valeur, voilà tout !

Comptons ensemble, voulez-vous ? J'imagine que vous les avez dits à votre gracieux époux... et au duc Philippe, puisqu'il est votre amant ?

À qui encore ? Oh ! peut-être à ce jeune et charmant capitaine qui vous courait après pour vous escorter sur la route de Flandres ? Cela fait donc au moins trois, plus tous ceux que j'ignore.

Malgré la promesse qu'elle s'était faite de ne point se fâcher, Catherine n'y put tenir. Ce ton persifleur était intolérable alors qu'elle venait à lui avec des mots d'amour. Son visage s'empourpra brusquement. Elle frappa du pied.

— Cessez donc de parler de ce que vous ignorez ! J'ai dit que je vous aimais et je le redis... Je dis maintenant que je suis pure... malgré le mariage, car mon époux ne m'a point touchée !

— Ni le duc ? lança Arnaud avec hauteur.

— Ni le duc ! Il me recherche mais je ne suis point à lui... ni à perso

— Qui me prouve que vous dites la vérité ?

La colère de Catherine tomba aussi soudainement qu'elle s'était levée. Elle enveloppa le jeune homme d'un rayo

— Oh... mon doux seigneur, c'est chose bien facile à prouver, il me semble !

Elle n'en dit pas plus. Ce fut lui qui fit un pas vers elle, attiré irrésistiblement par le clair visage qui brillait si doucement dans l'ombre bleue de la tente. Catherine lut, sur le visage crispé du chevalier, une irrésistible tentation, le même désir sans masque qu'au matin de Tournai. Elle sentit qu'il oubliait à cet instant tout ce qui n'était pas l'adorable forme féminine si proche de lui, qu'elle tenait sa victoire ! Elle enjamba sans le quitter des yeux, le coffret aux onguents, se coula contre la poitrine d'Arnaud et, dressée sur la pointe des pieds, glissa les bras autour de son cou et offrit ses lèvres. Il se raidit. Elle sentit la contraction de tous ses muscles comme si son corps tentait instinctivement de la repousser. Dérisoire défense ! La séduction du corps souple collé au sien agissait sur le jeune homme comme un filtre. Il perdit le contrôle de sa volonté à l'instant précis où Catherine, cessant de vouloir elle aussi, se laissait emporter par la passion et la tempête de ses sens. Tout s'effaça : les murs bleus de la tente, l'heure, le lieu, et jusqu'au vacarme qui venait du champ clos où trois mille gosiers braillaient avec ardeur.