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Catherine sentit que les mains d'Arnaud glissaient à sa taille et la remettaient debout. Sans la lâcher, il dit:

— Nous sommes heureux de votre joie, Mère, mais à celle-ci, mon épouse et la mère de votre petit-fils, ne direz-vous rien ?

La dame de Montsalvy se retourna vers eux, enveloppa du regard le couple qu'ils formaient. Lentement, elle s'approcha d'eux et sourit de nouveau.

Pardo

Elle tendait à Catherine sa main gauche, gardant Michel au creux du bras droit. Docilement, la jeune femme s'approcha du feu, rejetant le capuchon qui couvrait sa tête. Les flammes firent étinceler sa chevelure, mirent des paillettes d'or dans ses yeux. Elle resta là, bien droite, sa petite tête fine dressée par un orgueil inconscient, attendant le verdict qui ne tarda guère.

— Comme vous êtes belle ! soupira Isabelle de Montsalvy... Presque trop !

— La plus belle dame du royaume, fit Arnaud tendrement,... et la plus aimée !

Sa mère sourit de la chaleur qu'il avait mise dans ces quelques mots.

— Tu ne pouvais choisir qu'une femme très belle, dit-elle, tu as toujours été si difficile ! Venez m'embrasser, mon enfant.

Le cœur serré de Catherine se dilata. Elle se courba un peu pour offrir son front au baiser de sa belle-mère avant d'effleurer de ses lèvres la joue mate qu'on lui offrait. Puis les deux femmes se penchèrent d'un même mouvement sur Michel qui s'agitait.

— Il est beau, lui aussi, exulta la grand-mère. Comme nous allons l'aimer !

Un cri venu de la porte lui coupa la parole. Une jeune fille brune venait d'apparaître, bousculant Saturnin, Donatie

— Arnaud ! Arnaud !... Tu es revenu ! Enfin...

Comme dans un songe, Catherine vit la jeune fille

courir à son époux, l'envelopper de ses bras et, se haussant sur la pointe des pieds, coller ses lèvres à celles du jeune homme avec une passion qui ne laissait aucun doute sur ses sentiments profonds. Arnaud avait été tellement surpris qu'il n'avait pas réagi immédiatement, mais Catherine sentit une brusque colère l'envahir. « D'où sortait-elle, celle-là, et de quel droit

embrassait-elle son époux avec cette ardeur ? » Vivement, elle alla rejoindre Arnaud qui, d'ailleurs, avait repris ses esprits et repoussait vivement l'assaillante.

— Marie ! dit-il, tu devrais apprendre à contrôler tes impulsions. Je ne savais pas que tu étais ici.

— Son frère me l'avait confiée, dit sa mère. Elle s'e

— Tandis qu'ici, c'est infiniment plus gai, fit Arnaud. Tiens-toi tranquille, coupa-t-il avec impatience en rabattant les bras qui allaient se nouer encore à son cou, tu es trop grande pour te comporter comme une gamine ! Ma mie, ajouta-t-il en se tournant vers sa femme, cette jeune chèvre est notre cousine, Marie de Comborn.

Catherine, mal remise de la désagréable impression éprouvée, s'obligea au sourire. Elle reçut en plein visage le regard de deux yeux vert foncé, chargés de fureur. Marie de Comborn offrait, en effet, une certaine ressemblance avec une chèvre. Petite, nerveuse, on sentait sous sa robe de drap noir en mauvais état un corps musclé, tendu comme une corde d'arc. Le visage triangulaire était étrange, pointu, s'élargissant aux pommettes pour laisser place à de vastes yeux sombres.

Les cheveux noirs, frisés comme ceux d'une bohémie

— Bonsoir, Marie, dit-elle gentiment. Je suis heureuse de vous co

— Qui êtes-vous ? demanda la jeune fille sèchement.





Ce fut Mme de Montsalvy qui se chargea de la renseigner. Sa voix grave et musicale à la fois se fit entendre, empreinte de sévérité.

— Elle se nomme Catherine de Montsalvy, Marie... et elle est la femme d'Arnaud. Embrasse-la !

Catherine crut que Marie allait s'évanouir à ses pieds. Son visage brun devint gris tandis que ses narines se pinçaient.

Ses prunelles vertes allèrent d'Arnaud à Catherine, de Catherine à Arnaud, s'affolant. Une sorte de rictus déforma sa bouche fraîche, montrant les dents comme un chien prêt à mordre.

— Sa femme ! gronda-t-elle... Vous êtes sa femme et vous osez m'adresser la parole ? Depuis que je suis née, je lui suis destinée... je l'ai aimé dès que j'ai pu éprouver un sentiment et il vous a épousée... vous !

— Marie ! cria Mme de Montsalvy. En voilà assez !

Catherine était partagée entre l'envie de pleurer et le désir de laisser la colère l'envahir. Mais, avec un haussement d'épaules, Arnaud se détournait.

— Cette fois, je crois bien qu'elle est tout à fait folle !

Marie se tourna vers lui, son visage maigre et ardent se tendit.

— Folle ? Oui, je suis folle, Arnaud, folle de toi ! Je l'ai toujours été ! Et ce n'est pas à cause de cette femme que je renoncerai à toi. Je n'aurai ni trêve ni repos que je ne t'aie arraché à elle !

Le bras de Marie, tendu vers Catherine de façon menaçante, retomba. La jeune fille jeta autour d'elle un regard égaré puis, éclatant en sanglots, elle franchit la porte en courant et se fondit dans la nuit. Arnaud fit un mouvement pour la suivre mais Catherine l'arrêta net, d'une main posée sur son bras.

— Si tu la suis, je pars sur l'heure ! dit-elle froidement. En vérité, voilà qui nous promet des jours agréables !

Il la regarda, vit que ses grands yeux étincelaient à la fois de colère et de larmes. Un bref sourire détendit ses traits. Il attira la jeune femme dans ses bras et la serra à lui faire mal.

Tu ne vas pas être jalouse de cette gamine exaltée, toi, mon incomparable ? Je ne suis nullement responsable des rêves qu'elle a nourris et, sur mon ho

Il ferma d'un baiser les paupières humides puis, se détournant légèrement, rencontra le regard de Gauthier, étrangement inexpressif.

— Va la chercher ! ordo

— Ça m'éto

Gauthier disparut sans un mot, suivi de Fortunat. Saturnin, qui avait conduit les chevaux à l'écurie, renterait dans la salle. Catherine alla s'asseoir sur la pierre de l'âtre. Elle se sentait affreusement lasse et désorientée. Auprès d'elle, la grand-mère berçait toujours Michel en lui chuchotant ces petits mots tendres, un peu bêtes mais touchants, qui constituent la langue mystérieuse usitée entre les gens âgés et les tout-petits. L'air accablé de Catherine, ses épaules soudain voûtées alarmèrent Arnaud. Il vint s'agenouiller près d'elle, prit ses deux mains et les couvrit de baisers.

— Pourquoi si triste, Catherine ? Notre demeure est détruite, mais la famille est intacte, nous sommes à l'abri... et je t'aime ! Souris-moi, mon cœur ! Quand tu es triste il n'y a plus de lumière dans le monde.

Le beau visage dur, tendu vers elle, implorait et exigeait à la fois. La conscience lui revint, aiguë et presque douloureuse, de son amour pour lui, balayant le décor rude, les murs de pierre nue, les solives noires, les meubles rudimentaires et l'écœurante odeur de fumée. Saurait-elle jamais lui résister ou même lui refuser quelque chose ? Mais quand il disait « je t'aime », tout s'effaçait de ce qui n'était pas leur trop grand amour. Avec une infinie tendresse, elle lui offrit, un peu tremblant encore, le sourire qu'il réclamait.