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— Alors, laissez-le s'y rendre comme il l'entend, et seul.

— Et s'il guérit ? Dois-je aussi le laisser partir, loin de moi, se faire tuer en combattant les Infidèles ?

— Que faisaient d'autre les femmes des anciens Croisés ?

— Certaines partaient avec eux. Moi, je veux retrouver l'homme que j'aime, lança Catherine avec, dans sa voix, une note de passion si sauvage que l'abbé détourna les yeux, fronçant légèrement les sourcils.

— Et... s'il ne guérit pas ? dit enfin l'abbé. C'est une grâce rare, qui ne s'obtient pas facilement.

Il y eut un silence. Jusque-là, les répliques de Catherine et de l'abbé s'étaient croisées à cadence rapide, comme les épées de deux duellistes. Mais les derniers mots évoquèrent la grande terreur du mal maudit. Un frisson parcourut l'échiné de tous les assistants. Catherine se leva, marcha jusqu'au grand christ en croix qui ouvrait ses bras décharnés au mur de la salle capitulaire.

— S'il ne guérit pas, je resterai avec lui, vivant tant qu'il vivra, mourant de son mal, mais avec lui, dit-elle fermement, les yeux fixés à la croix comme pour la prendre à témoin.

— Dieu défend le suicide. Vivre avec un lépreux, c'est chercher la mort volontaire, objecta l'abbé sèchement.

— J'aime mieux vivre avec lui lépreux qu'avec le reste du monde en bo

avec lui que la vie sans lui... et même la damnation si c'est offenser Dieu qu'aimer au-delà de soi-même !

La voix de l'abbé to

— Taisez-vous ! La passion humaine vous fait offenser Dieu plus sûrement encore ! Repentez-vous, si vous voulez être exaucée, et songez que les cris de l'amour charnel insultent à la pureté de Dieu.

— Pardo

— Non !

Le mot avait claqué, net, définitif.

De nouveau le silence, étouffant. Derrière Catherine, les trois témoins muets de cette scène retenaient leur souffle. La jeune femme regarda le mince et sévère visage d'un air incrédule.

— Non ?... Mon père... Pourquoi ?

Ce fut un véritable cri de douleur. Lentement, elle se laissa tomber à genoux, tendit les mains dans le geste instinctif des suppliants.

— Pourquoi ? répéta-t-elle avec des larmes dans la voix. Laissez-moi partir ! Si le perds à jamais son amour, mon cœur s'arrêtera de battre de lui-même, je ne pourrai plus vivre.

Les traits rigides s'adoucirent d'une profonde mansuétude. Bernard de Calmont descendit jusqu'à la jeune femme, se pencha vers elle et, prenant les mains suppliantes, la releva doucement.

— Parce que vous ne pouvez partir maintenant, ma fille. Vous ne songez qu'à votre humaine passion, qu'à votre douleur légitime et peut-être méritée. N'aviez- vous pas encouragé ce jeune seigneur à espérer votre amour ? Non, ne me répondez pas. Dites-moi seulement si cet amour vous pousse à la cruauté, s'il n'y a dans ce cœur entièrement do

— Que voulez-vous dire ?





— Ceci, sans parler de votre fils qui doit vous retenir ici, laisserez-vous mourir seule, sans votre tendresse, cette vieille femme qui n'a plus que vous, cette mère dont la souffrance est sans doute pire que la vôtre car vous gardez au fond de vous, tenace, l'espoir obscur de retrouver votre époux. Tandis qu'elle sait que jamais elle ne reverra son fils... Aurez-vous cette dureté ?

Catherine baissa la tête. Dans son désespoir elle avait oublié Isabelle qui se mourait dans son étroite cellule de l'hôtellerie conventuelle. Pour Michel seul son cœur avait redouté de souffrir de la séparation. Il avait été toute son hésitation, tout ce qui avait pu la retenir. Elle n'avait pas songé à la vieille femme. Elle avait honte maintenant, mais, derrière les reproches que lui faisait sa conscience, elle entendait encore protester son amour. Perso

— Non, dit-elle seulement. - Mais elle se détourna pour chercher le réconfort des bras de Sara qui, tendrement, la serra contre elle.

Avec un soupir, elle ajouta : Je resterai.

Alors, s'éleva la voix rude de Gauthier.

— Vous devez rester, dame Catherine, pour celle qui meurt et pour l'enfant. Mais, moi, je suis libre si vous me do

Catherine, que cette explosion avait ranimée, eut pour le Normand un regard débordant de reco

— C'est vrai. Tu es là, toi... Tu pourras lui dire que je ne l'ai jamais trahi, mais il n'acceptera pas de revenir vers moi, tu le sais bien. Perso

— Je ferai ce que le pourrai. Du moins le devoir perdra-t-il pour vous le goût amer que vous lui trouvez.

Si messire Arnaud guérit, je le ramènerai de force au besoin. Sinon...

je reviendrai seul vers vous. Me laissez-vous partir?

— Comment le refuserais-je ? Tu es ma seule chance.

— Alors, allons-y, s'écria Gauthier qui, comme tous les hommes d'action, n'aimait guère les paroles. Nous avons perdu assez de temps comme ça. Faites-moi ouvrir les portes de la ville, et à cheval ! Par Odin, je saurai bien le retrouver... même s'il faut courir après jusque chez Mahomet !

— Ici, c'est la maison de Dieu, s'indigna l'abbé. Les idoles n'y ont que faire. Venez avec moi, Catherine, ma fille... allons demander à Notre-Dame du Ciel de veiller sur ce sauvage qui ne la co

Une heure plus tard, debout près de la porte sud de Montsalvy, entre Sara et Saturnin, Catherine écoutait décroître vers la profonde vallée du Lot le galop du cheval de Gauthier. Lesté d'un peu de provisions, de vêtements solides et d'une bourse bien garnie, monté sur un vigoureux percheron qui rattrapait en puissance ce qu'il perdait en finesse, le Normand se lançait sur la trace d'Arnaud et de Fortunat.

Quand le bruit se fut éteint au cœur de la nuit semée d'étoiles, Catherine resserra autour d'elle la mante sombre dont elle était enveloppée, chercha au firmament la trace blanche de la Voie lactée, que l'on appelait alors le chemin de saint Jacques, et soupira :

— Parviendra-t-il à le retrouver ? Ces régions du sud lui sont aussi étrangères que le pays du Grand Khan.

— Monseigneur l'abbé lui a dit qu'il devait suivre le chemin marqué de coquilles. Il lui a appris le nom des premières étapes puisqu'il ne pouvait les lui écrire, dit Saturnin. Il faut avoir confiance, dame Catherine. Bien qu'il ne croie pas en eux, je sais que Madame la Vierge et Monseigneur saint Jacques veilleront sur Gauthier. Ils n'abando

— Il a raison, renchérit Sara en prenant le bras de Catherine. Gauthier a pour lui la force, l'intelligence et la ruse. Il a en lui-même une foi capable de soulever des montagnes. Viens maintenant, rentrons. Dame Isabelle a besoin de nous et, en embrassant ton fils, tu trouveras le courage de poursuivre la tâche qui t'attend encore.

Catherine ne répondit pas. Elle étouffa le soupir de regret qui lui venait et, silencieusement, remonta vers l'abbaye. Mais elle savait bien qu'elle avait seulement plié devant la raison et que le désir de s'élancer, elle aussi, sur les traces d'Arnaud ne la quitterait pas de sitôt. Longtemps, ce soir-là, elle berça Michel dans ses bras, réchauffant son cœur douloureux à son amour pour l'enfant.