Добавить в цитаты Настройки чтения

Страница 79 из 107

Arrivés dans l'embrasure d'une fenêtre, Bernard s'arrêta, fit face à Catherine et, soudain grave, demanda :

— Où est-il ? Qu'est-il devenu ?

Elle pâlit, le regarda avec une sorte d'effarement.

— Arnaud ? Mais... ne le savez-vous pas ? Il n'est plus.

— Je n'en crois rien, répliqua-t-il avec un geste violent qui repoussait l'image funeste un instant évoquée.

Il s'est passé à Carlat quelque chose que je ne comprends pas. Hugh Ke

Elle hocha la tête tristement, repoussant d'un doigt machinal le voile noir qui venait frôler sa joue.

— C'est une affreuse vérité, Bernard, pire que la mort. Je vous la dois, en effet, et pourtant je voudrais que vous ne me la demandiez pas. Elle est si cruelle ! Sachez pourtant que, pour le monde entier, mon époux est mort.

— Pour le monde entier mais pas pour moi, Catherine. Je suis comme vous. Voici seulement quelques jours qu'à nouveau je suis admis dans cette cour. Jusque-là je guerroyais au nord de la Seine, avec La Hire et Xaintrailles. Eux aussi refusent la mort inexplicable, inexpliquée de Montsalvy.

— Comment se fait-il qu'ils ne soient point ici ? demanda Catherine pour tenter de faire diversion. J'aimerais les revoir.

Mais le comte de Pardiac ne voulait pas être détourné de son sujet.

Il répondit brièvement :

— Ils combattent Robert Willoughby sur l'Oise. Si je n'avais été avec eux, je fusse retourné à Carlat. J'en suis seigneur, souvenez-vous-en, et j'aurais bien su arracher la vérité à ceux du château, au besoin par la torture.

— La torture ! La torture ! Vous ne co

— Les moyens sont ce qu'ils sont, répondit-il tranquillement ; l'important, c'est le résultat. Parlez, Catherine, vous savez bien que tôt ou tard je saurai. Et je vous gage ma foi de gentilhomme que votre secret sera bien gardé. Vous savez que ce n'est pas une vaine curiosité qui m inspire.

Elle le dévisagea un moment. Comment douter de sa sincérité après tout ce qu'il avait fait pour eux ? Elle eut un geste rempli de lassitude.

— Je vais vous le dire. Aussi bien, qu'importe...

Il lui fallut fort peu de mots pour apprendre à Cadet Bernard l'affreuse vérité d'Arnaud. Mais quand elle se tut, le prince gascon était blême. Il essuya d'un revers de sa manche de brocart doré la sueur qui coulait de son front. Et, brusquement, il rougit de colère, darda sur la jeune femme un regard furieux.

— Et vous l'avez laissé dans cette ladrerie campagnarde, au milieu des rustres, s'y détruire lentement ! Lui, le plus fier de nous tous ?

— Que pouvais-je faire ? s'écria Catherine tout de suite révoltée.

J'étais seule contre la garnison ; contre le village... Il fallait qu'il en fût ainsi. Il l'a voulu lui- même. Oubliez-vous que nous n'avions plus rien, plus d'autre asile que ce Carlat que nous vous devions ?

Bernard d'Armagnac détourna la tête, haussa les épaules, puis jeta sur Catherine un regard incertain.

— C'est vrai. Pardo

— Qui oserait se dévouer quand il s'agit de la lèpre ? murmura Catherine, et pourtant, je crois, oui, je crois que ce serait possible.

Mais où ? Il ne veut pas s'éloigner de Montsalvy.

— Je trouverai, je vous dirai... Dieu Tout-Puissant ! Je ne puis supporter l'idée de le savoir là où il est.

Les larmes montèrent aux yeux de Catherine qui, sa joie envolée, balbutia :



— Et moi ? Croyez-vous que je puisse l'endurer ? Pourtant, voilà des mois qu'elle me torture, cette idée. Si je n'avais un fils, je serais partie avec lui, je ne l'aurais jamais laissé seul. Que m'importait de mourir, même de cet abominable mal, si c'était avec lui ? Mais j'ai Michel... et Arnaud m'a repoussée. J'avais une tâche à accomplir.

Maintenant, à dire vrai, elle l'est.

Cadet Bernard la regarda avec une curiosité avide en mordillant ses lèvres minces.

— Alors, qu'allez-vous faire ?

Elle n'eut pas le temps de répondre : une haute silhouette vêtue de bleu se dressait auprès d'eux tandis qu'une voix sèche demandait :

— Feriez-vous pleurer Madame de Montsalvy, seigneur comte ? Il y a des larmes dans son regard.

— Vous avez de bons yeux, à ce qu'il paraît, rétorqua Bernard avec hauteur, mécontent d'être dérangé. Puis-je vous demander en quoi cela vous regarde ?

Mais, si l'intrusion de Brézé avait choqué Bernard d'Armagnac, le ton de Bernard parut déplaire souverainement au seigneur angevin.

— Aucun des amis de dame Catherine n'aime la voir souffrir.

— Je suis de ses amis plus que vous ne le serez jamais, messire de Brézé, et, ce qui vaut mieux, je suis celui de son époux.

— Vous étiez, rectifia Brézé. Ignorez-vous que le noble Arnaud de Montsalvy est mort glorieusement ?

— Votre attitude pleine de sollicitude envers sa ... veuve laisse supposer que cela ne vous chagrine guère. Quant à moi...

Le ton s'envenimait. Catherine, effrayée par la querelle qu'elle sentait venir, s'interposa :

— Messeigneurs ! Je vous en prie ! Vous n'allez pas marquer d'une altercation mon retour en grâce ? Que dirait le Roi, que diraient les reines ?

L'attitude brusquement agressive de Bernard l'éto

— La reine Yolande vous cherchait, dame Catherine ; vous plaît-il que je vous mène à elle ?

Hélas, Pierre de Brézé était bien décidé à garder Catherine pour lui.

Il adressa à Tristan un sourire sec.

— Je vais la mener moi-même, dit-il vivement.

Et, en voyant Cadet Bernard ouvrir la bouche, Catherine désolée comprit que tout allait recommencer. Pourtant elle mourait d'envie d'interroger Pierre. Il revenait de Montsalvy, il devait avoir tant de choses à lui dire ! Mais comment s'isoler avec lui sous le regard méfiant de Cadet Bernard qui semblait s'être constitué le défenseur des droits d'Arnaud ? Heureusement, à cet instant précis, les serviteurs du château cornèrent l'eau et, au même moment, le Grand Maître de l'Hôtel du Roi s'approcha de Catherine.

— Le désir de notre sire est que vous soupiez à sa table, Madame.

Permettez-moi de vous conduire.

Un soupir de soulagement dégonfla la poitrine de Catherine. Elle adressa au comte de Vendôme un sourire plein de gratitude et, acceptant la main que lui offrait le vieux gentilhomme, elle adressa un bref salut aux deux adversaires, un sourire à Tristan et s'éloigna vers la salle du banquet.

Le souper royal fut, pour Catherine, à la fois un triomphe et une épreuve. Un triomphe parce qu'assise à la droite de la reine Marie elle était le point de mire de tous les regards. Dans ses sévères voiles noirs, sa beauté éclatait au milieu des satins clairs, des chairs laiteuses des belles révélées par les profonds décolletés, des pourpoints rebrodés de fleurs ou de devises précieuses, comme le malfaisant diamant noir avait brillé parmi les pierreries de Garin.

Continuellement, le regard du Roi se tournait vers elle. Il lui faisait porter des mets pris à son propre plat et l'échanson royal lui servait le même vin qu'au souverain, ce cru d'Anjou qu'il aimait entre tous.