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— Mon jeune seigneur, fit sévèrement le Maure, si vous voulez retrouver bien vite vos forces, il faut dormir ; ceci vous y aidera.

— Mes forces ? Mais je dois repartir et dès demain.

Il y a le message du Dauphin... Il faut que j'aille à Bruges !

— Vous avez la jambe brisée, vous resterez au lit, s'écria Abou-al-Khayr.

— D'ailleurs, intervint doucement Catherine, il est possible que vous ne trouviez plus le duc à Bruges. Il ne devait pas s'attarder mais bien regagner Dijon où l'attendent maintes affaires. À Dijon... où nous allons nous-mêmes.

A mesure qu'elle parlait, les yeux sombres d'Arnaud s'éclairaient.

Quand elle se tut, il voulut tendre la main pour saisir celle de la jeune fille, ne trouva que la robe de Mathieu et fronça les sourcils. Mais il se calma aussitôt, sourit et déclara que rien ne le rendrait plus heureux que cheminer avec elle.

— Je pense, ajouta-t-il, qu'il sera possible de trouver une litière.

— Nous verrons ça demain, coupa Abou. Buvez !

Quelques instants plus tard, sous l'effet de la puissante drogue opiacée, les yeux du chevalier se refermaient et il s'endormit d'un sommeil paisible. Tous les assistants se retirèrent à l'exception de l'un des Noirs à qui le médecin avait confié la surveillance de son patient.

Les deux serviteurs du petit Arabe étaient muets tous deux, ce qui, confia leur maître à Mathieu, diminuait les risques de dispute avec le blessé. Celui- ci paraissait avoir le « caractère impatient du scorpion dérangé dans son trou... ».

Catherine sortit la dernière, avec un soupir de regret.

La compagnie d'Abou-al-Khayr se révéla beaucoup plus amusante que ne l'avait supposé Catherine malgré l'obstination qu'il mettait à l'ignorer. Il était réellement jeune en dépit de sa barbe blanche qui n'était, expliqua-t-il à Mathieu, que le signe distinctif des médecins, des gens exerçant des professions libérales et des notables de l'Islam.

En pays coranique, les bourgeois avaient droit, eux, à une barbe plus courte et teinte en bleu ou en vert. La blancheur de cette belle barbe et son entretien étaient un constant sujet de soucis pour le médecin cordouan qui en prenait grand soin, comme d'ailleurs de toute sa perso

— Vos hammams que vous nommez étuves, disait- il d'un ton méprisant, seraient tout juste bons pour des esclaves, à Cordoue !

Mais, hormis cet inconvénient, il reco

— Ici, l'on trouve des cadavres à toutes les croisées de routes, conclut-il avec une profonde satisfaction.

Malgré son âge, il avait beaucoup voyagé, de Bagdad à Kairouan et des sources du Nil à Alexandrie, toujours à la recherche du savoir. Ce qu'il souhaitait maintenant, c'était se rendre à la cour du puissant duc de Bourgogne, du Grand Duc d'Occident, dont la réputation passait déjà les monts et les mers.

— Notre rencontre m'évite d'aller jusqu'à la ville sur l'eau, dit-il à Mathieu. Je ferai route avec le blessé et, ainsi, je pourrai le surveiller jusqu'en Bourgogne. Il en a besoin. Mais nous ne partirons que dans deux ou trois jours. Cette hôtellerie, après tout, n'est pas mauvaise.

Le petit médecin semblait, en effet, apprécier la cuisine. Il attaquait justement avec vigueur une poularde aux herbes qu'il arrosait de généreuses rasades de vin gris, oubliant les préceptes du Coran au profit des célèbres vignes de Sancerre.

— Alors nous nous retrouverons à Dijon, fit Mathieu qui, lui non plus, ne perdait pas un coup de dent, car nous reprendrons la route demain matin, ma nièce, mes gens et moi-même. Nous sommes déjà en retard...

Catherine, elle, ne mangeait pas. Elle s'était contentée de boire un bol de lait et grignotait distraitement une tartine de miel. Les derniers mots la tirèrent de sa songerie.





— Ce serait plus amusant de faire route tous ensemble, dit-elle.

Mathieu, alors, se mit en colère de la plus imprévisible façon.

— Non ! s'écria-t-il en tapant sur la table. Nous repartons ! Déjà, je n'ai pas beaucoup aimé la façon qu'avait ce seigneur de te regarder. Et toi, tu lui souriais, tu lui faisais presque des avances, ma parole !

D'ailleurs, il est temps que tu m'expliques où tu l'as déjà rencontré.

— N'y compte pas ! coupa Catherine froidement. Je n'ai rien à dire, si ce n'est que je n'avais jamais vu ce chevalier. Seulement il ressemble à quelqu'un que j'ai co

Saluant brièvement le drapier et son nouvel ami, elle se hâta de traverser la salle pour que Mathieu n'eût pas le temps de la rattraper, gravit l'escalier de bois et s'engagea dans l'étroit passage qui menait aux chambres ; les portes do

Devant celle d'Arnaud, sous laquelle filtrait un mince rai de lumière, elle hésita, prise d'une irrésistible envie d'entrer, de le regarder dormir. Le petit cabinet où elle devait passer la nuit était tout au bout de cette galerie, à l'opposé de la chambre de ce blessé si intéressant...

Un moment, elle resta là, debout dans le vent et la bourrasque. La pluie rejaillissait jusque sous l'auvent de la galerie. L'orage était déchaîné maintenant ! Le vent soufflait avec violence, chassant des paquets d'eau. Cela faisait comme des nuages qui se déplaçaient à ras de terre ! Les silhouettes torturées des arbres se balançaient de côté et d'autre. Catherine frisso

Mais elle aimait ce soir, le temps affreux, les éléments déchaînés, si bien accordés avec sa propre tempête intérieure. La violence des sentiments nés si spontanément en elle l'effrayait un peu. Jamais elle n'avait co

Que dirait Mathieu s'il la surprenait dans la chambre du blessé ?

Pour éviter de répondre à cette question, la jeune fille songea qu'il devait dormir à l'écurie et ne remonterait sûrement pas. Pourquoi faire

? Alors, incapable de résister plus longtemps au désir qui la poussait en avant, elle posa la main sur le loquet de la porte et entra.

Arnaud dormait, le Noir aussi. Le grand corps de l'esclave soudanais barrait l'âtre de la cheminée, roulé sur lui-même à la manière d'un gros chien. Le blessé reposait dans son lit, rigide, la tête disparaissant dans le gros pansement qui lui restituait un heaume tout de blancheur. L'étrange appareil, fait de morceaux de bois et d'une bande de toile trempée dans la bouillie de farine, que le médecin cordouan avait posé à sa jambe brisée, l'obligeait à rester étendu sur le dos et do

La respiration du blessé, un peu haletante, emplissait toute la pièce avec un léger ronflement. Il ne semblait pas souffrir. Et, tandis qu'elle le regardait silencieusement, Catherine se dit qu'il était vraiment plus beau que Michel. Peut-être parce qu'il était plus viril, plus homme, alors que son frère sortait à peine de l'adolescence. Il pouvait avoir vingt-trois ou vingt-quatre ans et, sous l'insolite coiffure confectio