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Combien de temps Catherine flotta-t-elle dans le gouffre de l'inconscience, dans les eaux noires de l'angoisse et de la peur avec la folie guettant cette femme poussée aux dernières limites de la désespérance ? Même Sara, rivée au chevet de celle qui lui était plus chère que sa propre vie, n'aurait pu le dire. La gitane se rappelait le soir terrible, le soir d'émeute où Paris était fou et où Barnabé le Coquillart était venu la chercher pour qu'elle vînt do

Elle revoyait le corps inerte, encore maigre, la petite tête pâle sous la nappe fastueuse des cheveux fous, la tragique inconscience du regard... Elle avait lutté, pied à pied, nuit et jour, pour arracher l'enfant à la mort et à la folie. C'était le soir où Catherine avait tenté de sauver Michel de Montsalvy et où le père de l'enfant avait payé de sa vie la folle générosité de sa fille. Est-ce que tout allait recommencer et fallait-il que Catherine fût menée aux portes de la mort le jour où les Montsalvy entraient dans son existence comme le jour où les Montsalvy s'arrachaient d'elle ? Et, maintenant, la jeune femme blessée au plus sensible, au plus profond résisterait- elle à l'effondrement de sa vie ?

Cependant, Catherine, du fond des brumes de sa fièvre, remontait parfois à la surface de la conscience. Elle reco

En réalité, cinq jours seulement coulèrent, entre la scène cruelle du chemin de ronde et le moment où Catherine reprit définitivement ses sens. Ses yeux s'ouvrirent sur une gloire de soleil et de ciel bleu qui à travers la fenêtre ouverte emplissait la chambre. Une main s'appuya sur son front et les choses se retrouvèrent comme elles étaient chaque fois qu'elle revenait à la vie : Isabelle de Montsalvy était debout au pied du lit, dans ses vêtements noirs.

— La fièvre est tombée, dit au chevet la voix de Sara où vibrait une joie.

— Dieu en soit loué ! répondit la silhouette noire, qui se pencha sur le lit à son tour.

Il se passa alors une chose invraisemblable, incompréhensible : Isabelle prit la main inerte de Catherine, abando

Et puis, soudain, la notion des choses lui revint. Une vague amère de douleur emplit la jeune femme qui fit un effort désespéré pour se redresser. Sara, aussitôt, s'interposa :

— Reste tranquille, tu es trop faible...

— Arnaud!... balbutia-t-elle... Arnaud !... Où est- il ? Oh... je me souviens, je me souviens de tout maintenant ! Il ne m'aime plus... il ne m'a jamais aimée... C'est l'autre qu'il aime... c'est l'autre !

Sa voix montait vers un diapason aigu et Isabelle de Montsalvy inquiète, craignant une rechute, se rapprocha. Elle prit la main diaphane qui maintenant battait l'air comme l'aile d'une colombe affolée.

— Mon enfant, calmez-vous... Il ne faut pas penser, il ne faut pas parler. Il faut songer à vous, à votre fils.





Mais Catherine s'agrippait à sa main, en tirait assez de force pour se redresser à demi. Dans la masse rutilante de ses cheveux dénoués, son visage étroit se marquait de rouge fluide aux pommettes tandis que le regard prenait un éclat visio

— Il est parti, n'est-ce pas ? Dites-le-moi, je vous en supplie. Il est parti ? Oh... et puis. (Elle lâcha prise tout à coup, se laissa aller de nouveau sur les oreillers de lin.) Ne me répondez pas, ajouta-t-elle avec une poignante expression de douleur, je sais qu'il est parti ! Je le sens au vide qu'il y a là... Il est parti... avec elle !

— Oui, murmura Sara d'une voix lourde, il est parti hier.

Catherine ne répondit pas. Elle s'efforçait de toutes ses faibles forces de retenir les sanglots qui montaient et qui, peut-

être, achèveraient de l'épuiser. Elle ferma les yeux.

— Il y a trop de lumière, Sara, murmura-t-elle. Cela me fait mal. Pourquoi donc le soleil brille-t-il ? Il est mon e

Derrière l'écran de ses paupières baissées, elle retrouvait pourtant ce soleil. Elle le voyait éclairer la course de deux cavaliers qui, côte à côte, suivaient un chemin vert, tout brillant de lumière, tout bruissant de chants d'oiseaux si nombreux que le pas des chevaux ne parvenait pas à les faire taire. Ce pas des chevaux, d'ailleurs, elle l'entendait... Il claquait sur le chemin, joyeusement, faisait voler les pierres dans la hâte de la fuite... Les deux cavaliers s'en allaient loin, fuyaient comme des malfaiteurs pour cacher un bonheur volé et maudit. Et le pas des chevaux, les pierres du chemin, tout cela venait cogner dans la tête encore douloureuse de la jeune femme... Sara la vit croiser ses mains, devenues transparentes en ces quelques jours, serrer l'endroit du cœur comme si elle voulait l'arracher de sa poitrine. Mais Sara ne pouvait pas savoir qu'un cœur brisé cela faisait si mal ! Le souffle de Catherine emplissait la chambre, fort et bruyant comme celui d'un coureur qui a fourni une longue étape à vive allure. Et Sara, désolée, l'entendit murmurer :

— Je voudrais tant le revoir... rien qu'une fois ! Entendre encore sa voix, sentir... encore une fois ses lèvres sur ma joue et puis mourir ! Rien qu'une fois...

Elle était si faible, si misérable dans son humble prière, cette pauvre enfant aux prises avec une douleur trop forte pour elle que Sara se laissa tomber près d'elle, l'enveloppa de ses bras et pressa sa joue contre la sie

— Mon tout petit... Ne te torture plus ! Essaie de guérir, pour ton petit... pour moi aussi ! Qu'est-ce qu'elle deviendrait sans toi, ta vieille Sara ? Il y a encore tant de choses au monde, tant de joies possibles pour toi. La vie n'est pas finie.

— Ma vie, c'était lui...

Jamais le respect de la parole do

Longtemps, les deux femmes demeurèrent serrées l'une contre l'autre, mêlant leurs larmes. Catherine trouvait un apaisement à pleurer ainsi. L'amertume se dissolvait un peu dans les larmes et la blessure s'endormait. La tendresse maternelle de Sara, elle aussi, avait d'étranges vertus lénitives. La tête appuyée contre son vaste giron, Catherine se sentait momentanément à l'abri, comme une petite barque de pêche démâtée par la tempête et qui, par miracle, trouve un havre.