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Le craquement des bûches reprit pleinement possession de la chambre tandis que Philippe et Catherine oubliaient une nouvelle fois le monde extérieur.
Quand elle lui apprit qu'elle attendait un enfant, il resta d'abord muet de surprise puis manifesta aussitôt une joie exubérante, la remerciant comme d'un rare présent.
— Tu m'enlèves tout remords ! s'écria-t-il. J'étais honteux de t'avoir appelée ici le soir même où ma mère... mais cette vie que tu m'a
— Je ferai ce que je pourrai, fit Catherine en riant. Tu es heureux ?
— Tu le demandes ?
Il sautait du lit et allait remplir, sur un dressoir, deux coupes d'or, dont il tendit l'une à Catherine.
— Du vin de Malvoisie ! Buvons à notre enfant !
Il leva sa coupe, la vida d'un trait puis se recoucha pour regarder Catherine boire son vin à petits coups.
— Tu as l'air d'une chatte devant un bol de crème, fit-il en se penchant pour recueillir, des lèvres, une goutte de vin qui roulait sur la gorge nue de Catherine. Maintenant, dis-moi comment je peux te rendre un peu de la joie que tu m'as do
Il l'avait installée à nouveau contre sa poitrine. Près de son oreille, Catherine entendait battre le cœur de son amant. Mais ce fut le sien, à elle, qui battit un peu plus vite. Le moment était venu... elle se reprochait déjà d'avoir trop tardé. Dans les délices de cette nuit d'amour, elle avait failli oublier la détresse d'Odette. Collant sa tête plus étroitement contre Philippe, elle murmura :
— J'ai... j'ai quelque chose à te demander.
— Dis vite, c'est accordé d'avance.
Elle se redressa, posa sa main sur la bouche du duc, hochant tristement la tête.
— Ne promets pas trop vite ! Tu n'aimeras sans doute pas ce que je vais te dire. Il se peut... que tu te fâches.
Elle attendit l'effet de ses paroles et son inquiétude grandit en voyant que Philippe se mettait à rire.
— II n'y a pas de quoi rire, je t'assure, fit-elle, offusquée vaguement.
— Oh si ! car je pourrais te dire moi-même ce que tu vas me demander.
Gageons... tiens, un baiser !... que je sais ce que tu veux !
— C'est impossible !
— Mais non ! Il suffit seulement de te bien co
— Alors ? fit Catherine, la gorge soudain serrée.
Qu'est-ce que le duc de Bourgogne va faire des conspirateurs ?
— Le duc de Bourgogne n'en fera rien du tout, pour ne pas faire pleurer les beaux yeux que voilà. La fille, le moine et le trafiquant iront se faire pendre ailleurs. On les libérera... mais je ne peux faire moins que les expulser. Ton Odette devra quitter la Bourgogne. Elle ira en Savoie où on la casera quelque part. Le moine retournera à son mont Beuvray avec interdiction de franchir nos frontières et le marchand regagnera Genève. Tu es contente ?
— Oh ! s'écria Catherine débordante de reco
— Alors, je te rappelle que tu me dois un gage. J'ai deviné juste. Paie, maintenant !
Catherine paya avec enthousiasme et tant d'ardeur que Philippe fut bientôt comblé.
Matines devaient être chantées depuis longtemps au couvent Saint-Etie
Elle était très fatiguée. Une journée de cérémonies écrasantes ajoutée à une nuit de plaisir, il y avait là de quoi abattre quelqu'un de plus solide. Mais, en se hâtant vers sa maison chaude, Catherine songeait avec plaisir à son lit douillet, bien clos, à la douceur de ses draps. Elle se sentait extraordinairement bien, malgré son état... détendue comme cela ne lui était pas arrivé depuis la Noël. Elle était sûre de dormir comme un ange.
Rentrée dans sa chambre, elle se hâta de se dévêtir et de se glisser dans le lit que Perrine, réveillée en sursaut, s'était précipitée pour lui bassiner pendant qu'elle se déshabillait. Tout était tranquille dans la maison. On n'entendait aucun bruit.
— Ne me laisse pas dormir trop longtemps demain matin, recommanda Catherine à la jeune fille. Il faut que j'aille à la prison vers le milieu de la matinée pour y chercher dame Odette. Et je suis si lasse que je pourrais dormir jusqu'au soir.
Perrine promit, se retira sur une révérence. Catherine, bien protégée derrière ses rideaux de soie, ne tarda pas à tomber dans un profond sommeil.
Elle fut tirée de sa bienheureuse inconscience par un fait étrange et brutal.
Des mains s'étaient saisies d'elle, l'empoignaient aux épaules et aux cuisses, la soulevaient dans les airs, l'emportaient. Ses yeux gros de sommeil devinèrent, dans une pénombre grisâtre, qui était peut-être le tout petit jour, des formes sombres et confuses qui s'agitaient. Sa chambre, qu'elle avait peine à reco
Comme pour sortir d'un rêve, Catherine voulut crier. Mais, si sa voix s'arrêta sur ses lèvres, ce ne fut pas à cause de l'étrange impuissance née d'un songe pénible, mais bien parce qu'une main s'était abattue sur sa bouche. Elle comprit, alors, qu'elle ne rêvait pas, qu'on l'enlevait bel et bien. Mais qui ?
Toutes ces ombres portaient des masques... D'autres mains, sans douceur, la roulaient dans une couver ture qu'on rabattit sur sa tête. Une obscurité totale, étouffante, engloutit la jeune femme terrorisée.
Elle perçut un vague chuchotement puis on l'emporta. En pensée, elle suivait le chemin parcouru, la galerie, l'escalier... marche à marche. Les deux hommes qui la portaient, sans précautions, la secouaient comme un panier. Elle ne pouvait crier car on l'avait bâillo
On la jeta dans quelque chose qui devait être une litière car cela se mit à bouger. Catherine se débattait avec une énergie si farouche que, malgré les liens serrés autour de la couverture, elle parvint à dégager un bras.
— Faites vite, chuchota une voix étouffée...
Catherine prit pour elle le conseil, redoubla d'énergie, découvrit sa tête à demi. Elle était dans une charrette bâchée et pleine de paille. Le jour se levait... Elle put voir un coin de la rue, très peu. Un homme occupait tout son champ de vision... et cet homme était Landry Pigasse. Un ultime effort et elle put libérer sa bouche, hurla :
— À moi... Landry !
Le cri s'étrangla dans sa gorge, étrangement faible. Ses ravisseurs avaient dû s'apercevoir qu'elle s'était quelque peu libérée. Un coup violent s'abattit sur sa tête et Catherine s'effondra dans la paille, sans co
Elle ne sut pas que la charrette franchissait la porte d'Ouche et s'engageait sur la route de l'ouest.
Une sensation de froid réveilla Catherine en même temps qu'une violente douleur à la tête. Étroitement ligotée, elle était incapable de bouger mais du moins son visage était-il découvert. Cela ne l'avançait pas beaucoup car le bâillon avait été replacé sur sa bouche et, profondément enfoncée dans la paille qui garnissait la charrette, elle ne voyait rien que le ciel et les deux hommes assis près d'elle. Mais sa tête était à peu près à la hauteur de leurs pieds.